La Presse Anarchiste

Le dialogue possible

En dehors des direc­tions des par­tis, en dehors des lead­ers majori­taires ou minori­taires, il y a les mil­i­tants, et une foule d’hommes qui cherchent une solu­tion aux prob­lèmes actuels dans le cadre de CETTE GAUCHE sans avoir trou­vé de réponse aux inquié­tudes de notre temps.

On ne détru­it pas une pen­sée. La course au Pou­voir des par­tis de Gauche a étouf­fé momen­tané­ment un grand nom­bre d’aspi­ra­tions fon­da­men­tales et pro­fondes. Mais il faut le con­stater, le con­tact avec la BASE nous le démon­tre chaque jour : il y a un chem­ine­ment cer­tain des idées, sou­vent incon­scient, mais dont quelques signes prou­vent que la lutte pour la libéra­tion de l’Homme con­tin­ue tout de même.

Nous avons par­lé au début de ce numéro des valeurs com­munes à toute la Gauche et des points de con­tact réels qu’ils ont avec la pen­sée révo­lu­tion­naire. Il nous faut dire qu’il y a encore aujour­d’hui dans la GAUCHE des gens qui sont ce que nos grands-pères appelaient les « rouges », c’est-à-dire : Anti­mil­i­taristes, paci­fistes, inter­na­tion­al­istes, anti­colo­nial­istes, anti­cléri­caux, syn­di­cal­istes. Ces hommes peu­vent opter ou n’être con­va­in­cus que de quelques-uns de ces objec­tifs. Ils peu­vent adhér­er à tous. Ils ne sont pas for­cé­ment pour autant des révo­lu­tion­naires. Nous l’avons déjà dit. Il y a, en quelque sorte une tra­di­tion de pen­sée de « gauche » dont il fau­dra bien recon­naître tôt ou tard qu’elle con­stitue une par­celle de l’idéal révo­lu­tion­naire et le plus sou­vent OBJECTIVEMENT une cer­taine prise de con­science vers une RÉVOLUTION possible.

Ne serait-ce pas fausse mod­estie de notre part de ne pas dire que cette pen­sée con­stitue en fait l’ap­port val­able de l’A­N­AR­CHISME à la pen­sée de la GAUCHE ? La notion de lutte con­tre l’Au­torité est beau­coup plus vivante dans les couch­es pro­fondes de la masse que les anar­chistes eux-mêmes ne le croient générale­ment. Ce phénomène existe même au sein du Par­ti com­mu­niste. Aragon le recon­naît dans « L’Homme com­mu­niste », Thorez et son équipe l’ont dénon­cé maintes fois.

Cela sig­ni­fie-t-il que les anar­chistes révo­lu­tion­naires désirent que ces hommes rejoignent leurs rangs ? Absol­u­ment pas. Ils ne sont pas un par­ti poli­tique cher­chant des adhérents à tout prix pour de quel­con­ques ambi­tions élec­torales. Ils veu­lent sim­ple­ment et encore mod­este­ment favoris­er tout ce qui con­tribue à la « prise de con­science » des indi­vidus en vue de la vic­toire de la classe ouvrière qui, comme l’a dit Bak­ou­nine, « en se libérant, libère l’hu­man­ité ». La Révo­lu­tion ne pour­ra se faire qu’avec cette « prise de con­science » qui ne doit pas porter seule­ment sur les prob­lèmes soci­aux mais sur toute la vie. Nous ne pou­vons que nous réjouir que d’autres que nous le fassent même sur des points partiels.

Or, il n’y a AUCUN par­ti de « Gauche » qui pra­tique­ment, revendique, ou même pour­rait sym­bol­is­er à tort, les objec­tifs dont nous avons par­lé plus haut.

