La Presse Anarchiste

Qu’est-ce qu’un « homme de gauche » ?

Avant Propos

Afin de saisir au mieux les car­ac­téris­tiques de l’homme de gauche il nous est paru prof­itable de le situer.

En quoi l’Homme de Gauche se dif­fère-t-il de l’Homme de Droite ?

Mais aus­si :

En quoi se dif­fère-t-il de l’Homme d’ac­tion révolutionnaire ?

L’ac­tion révo­lu­tion­naire étant notre prin­ci­pal souci, la thèse que nous ten­terons de soutenir est que l’homme de gauche, s’il doit retenir notre atten­tion par l’ap­port indé­ni­able qu’il est sus­cep­ti­ble de faire à la pen­sée révo­lu­tion­naire, doit nous intéress­er aus­si par ce fait qu’il en est à la fois la sauve­g­arde et le principe de renou­velle­ment, mais aus­si — en rai­son de la lim­ite volon­taire ou non de sa réflex­ion — parce qu’il exprime encore une sur­face vari­able d’ad­hé­sion à la droite. Cette dernière expres­sion est la source de la grande équiv­oque de « La Gauche ».

En quoi diffère-t-il de l’Homme de droite ?

Et d’abord qu’est-ce que « La Droite » ? La droite est basée avant tout sur L’ACCEPTATION de ce qui est, la défense de ce qui est, CE QUI EST se définis­sant pour elle par tout ce qui peut con­stituer un priv­ilège. CE QUI EST, toute la réal­ité, étant organ­isé par elle morale­ment, poli­tique­ment économique­ment, en vue de ce seul privilège.

La droite finit donc par représen­ter la force d’in­er­tie de l’é­tat de choses.

Comme toute­fois elle n’a pour but que le priv­ilège, l’a­vid­ité qu’elle man­i­feste dans cette chas­se éper­due, finit par « déclass­er » ou fix­er des class­es d’in­di­vidus à des hau­teurs vari­ables dans l’échelle de la pos­ses­sion des richesses.

Ce qui sig­ni­fie qu’elle pro­duit selon ce degré de pos­ses­sion, et inverse­ment, des nuances divers­es d’in­sat­is­faits, qui, soit acceptent leur sort (générale­ment par idéolo­gie ou con­fort), soit le refusent.

Ces derniers appar­ti­en­nent à la « gauche ». On le voit, aus­sitôt, le REFUS est ce qui dis­tingue l’Homme de Gauche de l’Homme de Droite.

Ce refus toute­fois appelle une analyse à la fois quan­ti­ta­tive et qual­i­ta­tive. Son orig­ine, nous venons de le voir, le mar­quant d’une ambiguïté cer­taine. Soulignons pour l’in­stant, car nous y revien­drons, que cette ambiguïté provient de la plus ou moins grande part d’ad­hé­sion que l’Homme de gauche con­serve avec CE QUI EST lais­sé à sa dis­po­si­tion par la « Droite ».

Par con­tre le REFUS, donc par­tiel, qu’­ex­prime l’Homme de gauche le situe aus­si par rap­port à ce qui s’op­pose le plus rad­i­cale­ment pos­si­ble à la Droite et que nous appelons l’Homme d’Ac­tion révo­lu­tion­naire, puisqu’aussi bien il en revendique une par­tie de ses aspirations.

En quoi diffère-t-il de l’homme d’action révolutionnaire ?

Et d’abord qu’est-ce qu’un Homme d’Ac­tion Révolutionnaire ?

C’est un type d’homme en qui le penseur et l’homme d’ac­tion coïn­ci­dent. C’est l’homme con­séquent avec lui-même, l’homme cohérent, enne­mi des con­tra­dic­tions et des fauss­es antinomies.

Par déf­i­ni­tion il se trou­ve donc plus étranger de l’Homme de Gauche que celui-ci par rap­port à la Droite puisque rap­pelons-le, l’Homme de Gauche adhère encore à CE QUI EST. dans des pro­por­tions vari­ables. En out­re ces séquelles, comme nous le ver­rons, sont à la base de toutes les illu­sions fondées sur la Gauche. Il s’a­gi­ra ici d’en déter­min­er les fondements.

