La Presse Anarchiste

Mouvement social

NAPLES. ― La séance du 19 juin, à la Chambre des dépu­tés, res­te­ra mémo­rable dans l’his­toire par­le­men­taire ita­lienne. Nous ne vou­lons pas rela­ter ici les cris, les inso­lences, les invec­tives, les coups de poing, les souf­flets don­nés ou per­dus, les chutes des gros bon­nets sous les bancs, leurs sauts, leurs pirouettes… Nous vou­lons seule­ment remar­quer que de tous ces coups de théâtre, nous ne voyons point la cause dans l’ab­sence d’un bon règle­ment de la Chambre. Ce serait envi­sa­ger la ques­tion d’un point de vue trop mes­quin. La presse minis­té­rielle demande cepen­dant ce bon règle­ment avec opi­niâ­tre­té, — on vou­drait celui de la France — mais les mulets trop char­gés de blé — la phrase est d’Im­bria­ni — ne nous inté­ressent guère. Nous ne leur fai­sons pas l’hon­neur de dis­cu­ter avec eux.

Pour nous, ce n’est pas l’ab­sence d’un bon règle­ment qui rend la Chambre tapa­geuse. C’est le gou­ver­ne­ment, c’est la Chambre elle-même, qui sont la véri­table cause des désordres. C’est que ces ins­ti­tu­tions désor­mais vieillissent : cher­cher à les rajeu­nir par de bons règle­ments, c’est vou­loir redres­ser les jambes aux chiens, comme nous disons, nous autres Ita­liens. Certes, ni le pays, ni le gou­ver­ne­ment, ni le roi, ni les dépu­tés eux-mêmes, n’ont plus de confiance dans le Par­le­ment. C’est une chose bien consta­tée aujourd’­hui, sur­tout par les jour­naux ultra-conser­va­teurs. Ceux-ci pour­tant, tout en démon­trant l’i­nu­ti­li­té du Par­le­ment, concluent que le pays peut bien s’en pas­ser, car le pays a besoin de bonnes lois et de tran­quilli­té pour pou­voir tra­vailler, et non pas de légis­la­teurs impro­vi­sés, tels qui des dépu­tés « camor­ris­ti » et tapa­geurs, qui, au lieu de se mesu­rer avec leurs « pic­ci­not­ti » de Por­ta Capua­na par un « dichia­ra­men­to » quel­conque, aiment mieux le faire en pleine Chambre avec leurs hono­rables collègues.

C’est vrai. Seule­ment il faut ajou­ter que les « pic­ci­not­ti » de Por­ta Capua­na finissent dans les pri­sons, et ceux de la Chambre… par être élus, à nou­veau, députés.

Après cela, deman­dez et faites encore de bons règle­ments ! Mais lorsque Cris­pi par­le­ra de clé­mence et les socia­listes de jus­tice à accor­der à des hommes cou­pables de pen­ser tout autre­ment que le gou­ver­ne­ment, soyez sûrs qu’il y aura tou­jours des dépu­tés imbé­ciles et féroces qui vou­dront s’im­po­ser par des hur­le­ments et par la force !

Et puis on dit que c’est nous le par­ti de la vio­lence ! Ce sont les gou­ver­ne­ments et leurs pana­mistes, qui se servent tou­jours de la vio­lence, au Par­le­ment aussi !

Les majo­ri­tés ne foutent pas autre chose. Et elles sont logiques. Com­ment vou­lez-vous qu’elles rai­sonnent, lors­qu’elles n’ont pas de rai­sons à oppo­ser à ceux qui leur jettent au visage toute la fange dont elles sont dignes ?

Il ne s’a­git donc de bons règle­ments, car mal­gré les bons ou mau­vais règle­ments, les voleurs des banques pro­vo­que­ront tou­jours des tapages lors­qu’on leur dira que le Par­le­ment n’est pas leur place. Il ne s’a­git pas non plus de puri­fier la Chambre, — c’est impos­sible, comme il est impos­sible de puri­fier un cadavre. On pour­ra au sur­plus l’embaumer, mais c’est tou­jours la fosse qui devra l’ac­cueillir, ou du moins le musée d’his­toire natu­relle, si ce cadavre pré­sente quelques inté­res­santes irré­gu­la­ri­tés ostéologiques.

C’est donc la fosse qui attend les Chambres, ain­si que toutes les autres ins­ti­tu­tions gouvernementales.

― O ―

Au moment où j’é­cris, il vient d’être publié encore un « dos­sier » Caval­lot­ti. contre Cris­pi. Ce « dos­sier » met le sceau à toutes les fri­pon­ne­ries de cet infâme vieillard, à qui on devrait faire un pro­cès pour vol, concus­sions et chantage.

Rober­to d’Angió 

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