La Presse Anarchiste

Sur les syndicats et leur fonctionnement

[(L’in­térêt de ce texte de Paraschiv est mul­ti­ple. Écrit au lende­main des évène­ments polon­ais de 70/71, il en con­stitue en quelque sorte la con­trepar­tie poli­tique, le pro­longe­ment pro­gram­ma­tique dans un con­texte sen­si­ble­ment dif­férent, la Roumanie. Il prou­ve donc l’ex­is­tence à l’Est d’une prob­lé­ma­tique com­mune au sein de la con­tes­ta­tion ouvrière. L’ori­en­ta­tion tac­tique qui se dégage des propo­si­tions de Paraschiv (adressées aux autorités syn­di­cales et poli­tiques) ne va pas dans le sens d’un syn­di­cal­isme libre mais dans celui d’une restruc­tura­tion des struc­tures syn­di­cales exis­tantes. Une telle tac­tique peut et doit, à mon avis, être envis­agée dans les péri­odes de non mobil­i­sa­tion sociale effec­tive si elle ne peut ― en aucun cas aboutir à un change­ment des syn­di­cats offi­ciels une telle tac­tique peut favoris­er l’émer­gence d’une oppo­si­tion ouvrière. Enfin, ce texte-témoignage sig­ni­fi­catif sur la réflex­ion ouvrière à l’Est ― nous intéresse, en tant que lib­er­taires, à plusieurs titres. Je pense aux moyens pro­posés pour la démoc­ra­ti­sa­tion de l’assem­blée générale qui con­stitue l’élé­ment cen­tral de la démarche de Paraschiv, ain­si qu’à la déf­i­ni­tion de l’É­tat en oppo­si­tion avec le syndicat. 

Nico­las.)]

A l’at­ten­tion du Comité Cen­tral du PCR de la rédac­tion du jour­nal « Le tra­vail », sec­tion cour­ri­er du Con­seil Cen­tral des syn­di­cats de Roumanie à Bucarest de la rédac­tion du jour­nal « La Flamme de Pra­ho­va », Ploiesti

Je sous­signé Paraschiv Vasile de Ploiesti, ouvri­er ATM dans l’u­nité indus­trielle pétrochim­ique Brazi/Deva, je vous adresse ― en rela­tion avec la tâche assignée par le Par­ti, au sujet de la con­sul­ta­tion des tra­vailleurs sur le rôle et les attri­bu­tions des syn­di­cats dans notre pays, dans l’é­tape actuelle ― les propo­si­tions suiv­antes à pro­pos de ma manière d’en­vis­ager une solu­tion cor­recte à ce prob­lème. Je vous prie de ren­dre publiques ― dans la presse cen­trale et locale ― inté­grale­ment et sans aucune mod­i­fi­ca­tion ces propositions.

Je pro­pose que la nou­velle loi sur les syn­di­cats prenne en con­sid­éra­tion les propo­si­tions suiv­antes (propo­si­tions qui con­stituent en réal­ité une demande que j’adresse au Parti) : 

I. Les syn­di­cats sont des organ­i­sa­tions ouvrières libres, autonomes, qui ne doivent ren­dre compte de leur activ­ité que devant les ouvri­ers qui les ont élus et qu’ils représentent. 

II. Le rôle et les attri­bu­tions des syn­di­cats dans notre pays, dans l’é­tape actuelle, sont pre­mière­ment de défendre les droits et les intérêts économiques, soci­aux et poli­tiques des ouvri­ers et deux­ième­ment (d’as­sur­er) la pro­duc­tion sous tous ses aspects ― qual­i­tat­ifs, quan­ti­tat­ifs, etc.― et d’ap­puy­er la direc­tion admin­is­tra­tive dans la réal­i­sa­tion des plans économiques de pro­duc­tion étab­lis par les organes supérieurs de l’É­tat, donc par le ministère. 

III. Dans le cadre des rela­tions de pro­duc­tion l’É­tat a ses représen­tants, les chefs hiérar­chiques admin­is­trat­ifs qui met­tent en pra­tique ses dis­po­si­tions, ses ordres et ses décisions.

Les ouvri­ers doivent aus­si avoir, dans le cadre de ces rela­tions de pro­duc­tion, leur représen­tant, le syn­di­cat, qui puisse dis­cuter avec la direc­tion de l’en­tre­prise au nom des ouvri­ers, qui puisse défendre leurs intérêts et appli­quer leur déci­sion et leur volonté.

En cas de dis­sen­sions, lit­iges ou con­flits de tra­vail entre le syn­di­cat, en tant que représen­tant des ouvri­ers, et l’ad­min­is­tra­tion, en tant que représen­tant de l’É­tat, le Par­ti doit avoir un rôle d’ar­bi­tre, en sa qual­ité d’in­stance suprême de direc­tion ; sa déci­sion doit être défini­tive et oblig­a­toire pour les deux par­ties en conflit.

IV. Abo­li­tion de la cen­sure dans la presse syn­di­cale, lib­erté de réflex­ion et d’ex­pres­sion, droit de cri­tique à l’é­gard de tout organe poli­tique et admin­is­tratif pour ses carences et ses erreurs. 