Qu’est-ce donc qu’un homme de gauche ?

Plus proche de l’homme de droite que de l’homme d’ac­tion révo­lu­tion­naire, l’homme de gauche appa­raît donc comme l’ex­pres­sion type de la Bour­geoisie, c’est-à-dire de l’homme capa­ble de s’in­surg­er con­tre une par­tie de CE QUI EST, cette réal­ité qui émet des pré­ten­tions telles qu’elle parvient à attein­dre sa part de privilèges.

L’homme de gauche s’il est l’homme du refus est surtout l’homme du REFUS PARTIEL, du refus localisé.

Et ceci nous oblige à étudi­er de plus près ce que l’on peut enten­dre par ce mot de REFUS, nous com­pren­drons d’au­tant mieux la portée de l’équiv­oque des illu­sions et d’un cer­tain mythe, fondés sur la Gauche.

Le refus

Aban­don­ner une par­tie du pat­ri­moine acquis par l’ap­par­te­nance à une classe priv­ilégiée dépend au moins de deux déter­mi­na­tions : du cal­cul ou de la saine réflex­ion. Du cal­cul, et cela devient de l’af­fec­ta­tion, du sno­bisme, c’est le luxe sup­plé­men­taire, la con­ces­sion faite aux « idées mod­ernes », l’a­ban­don grâce auquel il devient pos­si­ble à la fois de jouir libre­ment des richess­es con­servées et de se van­ter d’être « à gauche », c’est-à-dire « d’être avec son temps ». De la saine réflex­ion, et cela peut aller loin en effet, mais pas plus loin tout compte fait d’une posi­tion un peu plus à gauche. Et c’est là que nous décelons les car­ac­tères quan­ti­tat­ifs et qual­i­tat­ifs du refus dont nous avons déjà parlé.

Savoir que ce n’est pas la quan­tité de refus par­tiels suc­ces­sive­ment opposés « à ce qui est » qui fait pass­er d’un bond l’homme de gauche à l’homme d’ac­tion révo­lu­tion­naire, comme si la posi­tion de ce dernier était faite de la somme de tous les refus.

Le pas­sage exige un acte QUALITATIF — acte de con­science réfléchie — qui est la recon­nais­sance D’UN PRINCIPE COMMUN À CHACUN DE CES REFUS. Cet acte de con­science peut être ou naturel ou du ressort de l’option.

L’option

Remar­quons d’emblée que la ques­tion même de refuser ou non ne se pose qu’à celui qui n’est pas en état de dépos­ses­sion (pra­tique ou théorique). Celui à qui tout serait refusé n’au­rait pas d’ef­fort à fournir pour refuser quelque chose, c’est-à-dire pour repouss­er une ten­ta­tion quel­conque ou à se féliciter des mérites que se recon­nais­sent par­fois à être « de gauche » ceux à qui leur classe dis­pensent ses privilèges.

C’est pourquoi celui à qui tout est refusé est naturelle­ment le révo­lu­tion­naire-né. (Du moins théorique­ment, nous ver­rons pourquoi). Pour l’autre, pour l’homme de gauche, il dépend de lui d’une dis­po­si­tion de son esprit, pour qu’il rejoigne le révo­lu­tion­naire. Cela s’ap­pelle l’op­tion, c’est-à-dire le choix lucide, issu de la recon­nais­sance d’un principe com­mun à tous les refus, pour la classe des dépossédés.

L’équivoque

L’équivoque provient surtout de l’in­con­séquence des hommes de gauche dont les refus local­isés se retrou­vent dans toutes les per­spec­tives poli­tiques, y com­pris la droite la plus pure, alors que ces refus con­stituent néan­moins, à les join­dre théorique­ment, la tex­ture des pro­grammes de l’homme d’ac­tion révolutionnaire.

Elle provient aus­si, au niveau du seul vocab­u­laire poli­tique, de ce qu’il y a tou­jours une extrémité idéologique à gauche (comme à droite) ne serait-ce que la plus dérisoire.

