La Presse Anarchiste

Déclaration

La guerre, sous qui le monde entier ago­nise, a dure­ment frap­pé par­mi nous. Elle a frap­pé par la mort, frap­pé par le reniement.

Du moins, elle a arraché les masques, dévoilés les vrais vis­ages. Elle a per­mis aux révo­lu­tion­naires et aux inter­na­tion­al­istes sincères de se recon­naître et de se compter.

Syn­di­cal­iste, lib­er­taire, social­iste, la Plèbe est l’or­gane de cette minorité mil­i­tante de la branche française de l’In­ter­na­tionale qui s’est retrou­vée pour la pre­mière fois, en août 1915, à Zim­mer­wald. Elle est l’or­gane de tous ceux qui, à l’épreuve du désas­tre, ont gardé intactes leur foi, leur rai­son, leur com­bat­iv­ité, de tous ceux aus­si des mass­es pro­fondes, que la guerre a réveillés.

Tous ceux-là sont avec nous, et ceux-là seuls. La Plèbe n’est pas un asile pour les repen­tis tardifs, ppour les équilib­ristes et les bon­i­menteurs offrant leurs com­pro­mis entre la cause de l’é­man­ci­pa­tion pop­u­laire et le nation­al­isme, même ouvri­er. Ces mau­vais berg­ers, nous les traiterons comme nos pires enne­mis, nous ne lais­serons pass­er aucune de leurs sales manœu­vres, non par haine con­tre leurs per­son­nes, mais parce qu’ils sont les éter­nels cor­rup­teurs de l’action.

L’ac­tion, telle qu’elle se présente aujour­d’hui, n’est plus action de résis­tance. Elle est action pos­i­tive, action en avant.

Nous avons été les pre­miers vain­cus de la guerre. Juil­let 1914 fut le grand écroule­ment, et avouer notre défaite était alors le vrai courage. Mais nous hyp­no­tis­er avec elle, avec des âmes de vain­cus, serait une autre défec­tion. Le courage aujour­d’hui, c’est de rebâtir la maison.

Aujour­d’hui, ce n’est plus nous les vaincus.

Dans un pareil incendie, on ne fait pas la part du feu. La guerre, com­mencée con­tre nous, s’est propagée. Ce qui flambe à présent, c’est la char­p­ente et l’as­sise du vieux monde.

Depuis qua­tre années, en tous pays, som­bre la civil­i­sa­tion hiérar­chique de la bour­geoisie. Elle tente de se maçon­ner sur des bases nou­velles. En vain. Les digues qu’elle a ouverte, elle ne peut les refer­mer ; le sang sub­merge et entraîne tout. Les plus per­spi­caces de ses hommes, les Wil­son, les Lans­downe, les social­istes par­lemen­taires s’épuisent à vouloir la sauver. Elle est morte. La machine sociale d’a­vant 1914 est bonne pour la ferraille.

Que sera demain ? Peut-être une ère de grande féo­dal­ité impéri­al­iste s’él­e­vant sur la tay­lori­sa­tion des masses.

Mais si le pro­lé­tari­at mar­tyrisé du monde sait voir et vouloir, demain peut être son jour.

Voir et vouloir. La lutte des class­es, aujour­d’hui plus que jamais, est large­ment et trag­ique­ment ouverte. Il y a place pour tous dans la bataille. Ce que la Plèbe ten­tera pour sa part, c’est d’abord de débrouiller un peu de clarté dans l’enchevêtrement for­mi­da­ble des intérêts et des aspi­ra­tions en con­flit, et dans l’éche­veau des men­songes solide­ment tressé sur le tout. Savoir, c’est la base, la néces­sité pre­mière pour l’ou­vri­er, pour le paysan. Savoir ce qui se passe ici et hors d’i­ci. Nous ne pou­vons rem­plac­er les infor­ma­tions d’un quo­ti­di­en ni les études appro­fondies d’une revue, mais nous tâcherons d’indi­quer aus­si exacte­ment et pré­cisé­ment que pos­si­ble les grandes direc­tions des mouvements.

Savoir ce qui est ne suf­fit pas. Il faut savoir ce qu’on veut, et le vouloir. Nous ne sommes pas des scep­tiques con­tents de vois clair ; on n’éd­i­fie rien là-dessus. Nous ne sommes pas d’a­van­tage des dés­espérés qui ne cherchent plus qu’à sauver l’hon­neur. C’est parce que nous avons con­servé notre foi et notre espoir que nous créons la Plèbe.

Nous indi­querons fer­me­ment nos pro­pres direc­tions. En face de ces bour­geois répub­li­cains qui en cinquante ans n’ont pas su con­stru­ire leur république bour­geoise et qui de fail­lite en fail­lite, à la remorque aujour­d’hui de Clemenceau, le dernier de leurs ancêtres, échouent aux mains de leurs adver­saires de tou­jours, nous dres­sons net­te­ment notre société nou­velle et nous dis­ons : « Voici, nous, celle que nous voulons. Et nous la réaliserons ».

La Plèbe.

La Plèbe, œuvre col­lec­tive et dés­in­téressée, paraî­tra sous le con­trôle des mil­i­tants et des organisations. 


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