Dans la pen­sée de toute la « Gauche » du début de ce siè­cle, l’Ar­mée était avant tout l’in­stru­ment du Cap­i­tal et de la dom­i­na­tion à l’ex­térieur et le sym­bole de la con­ser­va­tion sociale à l’in­térieur. L’af­faire Drey­fus avait mon­tré aux mass­es jusqu’où pou­vaient aller dans l’ig­no­minie ceux qui pré­tendaient défendre le « Pat­ri­moine ». À tout le moins, comme cela était le cas chez les rad­i­caux on pen­sait que l’Ar­mée ne devait pas être un État dans l’É­tat : il y avait tou­jours un réflexe de méfi­ance vis-à-vis de tout ce qui était mil­i­taire. Pour les social­istes, si l’ar­mée était l’in­stru­ment des class­es exploiteuses, le Cap­i­tal « por­tait la guerre avec lui, comme la nuée porte l’or­age » selon Jau­rès. La lutte con­tre le mil­i­tarisme devait se con­fon­dre oblig­a­toire­ment avec la lutte pour la Paix. Mieux, avec la lutte de classe tout court. C’é­tait aus­si le temps où l’on glo­ri­fi­ait les « Braves sol­dats du XVIIe » qui avaient mis la crosse en l’air pour ne pas avoir à tir­er sur leurs « frères de classe ». C’é­tait le temps de la grande pop­u­lar­ité de la phrase d’Ana­tole France : « On croit mourir pour sa patrie, on meurt pour les indus­triels ». Il n’y avait alors qu’un pas à franchir pour par­venir à l’Op­tion révo­lu­tion­naire car­ac­térisée surtout par l’an­tipa­tri­o­tisme, néga­tion d’une valeur bour­geoise. Que s’est-il passé depuis ? Après la mort de Jau­rès il y eut la fameuse « Union sacrée » de 1914 d’où, hélas, cer­tains anar­chistes ne furent pas absents. Il y eut même la trahi­son des soci­aux-démoc­rates alle­mands. Depuis, les par­tis social­istes se sont de plus en plus instal­lés dans le Pou­voir et par son « jeu » sont devenus patri­otes et mil­i­taristes : cha­cun le sait. Le regret­té Marceau Pivert écrivait après la fameuse « expédi­tion de Suez » organ­isée par Guy Mollet :

« Com­bi­en de temps va-t-on laiss­er déshon­or­er les noms de Jau­rès, de Gues­de, dans le « Pop­u­laire », pour défendre des posi­tions infin­i­ment plus éloignées du social­isme tra­di­tion­nel que ne l’é­taient les affir­ma­tions des néo-social­istes de 1933 : Ordre (l’or­dre cap­i­tal­iste impéri­al­iste à coups de canon.) Nation (au-dessus de tout, la France seule au besoin)…»

Il n’empêche qu’il y a encore aujour­d’hui des mil­i­tants social­istes qui ont gardé en eux la tra­di­tion paci­fiste et anti­mil­i­tariste. Ils se groupaient, il n’y a pas si longtemps autour de Marceau Pivert, nous les avions déjà ren­con­trés aux « Citoyens du Monde » (avant que Gar­ry Davis ne se car­ac­térise — hélas — par les excen­tric­ités que l’on sait). L’avenir nous dira si nous les retrou­verons au sein du « Par­ti Autonome ».

Quant aux com­mu­nistes, ils ont fondé le « Mou­ve­ment de la Paix » auquel se sont ral­liés sur des plans locaux nom­bre de mil­i­tants de province « gauchistes ». Bien que ce mou­ve­ment ait sou­vent rassem­blé des foules impor­tantes, il n’a jamais été qu’un organ­isme adap­té aux cir­con­stances sans jamais abor­der à fond le prob­lème de la Paix, se refu­sant de cri­ti­quer le bloc ori­en­tal et se refu­sant de con­damn­er le cap­i­tal­isme et le patri­o­tisme à plus forte rai­son. Il nous sou­vient du temps où ce mou­ve­ment entrait en polémique avec nous parce qu’il pré­con­i­sait l’al­liance avec les réac­tion­naires à la seule con­di­tion qu’ils aient signé l’«Appel de Stock­holm ». Pour­tant le « coup d’Al­ger » a réveil­lé un cer­tain anti­mil­i­tarisme dans les mass­es influ­encées par le P.C.