En bref, si elle demeure « a pri­ori » insai­siss­able c’est qu’elle paraît être partout et de tous les hori­zons ; si elle demeure équiv­oque c’est que d’être partout elle se fait ain­si com­plice DE CE QUI EST, c’est-à-dire par incon­séquence, de la Droite.

C’est désagréable sans doute à con­sid­ér­er par l’homme d’ac­tion révo­lu­tion­naire d’au­tant plus que ce dernier con­state au gré de sa lutte, que si le com­bat de l’Homme de Gauche s’ap­plique à une libéra­tion con­crète bien définie qu’il sou­tient lui-même, cette libéra­tion est pure­ment locale qu’elle échappe à la per­spec­tive révo­lu­tion­naire et que pra­tique­ment par cette local­i­sa­tion elle la fausse et en même temps fausse l’e­sprit des masses.

Toutes ces caus­es d’am­biguïté appa­raîtront mieux avec quelques exem­ples pris par­mi beau­coup d’autres.

Rap­pelons encore qu’un homme est dit « de gauche » par le (ou les) acte de refus qu’il oppose à un (ou aux) secteur de CE QUI EST et qui empêche un homme d’être un homme.

Ceci étant posé venons-en à l’ex­em­ple suiv­ant : refuser d’ad­met­tre comme borne spir­ituelle celle que représente la reli­gion, cela donne le laï­cisme en poli­tique. Or le laï­cisme est une reven­di­ca­tion de gauche.

Dans le par­ti R.G.R., « G. » sig­ni­fie « Gauche », et Gauche sig­ni­fie, ici seule­ment, Laï­cisme. Le laï­cisme est le seul trait com­mun à la gauche aux hommes de ce par­ti. Donc si l’on con­sid­ère le con­tenu d’un tel par­ti et si l’on veut bien mesur­er l’ex­acte valeur de la laïc­ité, on ne peut que con­clure à un amoin­drisse­ment de cette reven­di­ca­tion, amoin­drisse­ment qui sera for­cé­ment com­mandé par son inté­gra­tion au reste du pro­gramme R.G.R. qui, lui, EST de droite. Ceci dans le cas le meilleur si l’on peut dire car il est des cas où la présence d’un trait de gauche sem­blable n’est ni plus ni moins de la mys­ti­fi­ca­tion tactique.

Tel est le cas d’un par­ti tel que l’U.G.S. Ici « G. » sig­ni­fie aus­si « Gauche », et l’on sait cepen­dant qu’en dépit de ses déc­la­ra­tions laïques et social­istes, ce par­ti est com­posé presque exclu­sive­ment de cléri­caux. L’U.G.S. — pré­ten­due con­cil­i­a­tion du chris­tian­isme et du marx­isme — se situe cepen­dant plus à gauche que le R.G.R. puisque théorique­ment il rejette le régime social dont s’ac­com­mod­ent les hommes de gauche du R.G.R.

Cette équiv­oque appa­raît donc comme le pro­pre de la Gauche. C’est la tache de l’homme d’ac­tion révo­lu­tion­naire de ten­ter de la dis­siper en en dévelop­pant les con­séquences absurdes.

Car telle est l’év­i­dence, l’Homme de Gauche est absurde. Son refus ne dépasse pas la sim­ple opin­ion, ou bien, s’il s’in­scrit dans la réal­ité comme con­tes­ta­tion raison­née d’un obsta­cle, sa réflex­ion s’ar­rête au seul domaine qui le heurte et il ne se rend pas compte que sa reven­di­ca­tion, pour impor­tante qu’elle soit (ce peut être l’abo­li­tion du régime cap­i­tal­iste), se nie d’elle-même, n’a aucune chance d’être sat­is­faite, sim­ple­ment parce que, par ailleurs, il sup­port­era le reste de ce qui est (si c’est l’abo­li­tion du cap­i­tal­isme, s’il sup­porte ce qui con­di­tionne ce dernier).

L’illusion et le mythe

Nous l’avons vu et dit : la gauche est partout. Elle se sin­gu­larise simul­tané­ment par un refus par­tiel de ce qui est et par une reven­di­ca­tion cor­re­spon­dante (ce qui le dis­tingue aus­si du nihilisme, soit dit en passant).

