La frénésie repeuplante de l’Académie a été quelque peu contenue par les remarques du professeur Pinard. Il a rappelé que, sans la qualité, la quantité des hommes était de peu de valeur et qu’il était nécessaire d’assurer l’élevage des petits avant de les appeler au monde. Si la conception n’a pas lieu dans les meilleures dispositions, procréatrices, si la gestation et relevage ne s’effectuent pas dans les conditions sanitaires et économiques les plus favorables, multiplier peut devenir nuisible aux individus, à la société et à l’espèce.
On a fait remarquer mille fois que l’homme qui veille, pour les animaux domestiques, à la reproduction des seuls sujets réputés les meilleurs, qui pratique, pour les bœufs, les chevaux, etc., la sélection artificielle scientifique, a négligé complètement, jusqu’alors, d’agir pour améliorer et perfectionner sa propre espèce. Le problème n’est même pas examiné. C’est plutôt à rebours que, dans la société humaine, la sélection se manifeste. Les bons, les sains sont détruits, les mauvais, les tarés, précieusement entretenus et conservés. Contractées à l’aventure, les unions donnent à l’aveuglette des enfants qui s’élèvent n’importe comment. Et les guerres, les luttes industrielles et la charité suppriment les meilleurs ou les laissent déchoir, et cultivent les inférieurs. L’organisation de l’assistance publique est aussi celle de la dégénérescence publique.
Si l’on n’a pas exclusivement en vue les motifs guerriers, le principe du nombre à apposer au nombre pour la destruction réciproque est tout à fait inopérant ; et même dans ce cas, il est très loin d’avoir la portée qu’on se plaît à lui accorder.
Mais la question n’est pas là.
La question est celle-ci : voulons-nous constituer une race robuste, intelligente belle et heureuse ?
Si oui, il faut que l’homme, jusqu’alors animal sauvage au point de vue sexuel, devienne, comme reproducteur, animal domestique. La multiplication de notre espèce doit, comme toute autre entreprise, être soumise à l’examen, à la raison, subordonnée à des considérations physiologiques, morales, esthétiques, de façon à ne transmettre aux générations successives que des caractères qui les rendront moins malheureuses que les nôtres.
En partant d’une base eugénique, il y a, semble-t-il, pour mettre l’humanité en état de se perfectionner à tous points de vue, quelques mesures principales à prendre.
Il faut d’abord laisser s’éteindre la foule des dégénérés, des tarés, des idiots, des fous, des alcooliques, des vicieux criminels. Leur stérilisation s’impose d’autant plus qu’elle ne leur créerait, au contraire, aucune gêne. Des opérations très simples, comme la vasectomie, permettent de supprimer sans douleur la descendance des déficients physiques ou intellectuels de toutes sortes.
Il faut aussi empêcher, entraver tout au moins, la reproduction des chétifs, des malades atteints d’affections transmissibles (syphilis, tuberculose, etc.). La plupart d’entre eux ne tiennent pas aux abondantes progénitures et la persuasion, autant et plus que la contrainte, pourrait agir.
Ces deux mesures constituent ce qu’on peut appeler l’eugénisme répressif. Ils favorisent l’eugénisme positif, puisque, seuls, les sains ont licence de faire souche.
Mais il faut encore ne point laisser s’étioler les fruits des unions saines. Il est nécessaire de se conformer aux données puéricoles pour les entretenir en parfait état.
Il faut le repos, le soleil, la bonne nourriture, l’habitation large et propre, aux femmes enceintes, aux mères qui allaitent, aux enfants en bas âge. Par une pédagogie scientifique, par une viriculture attentive, il faut veiller au développement complet, à l’épanouissement intégral des facultés de l’adolescent, du futur membre de la cité.
Eugénie, puériculture, viriculture se tiennent, se complètent.
[(censure sur 12 lignes)]
Sans doute la pruderie ambiante, l’hypocrisie générale, plus profonde encore sur ces questions que sur les autres, taxeront ces idées d’immoralité. Et pourtant aucune mesure, mieux que celles que nous indiquons ne procurerait plus positivement et plus immédiatement l’aisance à la foule humaine aucune ne contribuerait plus rapidement à la diriger vers le progrès, vers l’émancipation, vers le bonheur.
G. Hardy