Beau­coup plus val­ables nous parais­sent les mil­i­tants groupés autour de « Lib­erté » le jour­nal de Louis Lecoin, ceux qui lisent la « Voix de la Paix » ou le vail­lant petit bul­letin de Duval « La Volon­té Pop­u­laire ». En dehors des milieux lib­er­taires, et c’est cela qui nous intéresse, il y a des mil­i­tants de « gauche » qui sou­ti­en­nent la cam­pagne en faveur des Objecteurs de Con­science. Il faut recon­naître que l’idée du statut a fait d’im­menses pro­grès même dans l’en­tourage immé­di­at de Guy Mol­let. (L. Lecoin dix­it). Mais tous ces gens, même lib­er­taires, ne sor­tent pas le moins du monde du cadre du régime et si le point de ren­con­tre existe, il y a encore un long chemin à par­courir pour arriv­er à la notion révo­lu­tion­naire de lutte paci­fiste qui ne peut se con­cevoir que dans la mise en ques­tion du régime cap­i­tal­iste. La place nous manque pour ouvrir un débat sur l’Ob­jec­tion de con­science dont l’of­fi­cial­i­sa­tion enlèvera tout car­ac­tère de Révolte. Il y a, de même, un monde entre l’ob­jecteur révo­lu­tion­naire qui se refuse à servir et à par­ticiper au régime et l’ob­jecteur religieux qui se refuse sim­ple­ment à tuer ! Il est pour­tant souhaitable que la « gauche » dis­cute de ces prob­lèmes et sur ce ter­rain les anar­chistes révo­lu­tion­naires désirent pour­suiv­re le dia­logue. Pour nous, la lutte con­tre l’Ar­mée et pour la Paix mène directe­ment à la lutte con­tre l’É­tat qui est aus­si un moteur de la guerre. Lais­sons une fois encore la parole à Bakounine :

« L’ex­is­tence d’un seul État sou­verain sup­pose néces­saire­ment l’ex­is­tence et au besoin provoque la for­ma­tion de plusieurs États, étant fort naturel que les indi­vidus qui se trou­vent en dehors de lui, men­acés par lui dans leur exis­tence et dans leur lib­erté s’as­so­cient à leur tour con­tre lui… Intérieure­ment fédéré ou non fédéré, chaque État, sous peine de périr, doit donc chercher à devenir plus puis­sant. Il doit dévor­er pour ne point être dévoré, con­quérir pour ne point être con­quis ». (Bak­ou­nine : « Fédéral­isme, Social­isme, et Antithéol­o­gisme », Stock 1902).

On peut dire, au fond, que toute lutte pour la paix dans la « Gauche » est OBJECTIVEMENT révo­lu­tion­naire. Il existe un chem­ine­ment de pen­sée qui arriverait en fin de compte à l’an­tié­tatisme des anar­chistes, c’est l’idée courante de la Fédéra­tion, de l’abo­li­tion. des fron­tières. C’est main­tenant devenu un lieu com­mun dans la « Gauche » qu’il n’y a plus d’É­tat indépen­dant tel qu’on pou­vait le con­cevoir au siè­cle dernier. Les pro­grès économiques et sci­en­tifiques oblig­ent sur le plan inter­na­tion­al à pos­er le prob­lème de la survie des gou­verne­ments tels que nous les con­nais­sons. L’idée lancée par les « Citoyens du Monde » d’un gou­verne­ment mon­di­al et d’une Assem­blée Con­sti­tu­ante des Peu­ples procède de ces con­stata­tions. C’est encore l’une des con­tra­dic­tions « gauchistes » d’en­vis­ager une notion dif­férente des États selon qu’il est ques­tion de poli­tique intérieure ou de poli­tique extérieure !