Ce qui est, c’est toute la réal­ité sociale : famille, reli­gion, armée, régime, tra­vail ; la divi­sion des hommes en espèces, en class­es, en sex­es, en nation­al­ités, en mœurs ; l’ex­ploita­tion cap­i­tal­iste, colo­nial­iste ; l’ar­gent, etc., etc.

L’homme de gauche est celui qui se révolte dans tel ou tel de ces secteurs ou dans plusieurs à la fois par­mi ceux qui l’au­ront le plus heurté économique­ment ou morale­ment, c’est-à-dire qui l’au­ront au niveau social où il se trou­ve lim­ité ou mutilé, dans telle cir­con­stance et pen­dant telle péri­ode de son exis­tence, mais qui ne se rend pas compte de la sol­i­dar­ité naturelle de l’ensem­ble de ces secteurs. Ce qui ne lui donne ni peur ni honte à con­tin­uer de faire par­tie du reste, l’en­dos­sant au con­traire sans même y penser.

Cela c’est la pro­pre illu­sion de l’Homme de Gauche : il s’é­ton­nera du déchire­ment de « la Gauche », il s’é­ton­nera de ne pou­voir trou­ver un ter­rain d’en­tente avec tel autre homme de gauche, qui, lui, mèn­era une lutte dans un domaine par­al­lèle au sien.

Mais il y a une autre illu­sion pos­si­ble et c’est celle que les révo­lu­tion­naires sont par­fois ten­tés de se faire en con­sid­érant une UNITÉ pos­si­ble de la « gauche ».

Sans doute cer­tains évène­ments ont-ils pu accréditer cette vue. Tels sont les phénomènes de l’e­spèce des FRONTS POPULAIRES. Mal­heureuse­ment — de nom­breuses analy­ses his­toriques l’ont mis en lumière — sem­blable cohé­sion n’est que super­fi­cielle ; elle n’est que le fait des alliances sous la pres­sion d’évène­ments graves et exceptionnels.

Entachée de sa pro­pre adhé­sion à ce qui est, il ne reste plus qu’à admet­tre que même dans l’in­vraisem­blable cas de sat­u­ra­tion qu’elle parviendrait à attein­dre envers la total­ité des pro­grammes révo­lu­tion­naires cette union de gauche n’emporterait pas le morceau. Ces phénomènes inou­bli­ables sans doute mais éphémères doivent éveiller l’in­térêt des révo­lu­tion­naires intéressés par la stratégie poli­tique, ou sim­ple­ment par le cours de l’évo­lu­tion ; ils ne doivent pas s’hyp­no­tis­er sur un tel but qui, à tout pren­dre, appa­raî­traient à cer­tains comme final.

L’u­nité de la Gauche est un MYTHE.

Un mythe pour cela même que l’Homme de Gauche don­nera son appui à telle ou telle entre­prise révo­lu­tion­naire pour autant que celle-ci englobera la (ou les) reven­di­ca­tion qui lui a per­mis de se situer comme homme de gauche. Mais sans plus. Sa réflex­ion s’ar­rête autour de son refus per­son­nel et son action ira dans l’u­nique sens de la reven­di­ca­tion cor­re­spon­dante. Il ne veut pas aller plus loin parce qu’il n’en ressent pas le BESOIN ni n’en recon­naît la NÉCESSITÉ.

Il faut con­clure : si la somme idéale des refus, le groupe­ment théorique des actes de con­tes­ta­tions indi­vidu­els des hommes de Gauche représente le pro­gramme idéal de l’Homme d’Ac­tion révo­lu­tion­naire. l’u­nité pra­tique, la syn­thèse idéologique que ce dernier a acquise par réflex­ion ou option n’est pas pos­si­ble au niveau d’une assem­blée d’hommes de gauche qui par hypothèse représen­terait la somme de ce pro­gramme révo­lu­tion­naire. Rap­pelons-le, indi­vidu­elle­ment ou col­lec­tive­ment pour que sem­blable muta­tion puisse inter­venir, la présence d’un cer­tain nom­bre de catal­y­seurs s’y révèle indis­pens­able. Le pas­sage est et ne peut être que qualitatif.

