La Presse Anarchiste

Origine sens et usage du mot « Gauche »

Une pre­mière con­stata­tion, le mot n’est pas très clair. À s’en rap­porter au dic­tio­n­naire, il se définit déjà par OPPOSITION à la droite « pour indi­quer la POSITION RELATIVE des objets, cor­re­spon­dant chez l’homme au côté du CŒUR ». Pour arranger les choses, on y relève « que la par­tie gauche d’un tableau cor­re­spond à la gauche d’un spec­ta­teur situé EN FACE » et que « la par­tie gauche d’un bâti­ment cor­re­spond à la GAUCHE d’un spec­ta­teur tour­nant LE DOS à la façade »!!

Le mot sig­ni­fie aus­si « ce qui est de tra­vers, non droit ». Par fig­ure il sig­ni­fie égale­ment « Gêné, con­traint, maladroit ».

On note égale­ment une idée péjo­ra­tive, d’o­rig­ine religieuse, sans doute, attachée à ce qui est mal fait, mal habile, mal adroit ; en bref et ici une rela­tion avec Satan « le Malin », donc le Mal.

De cette orig­ine découle cer­taine­ment le lien qu’il trou­vera plus tard avec la poli­tique et les rap­ports entre les indi­vidus, les choses et les idées touchant à cette dernière, par­ti­c­ulière­ment à pro­pos de l’Autorité.

Le principe d’Au­torité découle on le sait de la notion de DIEU LE PÈRE et l’on con­naît l’ex­pres­sion « placé à la DROITE DU PÈRE » qui entrains avec elle les idées de récom­pense, de hiérar­chie, qui, appliquées au domaine poli­tique, situ­aient par­faite­ment le ROI et ses favoris, ses BRAS DROITS. Tout cela englobe le COMMANDEMENT, la FORCE et néces­saire­ment LE DROIT qui à son tour entraîne toutes sortes de notions où la force créait la légal­ité et où cette « légal­ité » venait se cod­i­fi­er à son tour dans ce qui s’est appelé fort juste­ment les codes de Droit.

À bon droit = avec rai­son ; de plein droit = sans con­tes­ta­tion pos­si­ble ; à qui de droit = à qui telle chose est due ; autant d’ex­pres­sions qui, for­muler à par­tir des mots DROIT ou DROITE, sont par­venus à main­tenir à tra­vers le lan­gage courant cette mau­vaise impres­sion et cette mau­vaise con­science qui s’at­tache à son con­traire : GAUCHE.

Notons encore que naturelle­ment la force est plus grande dans le bras droit ; que dans l’an­ci­enne société : les femmes (sexe « faible ») sont placées à gauche de l’homme (sexe « fort »); que les sen­ti­ments vrais issus du cœur, réputés déplacés dans les affaires et les choses dites raisonnables, sont « à gauche », et à par­tir de cette courte analyse on décèlera déjà pourquoi le mot GAUCHE, en lui-même, cou­vre une crainte pop­u­laire de l’e­spèce qui s’at­tache à l’évo­ca­tion de la magie noire, de la sor­cel­lerie, et en général à tout ce qui cherche à trou­bler, à ren­vers­er, à détru­ire ce qui est établi.

L’idée du pou­voir, du com­man­de­ment situé à droite, a très cer­taine­ment déter­miné le com­porte­ment des monar­chistes de 1789 qui prirent l’habi­tude très affec­tée de se plac­er pré­cisé­ment à la droite du prési­dent de l’Assem­blée ; dès lors les par­tis d’op­po­si­tion se groupèrent à gauche.

Ter­mi­nons-en avec les mots droit et gauche, par cette remar­que que, aus­si bien à par­tir du sens « religieux » noté plus haut, qu’à par­tir du sens poli­tique de 1789, le pre­mier déter­mi­nant l’autre, il se dégage cette impres­sion dif­fuse dans l’e­sprit de beau­coup, que le mot GAUCHE implique une idée de RÉBELLION. Or un REBELLE a pour déf­i­ni­tion : celui qui désobéie à une autorité établie, qui se révolte con­tre elle ; c’est celui qui refuse, s’op­pose et résiste.

Ces notes n’au­raient pas grand intérêt si toute­fois elles ne per­me­t­taient pas de dégager déjà des ter­mes, sans doute pleins de sub­jec­tiv­ité, mais qui parvi­en­nent à situer notre problème.

Ces ter­mes fixés à l’idée flot­tante de GAUCHE dans l’e­sprit des gens sig­ni­fient pour le moins OPPOSITION donc REFUS de la chose établie.

Et ceci nous paraît impor­tant car déjà il est pos­si­ble de dire que : tan­dis que la DROITE est faite. D’ac­cep­ta­tion, la GAUCHE se sin­gu­larise par le refus.

J.J.


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