Et c’est ain­si que se réveille le vieil esprit « inter­na­tion­al­iste » du XIXe siè­cle. (Nous nous bornerons à rap­pel­er pour mémoire que ce sen­ti­ment si pro­fond dans le cœur des mass­es est qual­i­fié de « cos­mopolitisme » par la clique Thorez et nous ne nous éten­drons pas sur les gym­nas­tiques men­tales que ces gens sont oblig­és de faire pour con­cili­er l’in­ter­na­tion­al­isme avec leur patri­o­tisme chau­vin des­tiné à gag­n­er quelques couch­es bour­geois­es d’électeurs : les mil­i­tants com­mu­nistes de la base sont inter­na­tion­al­istes et le plus sou­vent étrangers à ces bon­i­ments, or il n’y a que la BASE qui nous intéresse).

Pour les anar­chistes, la néga­tion de l’É­tat et des États implique la néga­tion de toute autorité qui pré­tende se sub­stituer à l’homme et à la sou­veraineté qu’il est en droit d’ex­ercer dans la société. Il y a donc pour nous un lien évi­dent entre le com­bat con­tre l’É­tat et le com­bat con­tre l’Église. On a pu dire : « Chaque État est une Église ter­restre comme toute église n’est rien qu’un céleste État » (Bak­ou­nine. Voir note de la pre­mière cita­tion). Pour les gens de « Gauche », l’an­ti­cléri­cal­isme, lorsqu’il existe, oppose au con­traire État et Église puisque dans le point de vue le plus courant (ce fut surtout celui des rad­i­caux et du fameux « Petit Père Combes ») il est des­tiné à empêch­er que l’Église ne se mêle des affaires de l’É­tat. Ici, sou­vent, l’homme de gauche a opté pour l’É­tat. Sou­vent, encore, nom­bre de défenseurs de la « laïc­ité » ne vont pas plus loin. Et l’opin­ion la plus courante est que si l’Église reste à sa place, elle n’est pas dan­gereuse. C’est oubli­er que sa rai­son d’être est la con­quête ! Ceux qui ont con­staté que pour la reli­gion tout est reli­gion et que pour l’Église tout est domaine d’Église poussent leur analyse plus loin. Cela les con­duit fatale­ment à la remise en ques­tion de la reli­gion elle-même. Pour nous, la reli­gion est source de toute autorité. Le raison­nement sci­en­tifique com­bat la reli­gion parce qu’il est par essence anti-autori­taire — nous l’avons mon­tré dans le deux­ième de nos arti­cles —. C’est pourquoi, nous pen­sons que les seuls laïques et anti­cléri­caux con­séquents et logiques, parce qu’ils vont au fond des prob­lèmes, sont les libres-penseurs. Cette recherche sci­en­tifique autant qu’éthique qui se fait à l’in­térieur de la Libre Pen­sée est bien pro­pre à rassem­bler la « Gauche » sur ses valeurs de lutte les plus pro­fondes et les plus val­ables, de même qu’elle per­met aux anar­chistes révo­lu­tion­naires de ren­con­tr­er la « Gauche » sur des objec­tifs qui ne sont par­tiels qu’en apparence. Car la Libre Pen­sée, dans le domaine éthique qui lui est pro­pre va bien au fond du prob­lème, tant que les anar­chistes peu­vent le faire sur le plan sociologique.