Le passage

Le prob­lème qui se pose dès lors à l’homme d’ac­tion révo­lu­tion­naire est le suiv­ant : de tout ce qui n’est pas franche­ment de Droite à tout ce qui n’est pas franche­ment révo­lu­tion­naire c’est la Gauche.

L’homme qui appar­tient ou se dit appartenir à cette « gauche » n’est en aucune façon un révolutionnaire.

Il ne le devien­dra qu’à l’in­stant où étant par­venu à un niveau de con­science col­lec­tive, il saura réalis­er en lui-même la syn­thèse des refus et des reven­di­ca­tions, et y décèlera des points com­muns tan­gi­bles où appuy­er l’ac­tion révo­lu­tion­naire. Dès cet instant cet homme n’ap­par­tien­dra plus à la gauche mais à l’aile marchante de la révolution.

Où saisir, dia­loguer, activ­er l’e­sprit, dévelop­per les con­séquences d’at­ti­tudes, ori­en­ter ? Tel est la véri­ta­ble ques­tion pour l’homme d’ac­tion révo­lu­tion­naire face à la mul­ti­tude gauchiste.

La seule réponse pos­si­ble : dans les milieux « pré-révo­lu­tion­naires » c’est-à-dire là où un cer­tain nom­bre d’Hommes de gauche se sol­i­darisent pour étudi­er et lut­ter en com­mun pour… le même et par­fois l’u­nique prob­lème qui les inquiète. De tels groupes ou mou­ve­ments minori­taires offrent en effet le cli­mat « ouvert » prop­ice à la réflex­ion, à la recherche des con­séquences pra­tiques de leur atti­tude com­mune. Et cela est favor­able à la prise de con­science néces­saire au « passage ».

Sou­vent les hommes qui com­posent ces minorités appar­ti­en­nent égale­ment à un par­ti poli­tique. Pour nous il doit être clair que cette dou­ble appar­te­nance est le signe d’une insat­is­fac­tion majeure, d’un besoin con­tinu qui cherche à se con­naître pré­cisé­ment du côté de la minorité choisie. Or, si nous sommes MATÉRIALISTES incon­testable­ment, ce signe du BESOIN est pour nous le moteur capa­ble d’en­traîn­er la réflex­ion vers la NÉCESSITÉ.

Les constantes

Pour ces hommes (et cela a été dit dans l’ar­ti­cle précé­dent) il existe un DEVENIR HUMAIN, un devenir social, basé sur le sen­ti­ment que la nature humaine est bonne, en tout cas per­fectible ; ils ont foi dans l’avène­ment d’une société qui per­me­t­tra le libre épanouisse­ment des fac­ultés humaines par le règne de l’é­gal­ité et de la justice.

Toutes leurs recherch­es si local­isées qu’elles soient, visent cette libéra­tion ÉGALITAIRE DANS LES RICHESSES, et s’ap­puient sur un principe LIBERTAIRE, déclaré ou non, tant dans leur façon de s’é­du­quer que de combattre.

Soulignons-le, ces CONSTANTES n’ap­par­ti­en­nent presque déjà plus à la Gauche en cela qu’elles sont prop­ices au « pas­sage » : ces hommes com­bat­tent et réfléchissent, réfléchissent et com­bat­tent, sur un pro­gramme peut-être lim­ité mais qui con­naît déjà ses caus­es, ses ten­ants et ses aboutis­sants. Il ne leur manque plus qu’une vision d’ensem­ble, qu’ils pour­ront acquérir, par des con­tacts avec des mou­ve­ments sem­blables où s’ex­ercera la libre con­fronta­tion, l’an­ti­dog­ma­tisme, l’an­ti­con­formisme, axés sur la volon­té de dépasse­ment DE CE QUI EST.

Certes ils adhèrent encore « à la gauche », c’est-à-dire, nous pen­sons l’avoir démon­tré, pra­tique­ment encore à des sphères du réel (ce qui est), qui, elles, dans notre société, sont réactionnaires.