V. Les syn­di­cats doivent avoir droit de veto dans tous les organes admin­is­trat­ifs, d’en bas, du Comité de direc­tion, jusqu’en haut, donc jusqu’au gou­verne­ment, lors de l’adop­tion de lois et de déci­sions qui affectent les droits et les intérêts des ouvriers.

VI. Le droit de con­vo­ca­tion, d’or­gan­i­sa­tion et de mobil­i­sa­tion des ouvri­ers dans les actions socio-poli­tiques et économiques revient exclu­sive­ment aux syn­di­cats élus par ces ouvriers.

VII. Par groupe, on entend un nom­bre restreint d’in­di­vidus (de trois à cinq) et non pas des dizaines et des cen­taines que réu­nit habituelle­ment un groupe syn­di­cal chez nous.

Je pro­pose que dans la nou­velle struc­ture organ­isatrice des syn­di­cats l’ap­pel­la­tion « groupe syn­di­cal » soit rem­placé par celle d’ « organ­i­sa­tion syn­di­cale » pour les sec­tions et par celle de « comité syn­di­cal » pour les entreprises. 

VIII. Le nou­veau statut des syn­di­cats doit prévoir la pos­si­bil­ité de retir­er le man­dat con­fié par l’assem­blée générale à toute per­son­ne ou organ­isme n’ayant pas rem­pli les oblig­a­tions qu’on leur avait assignées et la pos­si­bil­ité d’at­tribuer ce man­dat à d’autres per­son­nes, ceci pen­dant toute l’an­née, chaque fois qu’une telle sit­u­a­tion se présente.

IX. L’élec­tion par sec­tion et par entre­prise des organes syn­di­caux ne doit pas être lim­itée dans le temps et le statut des syn­di­cats doit prévoir l’oblig­a­tion pour l’or­gan­isme élu de con­sul­ter tous les ans l’assem­blée générale si celle-ci décide de nou­velles élec­tions ou la pro­lon­ga­tion du man­dat con­fié, avec ou sans mod­i­fi­ca­tion dans la com­po­si­tion de l’an­cien organisme.

X. Je pro­pose que les réu­nions syn­di­cales aient lieu, oblig­a­toire­ment, tous les trois mois et qu’à leur ordre du jour ne soient inscrits que les prob­lèmes pure­ment syn­di­caux, à car­ac­tère économique et social ; deux fois par an les réu­nions syn­di­cales abor­deront exclu­sive­ment les prob­lèmes con­cer­nant la pro­duc­tion sous tous ses aspects et l’analyse du tra­vail du dernier semes­tre ain­si que la dis­cus­sion autour des tâch­es pour l’avenir.

XI. Toute réu­nion du syn­di­cat est con­vo­quée et con­duite par l’or­gan­isme élu. L’or­gan­isme qui con­duit la réu­nion est obligé de con­sul­ter l’assem­blée générale, de deman­der son avis sur tout prob­lème chaque fois qu’un mem­bre du syn­di­cat l’ex­ige et l’assem­blée générale est oblig­ée de don­ner sa posi­tion par vote ouvert (à main lev­ée). La posi­tion de l’assem­blée générale doit être, sur tout prob­lème, déci­sive et oblig­a­toire pour tous les mem­bres du syndicat.

XII. Out­re le procès-ver­bal, toute réu­nion syn­di­cale doit oblig­a­toire­ment s’achev­er sur des con­clu­sions à pro­pos des prob­lèmes abor­dés, con­clu­sions qui représen­tent le point de vue de l’assem­blée générale, sa volon­té et sa décision.

XIII. L’élec­tion des organ­ismes syn­di­caux doit être fondée sur le principe de la présen­ta­tion des can­di­da­tures par le col­lec­tif des tra­vailleurs (équipe, ate­lier, bureau, etc.) dans le cadre d’une sec­tion. Pour une organ­i­sa­tion syn­di­cale de sec­tion ou d’en­tre­prise doivent être présen­tées trois, tout au plus cinq can­di­da­tures et l’assem­blée générale doit décider, par vote secret, le can­di­dat qu’elle préfère pour la fonc­tion de prési­dent de l’or­gan­i­sa­tion syn­di­cale ou du comité syn­di­cal. Le prési­dent du nou­v­el organ­isme con­stitue son col­lec­tif de tra­vail ― le bureau de l’or­gan­i­sa­tion syn­di­cale ou du comité syn­di­cal ― en choi­sis­sant de trois à cinq per­son­nes. Après il en informe l’assem­blée générale qui doit con­firmer ou infirmer la com­po­si­tion du bureau for­mé par le nou­veau président.

XIV. Les syn­di­cats doivent avoir le droit de con­trôle sur l’ad­min­is­tra­tion au sujet du respect des normes en vigueur et de la lég­is­la­tion ouvrière.

XV. A l’oc­ca­sion des élec­tions du syn­di­cat, on ne per­met pas la par­tic­i­pa­tion au débat de per­son­nes étrangères à l’or­gan­i­sa­tion syn­di­cale respec­tive. Ces per­son­nes ne peu­vent assis­ter qu’aux réu­nions qui ne com­por­tent pas d’élections.


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