Il est utile de pub­li­er la Déc­la­ra­tion de Principes. qu’elle vient de se donner :

« La Libre Pen­sée se réclame de la Rai­son et de la Sci­ence. Elle n’est pas un par­ti ; elle est indépen­dante de tous les par­tis. Elle n’est pas une église, elle n’ap­porte aucun dogme. Elle vise à dévelop­per chez tous les hommes l’e­sprit de libre exa­m­en et de tolérance. Elle regarde les reli­gions comme le pire obsta­cle à l’é­man­ci­pa­tion de la pen­sée ; elle les juge erronées dans leurs principes et néfastes dans leur action. Elle leur reproche de divis­er les hommes et de les détourn­er de leurs buts ter­restres en dévelop­pant dans leur esprit la super­sti­tion et la peur de l’au-delà, de dégénér­er en cléri­cal­isme, fanatisme, impéri­al­isme et mer­can­til­isme, d’aider les puis­sances de réac­tion à main­tenir la masse dans l’ig­no­rance et la servi­tude. Dans leur pré­ten­due adap­ta­tion aux idées de lib­erté, de pro­grès, de sci­ence, de jus­tice sociale et de paix, la Libre Pen­sée dénonce une nou­velle ten­ta­tive aus­si per­fide qu’ha­bile pour rétablir leur dom­i­na­tion sur les esprits. Esti­mant que l’É­man­ci­pa­tion de l’homme DOIT ÊTRE POURSUIVIE DANS TOUS LES DOMAINES, la Libre Pen­sée réaf­firme sa volon­té de com­bat­tre égale­ment, aux côtés de tous les hommes et asso­ci­a­tions qui s’in­spirent des mêmes principes, toutes les idées, forces ou insti­tu­tions qui ten­dent à amoin­drir, asservir, ou per­ver­tir les insti­tu­tions qui ten­dent à amoin­drir, asservir, ou per­ver­tir les indi­vidus, sa volon­té de défendre la Paix, les lib­ertés, les droits de l’homme, la laïc­ité de l’É­cole et de l’É­tat. Esti­mant que toute croy­ance est jus­ti­fi­able de la libre cri­tique, elle entend n’im­pos­er ni se laiss­er impos­er d’autre lim­ite à son action que le respect de la vérité objec­tive et de la per­son­ne humaine. À ses adhérents, frater­nelle­ment unis dans l’ac­tion com­mune, elle pro­pose la méth­ode la plus effi­cace de per­fec­tion­nement indi­vidu­el et de réno­va­tion col­lec­tive. Elle adjure tous les hommes de pro­grès, oublieux de leurs vaines querelles, de se grouper dans son sein pour tra­vailler à l’avène­ment d’une morale rationnelle de bon­heur, de dig­nité humaine et de jus­tice sociale ».

Voilà for­mulées toutes les VALEURS COMMUNES dont nous avons parlé !

Tout ceci se traduit sur un plan con­cret : des hommes de « gauche » se penchent sur les prob­lèmes de l’É­man­ci­pa­tion de la femme, du mil­i­tarisme, du colo­nial­isme, etc. Le Con­grès mon­di­al de la Libre Pen­sée n’a-t-il pas porté à son ordre du jour le prob­lème de la lim­i­ta­tion des nais­sances ? Le Con­grès nation­al de 1958 n’a-t-il pas dis­cuté de l’Ob­jec­tion de Conscience ?

On nous objectera que la Libre Pen­sée n’est pas révo­lu­tion­naire. Elle est cepen­dant un des rares groupe­ments de « Gauche » qui, TEL QUEL, pour­rait jouer son rôle en péri­ode révo­lu­tion­naire et même en société com­mu­niste. C’est à notre avis, parce qu’elle a su être tou­jours hors des querelles des par­tis et surtout hors de la « course au Pou­voir ». Sou­vent, même, con­tre les partis.