Mais pra­tique­ment ils lut­tent et en con­nais­sance de cause même si cette cause ne leur appa­raît pas encore dans toute son ampleur, et leur volon­té de recherche et de lutte en font des hommes dignes de l’in­térêt que doit leur porter l’homme d’ac­tion révo­lu­tion­naire. Et puis posons-nous cette ques­tion : est-il pos­si­ble au regard d’une exis­tence d’en exiger un REFUS TOTAL ?

L’u­topie est là braquée sur telle réponse affir­ma­tive que l’écœure­ment, le dés­espoir, la hâte com­préhen­si­ble d’en finir une bonne fois, pour­raient nous faire crier.

Utopie sim­ple­ment parce que le ren­verse­ment de la société exige un acte QUALITATIF de la con­science de la part des « bonnes volon­tés » de Gauche. Tout le reste est mou­ve­ment de mass­es, force d’ap­point « util­is­able » lorsque son com­porte­ment, sous la pres­sion du besoin con­trar­ié, vient coïn­cider avec la néces­sité globale.

Que cette coïn­ci­dence ne soit pas for­tu­ite et c’est sans doute ce qu’il faut aus­si retenir : la masse pro­lé­tari­enne est spon­tané­ment « de gauche » dès qu’elle revendique. Notre terme « util­is­able » employé plus haut tombe ici de lui-même en son sens manœu­vri­er. Mais la masse pro­lé­tari­enne si proche soit-elle du « révo­lu­tion­naire-né » par son degré de dépos­ses­sion, par toutes les faces DE CE QUI EST per­siste à appartenir à la réac­tion : il faut sur­vivre avant tout et cela à tel point le dénue­ment est impératif.

Elle pos­sède la force de la quan­tité, elle pos­sède le naturel, la spon­tanéité de toute nature humaine lim­itée, mutilée ou dimin­uée qui alors se porte vers les solu­tions révo­lu­tion­naires, mais aus­si elle n’en conçoit pas l’u­nité. En dépit de tout elle demeure « de gauche ».

L’acte qual­i­tatif — à quelques rares excep­tions près — n’est pos­si­ble que dans les groupes et mou­ve­ments minoritaires.

La richesse quan­ti­ta­tive de tels mou­ve­ments est la seule ouver­ture vers une véri­ta­ble révo­lu­tion sociale.

Les con­stantes, dans les refus et les reven­di­ca­tions cor­re­spon­dantes, relevées au niveau de l’opin­ion publique lorsqu’elles se situent « à gauche » se dis­tinguent des con­stantes relevées au niveau des mou­ve­ments minori­taires « de gauche ». Cette dis­tinc­tion est issue d’une recherche cohérente même dans les cas de local­i­sa­tion extrême de recherche. (Par exem­ple dans le cas de telle ten­dance « abon­dan­ciste », école de répar­ti­tion des richess­es). Cette volon­té de cohé­sion, cette volon­té de recherche et de lutte, doivent être pour l’Homme d’ac­tion révo­lu­tion­naire le signe d’une évo­lu­tion qual­i­ta­tive à con­sid­ér­er pour son pro­pre combat

Nous avons dit plus haut qu’ils ne leur man­quaient plus (aux hommes de ces mou­ve­ments) que la vision d’ensem­ble. Que cette vision de la néces­sité glob­ale, ils avaient la pos­si­bil­ité de l’ac­quérir par des con­tacts avec des hommes appar­tenant à des mou­ve­ments de même nature, où s’ex­ercerait la libre con­fronta­tion, l’an­ti­dog­ma­tisme, l’an­ti­con­formisme axés sur la volon­té de dépasse­ment DE CE QUI EST.

Nous y revenons parce que — au point de cette étude — il faut amen­er nos dernières con­clu­sions pra­tiques et que dans l’a­vant-pro­pos notre thèse con­te­nait aus­si ces ter­mes : l’homme de gauche doit retenir notre atten­tion non seule­ment par l’ap­port indé­ni­able qu’il est sus­cep­ti­ble de faire à la pen­sée révo­lu­tion­naire, mais aus­si par ce fait qu’il en est à la fois la sauve­g­arde et le principe de renouvellement.

