Pour les anarchistes, ce sont les structures de la société actuelle ainsi que l’Etat qui engendrent les principaux phénomènes de violence. Ces causes annulées, les actes d’agression ne se situeraient plus qu’à un niveau interindividuel de moindre ampleur. Les anarchistes, face au pouvoir et à l’autorité ont opposé des moyens non autoritaires, face à la violence ils ont opposé la violence et non pas des moyens non violents. Ils estiment que la violence étant imposée par le pouvoir, ne pas y répondre serait s’en faire le complice. (Il convient de citer pourtant certains individualistes‑anarchistes non violents engagés sur un plan personnel et non pas révolutionnaire.) Pourquoi l’action directe non violente n’a‑t‑elle pas jailli comme conséquence de la doctrine anarchiste ? Sans doute, sur ce point, les anarchistes soucieux d’efficacité sont‑ils restés traditionalistes en héritant des méthodes révolutionnaires violentes.
La non‑violence émergeant chez certains esprits religieux progressistes n’a pourtant pu prévaloir de par sa motivation et sa formulation, le tout étant confondu et rejeté au nom de l’athéisme.
La non‑violence n’est pas plus religieuse que la violence n’est anarchiste et athée.
La non‑violence devient une méthode d’action agissant sur le social quand elle va au‑delà d’un simple mode de vie et recherche de perfectionnement individuel et moral. Quoi de plus naturel alors que les anarchistes s’y intéressent.
Anarchiste et « non‑violent », voilà bien deux mots qui ne se juxtaposeront qu’avec difficulté dans l’esprit du grand public.
Les anarchistes des groupes d’étude et d’action non violentes déclarent :
Que luttant contre le pouvoir, l’autorité et la violence de l’Etat, ils n’y répondront que par des moyens non autoritaires et des méthodes non violentes, car la violence n’a jusqu’à maintenant été qu’une force au service du pouvoir et que tout révolutionnaire victorieux doit à son tour se faire oppresseur pour se maintenir au pouvoir.
Sans vouloir condamner la violence de leurs camarades, ils repoussent pour eux‑mêmes cette méthode comme n’ayant pas donné satisfaction.
Face aux conflits individuels et sociaux, ils posent donc la primauté de la non‑violence sur la violence et estiment que tout engagement dans la non‑violence et l’anarchisme devrait impliquer un mode de comportement conforme au but autant dans la vie quotidienne que dans l’action sociale.
Sur un problème donné et face aux actions envisagées, ils posent l’entière liberté pour l’individu de s’engager ou de s’abstenir.
(Texte diffusé en 1964.)