On aurait pu en dire autant du syn­di­cal­isme à une cer­taine époque ; nos cama­rades espag­nols et avec eux Pierre Besnard ont pré­con­isé le syn­di­cat comme moteur de la Révo­lu­tion, et même. comme struc­ture de la société nou­velle. Que reste-t-il du syn­di­cal­isme en France près le tri­om­phe de la con­cep­tion marx­iste du « Par­ti de la Classe » ? Il est divisé, poli­tisé, et som­bre dans le cor­po­ratisme le plus étroit. C’est pourquoi il fau­dra étudi­er de nou­velles formes de lutte ouvrière, dans la per­spec­tive tou­jours vraie que l’é­man­ci­pa­tion des tra­vailleurs « sera l’œu­vre des tra­vailleurs eux-mêmes ». Marceau Pivert le pen­sait avec nous et l’af­fir­mait peu de temps avant sa mort dans « Cor­re­spon­dance Social­iste Inter­na­tionale » (Sup. au nº 69).

Il faut avoir le courage de dire une fois pour toutes que « La Gauche » ne représente pas la classe ouvrière, que per­son­ne ne représente la classe ouvrière qui est, en ce moment per­due pour tout le monde, même pour les anarchistes.

Il faut penser que le réveil aura lieu, la leçon des derniers événe­ments sera tirée un jour ; les respon­s­abil­ités seront mis­es en lumière.

Au moment où un véri­ta­ble mou­ve­ment « de classe » renaî­tra, la « Gauche » ne sera val­able qu’en dehors du Pou­voir cap­i­tal­iste ou autre. Cer­tains signes nous dis­ent que cette véri­ta­ble « Gauche » chem­ine. L’ex­is­tence des « Amis de l’É­cole Éman­cipée » au sein du syn­di­cat Nation­al des Insti­tu­teurs en est une preuve. Le fait que Depreux explique l’«impossibilité de créer un mou­ve­ment tra­vail­liste par la fidél­ité des mil­i­tants à la Charte d’Amiens (« France Obser­va­teur ») en est une autre.

Il y a aus­si La LIGUE DES DROITS DE L’HOMME qui fut la cheville ouvrière de l’ac­tion antifas­ciste à l’époque du 13 mai.

C’est Daniel May­er, prési­dent de la Ligue qui démis­sion­na du Par­lement : il con­state que « l’ex­trême rigueur de la Ligue » est incom­pat­i­ble avec les « inévita­bles com­pro­mis­sions par­lemen­taires ». Puis­sent les ligueurs méditer cette phrase ! Et May­er l’avoir écrite plus tôt !

Il y a quelque­fois des « lueurs ». C’est Jean-Paul Sartre qui écrit dans « L’Ex­press » à pro­pos de ceux qui ont voté « Oui » :

« Ces activistes de l’im­puis­sance comptent sur le Prince pour résoudre les prob­lèmes qu’ils ne veu­lent même pas se for­muler, pour pren­dre à leur place des déci­sions qu’ils élu­dent, pour sur­mon­ter les con­tra­dic­tions qui leurs paral­y­sent… L’ac­tion du Prince, envis­agé de la sorte rede­vient l’u­nique, l’in­ef­fa­ble et l’ir­ra­tionnel ». (« Les grenouilles qui deman­dent un Roi » J.-P. Sartre, L’Ex­press, 25/9/58, p.18, ière colonne).

Mais il y a d’autres « Princes » que De Gaulle dans la « Gauche », il y a sou­vent le « Par­ti », il y a les mythes.

Par­lons net : pourquoi Sartre ne pousse-t-il pas le raison­nement dans toutes ses con­séquences ? De Gaulle, c’est le Prince, c ‘est à dire le Pou­voir en UN SEUL. C’est l’Au­torité en UN SEUL. Mais tous ceux qui, quel que soit le régime poli­tique, con­fient à d’autres leur par­celle de Pou­voir ne pro­jet­tent-ils pas aus­si leur pro­pre impuis­sance ? Le mil­i­tant de « Gauche », le syn­di­cal­iste d’au­jour­d’hui n’est-il pas sou­vent « activiste de l’im­puis­sance » par l’im­pos­si­bil­ité qu’il a de con­cevoir le Monde autrement que dans le « boule­vard de l’Au­torité » dont par­lait Proudhon ?

Guy


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