Or, pour per­me­t­tre les con­tacts néces­saires à une évo­lu­tion qual­i­ta­tive là où celle-ci est. pos­si­ble — et nous avions mis en relief cette pos­si­bil­ité dans les mou­ve­ments minori­taires spé­cial­isés. qui se dis­tinguent de « la gauche » — il tombe sous le sens qu’il faudrait aboutir à un MOUVEMENT GÉNÉRAL DE CONFRONTATION « ouvert », c’est-à-dire ani­mé par les soucis préc­ités (libre con­fronta­tion, anti­dog­ma­tisme, anti­con­formisme, volon­té de dépassement).

Tel doit être le but, et telle est peut-être — en puis­sance — LA LIBRE PENSÉE, dont par souci de pré­ci­sion nous analy­serons plus loin la dernière déc­la­ra­tion de principes.

Ce ne sont pas les hommes de « gauche » — toute adhé­sion ces­sante à leur Par­ti — qui vien­nent s’y grouper qui vien­dront nous con­tredire. Leur afflux nou­veau est symp­to­ma­tique et vient con­firmer la déchéance des par­tis tra­di­tion­nels de gauche trop engagés dans « ce qui est ». L’ex­i­gence de ces hommes est pré­cisé­ment QUALITATIVE déjà.

Le mal­heur des PARTIS de « gauche » est que pré­cisé­ment ils sont DE GAUCHE et que de l’un qui s’é­gare dans la com­pro­mis­sion pré­ten­du­ment tac­tique (S.F.I.O.) à l’autre qui en fait de même mais qui ajoute un DOGME par souci de rigueur idéologique (P.C.), il ne reste pour les révo­lu­tion­naires, comme pour les hommes de gauche soucieux de méth­ode, de vision claire, et de solu­tions, d’aller ailleurs.

Et cet « ailleurs » ne pour­ra jamais être un PARTI, notion qui implique ou le dogme ou l’in­con­séquence quand ce n’est pas les deux. Le dogme poli­tique bâti à coup de grands mots vidés de leur sens mais enflés d’idéal­isme où nais­sent les idol­es et les mys­ti­fi­ca­tions aus­si bien que l’in­con­séquence ignare des « meneurs » — beau­coup d’hommes de gauche en ont assez. S’ils ne cessent pas le com­bat, s’ils cherchent. encore dans les mou­ve­ments minori­taires « spé­cial­isés », c’est que ces derniers offrent sat­is­fac­tion encore à leur volon­té de lut­ter dans des con­di­tions de lib­erté men­tale requises.

Cet « ailleurs » ne peut que se con­cré­tis­er dans un mou­ve­ment général de l’e­spèce déjà sig­nalée. L’homme de gauche y pour­ra embrass­er toutes les recherch­es local­isées d’autre part dans les minorités, et l’ex­er­ci­ce de sa réflex­ion le mèn­era à éprou­ver la néces­sité glob­ale et la volon­té de dépasse­ment. La libre con­fronta­tion le gardera du dogme et con­tribuera à la richesse de la solu­tion de sa pro­pre inquié­tude à tra­vers celle des autres.

L’apport — La sauvegarde — Le renouvellement

L’homme de gauche de ces mou­ve­ments minori­taires pos­sède déjà une volon­té de lutte, il pos­sède selon le besoin qu’il aura le plus ressen­ti dans sa vie ou l’op­tion qu’il aura faite au cours de ses réflex­ions, un sujet pré­cis (local­isé avons-nous dit) de com­bat, d’ex­péri­ence, et d’en­richisse­ment de ses réflex­ions. Parce que ce prob­lème l’in­téresse avant tout, poussé par le besoin et la volon­té de le résoudre sociale­ment, il le con­naî­tra mieux que tout autre politi­cien. Son apport sûr ce ter­rain pré­cis est incon­testable, et sera per­ma­nent, même après la révo­lu­tion car il y a aus­si le pro­grès technique.

Son « prob­lème » et sa solu­tion révo­lu­tion­naire, aura néan­moins ten­dance à ignor­er d’autres faces de la réal­ité. On ne peut avoir toutes les con­nais­sances pour y échapper.

Mais s’il vient à le con­fron­ter avec d’autres hommes de gauche inqui­ets d’autres prob­lèmes, il y aura apport réciproque et volon­té pour une solu­tion d’ensem­ble de leurs inquié­tudes réciproques.

On le voit, à dévelop­per ce principe entre mou­ve­ments minori­taires de gauche spé­cial­isés dans la solu­tion pra­tique des prob­lèmes soulevés par la pres­sion DE CE QUI EST, on échappe à toute ten­ta­tive de dogme par­ti­san, et par le développe­ment de la réflex­ion, tous ces hommes en arrivent à décou­vrir d’une façon matéri­al­iste la grande néces­sité glob­ale de la Révo­lu­tion. Ces con­tacts, coupés de l’e­sprit de par­ti d’ailleurs inutile au niveau de leurs recherch­es pra­tiques, restent favor­ables à la sol­i­dar­ité, à la com­préhen­sion, à la lucidité.

Ain­si pour­rait se définir un « mou­ve­ment » de gauche ani­mé de la volon­té de dépasse­ment, et qui lut­terait pour sa pro­pre disparition.

Si à con­sid­ér­er toute la gauche on a pu très juste­ment dire qu’elle est en vrac LA RÉUNION IDÉALE DE TOUS LES REFUS SÉPARÉS, LE GROUPEMENT THÉORIQUE DES ACTES DE CONTESTATION DU RÉEL, cela sig­ni­fie qu’elle con­tient TOUT le devenir.

Pour que ce devenir vienne à son heure, il nous appar­tient à cha­cun non pas de le pro­jeter selon ses sin­gu­lar­ités en de mul­ti­ples hori­zons poli­tiques, mais au con­traire de fix­er ces sin­gu­lar­ités à leurs places et de les met­tre en contacts

Résumé

1 — homme de Gauche se dis­tingue de l’homme de Droite par le REFUS

2 — Ce refus est PARTIEL. Il s’adresse à tel secteur local­isé du réel.

3 — La somme des refus de la Gauche n’ex­prime qu’un aspect QUANTITATIF.

4 — L’homme de Gauche qui les totalis­erait ne se situerait jamais qu’un peu plus à Gauche.

5 — Le PASSAGE à une con­science révo­lu­tion­naire exige un « saut » QUALITATIF qui est prise de con­science réfléchie d’un principe com­mun à cha­cun des refus for­mulés par l’ensem­ble de la Gauche.

6 — Sans cette réflex­ion, la seule capa­ble de lui faire mesur­er les con­séquences de ses actes, l’Homme de Gauche fait le jeu « DE CE QUI EST » orig­ine de la con­fu­sion et du MYTHE DE L’UNITÉ.

7 — On peut dis­tinguer une caté­gorie d’Homme de Gauche que l’on pour­rait appel­er « pré-révolutionnaire ».

8 — Ce sont des Hommes de Gauche, qui, groupés en minorités, opposent à la Société des refus pré­cis et dont indi­vidu­elle­ment ils assu­ment toute la portée pratique.

9 — Ils man­i­fes­tent une volon­té « ouverte » de recherche cohérente et de lutte catégorique.

10 — Il ne leur manque que la vision de la NÉCESSITÉ GLOBALE, ce qui les inscrit dans le secteur « ambigu » de la gauche, mais leur exi­gence, pour lim­itée qu’elle soit, est qual­i­ta­tive déjà.

11 — C’est en per­me­t­tant la LIBRE CONFRONTATION de ces groupes minori­taires « spé­cial­isés », dans un MOUVEMENT ani­mé de la volon­té d’un dépasse­ment cohérent, reposant sur l’an­ti­dog­ma­tisme et l’an­ti­con­formisme, que l’on peut envis­ager une pos­si­bil­ité de syn­thèse c’est-à-dire d’ap­préhen­sion de la NÉCESSITÉ GLOBALE, par l’ensem­ble de cette « Gauche ».

12 — Nous posons que cette méth­ode est à la fois la seule capa­ble de grouper les éner­gies réelle­ment créa­tri­ces, d’en provo­quer un renou­velle­ment et un enrichisse­ment con­ti­nus à la mesure du pro­grès sci­en­tifique et de la vie contemporaine.

13 — Toute autre UNION de la GAUCHE relève de la MYTHOLOGIE UNITAIRE

Jacques


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