La Presse Anarchiste

Comment assurer la fonction sexuelle

Nous avons retrou­vé le manus­crit d’une étude que sous le titre ci-des­sus le regret­té Paul Vigné d’Octon des­ti­nait à L’en-dehors. Bien que cette étude ne soit pas com­plète, nous sommes cer­tains que son conte­nu inté­res­se­ra nos lecteurs.

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Il a été dit et écrit sur ce sujet par­ti­cu­liè­re­ment déli­cat des choses bien contra­dic­toires, et par­fois même d’une faus­se­té scien­ti­fique évidente. 

Ceux qui affir­maient celles-ci étaient des non méde­cins, et par consé­quent excu­sables ; excu­sables aus­si les autres, car sur la phy­sio­lo­gie des glandes sexuelles règne encore beau­coup d’inconnu. 

Nous vou­drions, de ces contra­dic­tions, déga­ger ici quelques prin­cipes essen­tiels qui aide­raient cha­cun à assu­rer, pour le plus grand bien de sa san­té, cette fonc­tion capitale. 

Je vou­drais qu’il soit pos­sible de baser sa convic­tion d’a­bord et sa conduite après, sur quelques don­nées scien­ti­fiques, dont l’u­ti­li­té me paraît incontestable. 

N’est-il pas utile, en effet, que l’on connaisse l’en­semble des tra­vaux les plus impor­tants que Freud et son école ont consa­cré à l’acte sexuel chez l’homme et chez la femme ? 

Les tra­vaux de Jacques Fischer, tels qu’ils sont expo­sés dans son beau livre L’A­mour et la Morale, me paraissent syn­thé­ti­ser au mieux la pen­sée du maître. 

L’homme s’est éman­ci­pé du cycle du rut qui régit impé­rieu­se­ment toutes les autres espèces ani­males. Chez l’a­ni­mal l’ins­tinct sexuel se mani­feste d’une façon toute puis­sante à des époques bien déter­mi­nées et qui sont spé­ci­fiques pour chaque espèce. La force de cette impul­sion est telle qu’elle oblige l’a­ni­mal à faire sans hési­ta­tion le sacri­fice de sa vie pour obéir à cette loi ayant acquis la toute puis­sance de l’instinct. 

Chez l’homme, au contraire, l’im­pul­sion sexuelle se pré­sente rare­ment sous aine forme aus­si vio­lente, mais elle est sus­cep­tible par contre, de se déclen­cher à n’im­porte quel moment. Il faut donc éta­blir une dif­fé­ren­cia­tion très nette entre le phé­no­mène du rut ani­mal et les impul­sions sexuelles constantes de l’homme. 

Il ne sub­siste, chez l’homme, que des ves­tiges de la pous­sée cyclique, à laquelle il fut sou­mis, alors qu’il ne s’é­tait pas com­plè­te­ment affran­chi de l’a­ni­ma­lier (rut sai­son­nier du prin­temps et quel­que­fois pous­sée com­plé­men­taire en automne). 

Les règles phy­sio­lo­giques étant les mêmes pour tous les ani­maux, on peut consi­dé­rer comme indis­cu­table que ces périodes coïn­ci­daient avec le cycle lunaire et cor­res­pon­daient aux mens­trues fémi­nines. Ceci était la règle. Cette règle, pour l’être humain déjà évo­lué, pré­sen­tait comme seule par­ti­cu­la­ri­té une pério­di­ci­té rela­ti­ve­ment très rap­pro­chée. Nous savons que les lois bio­lo­giques d’une espèce ne s’ap­pliquent pas d’une façon stric­te­ment iden­tique ; il y a tou­jours des dif­fé­rences indi­vi­duelles, d’où dans le cycle lunaire, un cer­tain déca­lage pour les femelles humaines, ou mieux pré­hu­maines. Dans la plu­part des races ani­males, ce déca­lage indi­vi­duel, cette sorte d’os­cil­la­tion autour de l’é­poque fixe, n’a­vait que peu d’im­por­tance. Quand, par exemple, dans un trou­peau d’a­ni­maux, obéis­sant à un rut annuel ou bis-annuel, il se trou­vait, un inter­valle de quinze jours, néces­saire pour que l’im­pul­sion sexuelle se fît chez toutes les femelles suc­ces­si­ve­ment, cela obli­geait sim­ple­ment les mâles à se consa­crer, durant cette quin­zaine, à peu près com­plè­te­ment aux fonc­tions de la repro­duc­tion. Mais, durant le reste de l’an­née, la vie nor­male repre­nait, abso­lu­ment indé­pen­dante de tout trouble sexuel, et, en somme, la per­tur­ba­tion dans la vie sociale du trou­peau avait été minime. 

On com­prend faci­le­ment qu’il n’en a pas été de même chez l’homme. Les varia­tions indi­vi­duelles, insi­gni­fiantes pour des espèces à rut très espa­cé, ont pris, tout au contraire, une impor­tance capi­tale chez l’homme ou le pré­homme, ani­mal aux périodes d’a­mour rapprochées. 

Dans la tri­bu pri­mi­tive, les femelles ont été sous l’in­fluence de l’ex­ci­ta­tion mens­truelle, non pas toutes ensemble, mais à des inter­valles pré­cé­dant ou sui­vant de quelques jours le retour du mois lunaire ; dès lors, la période totale de l’ex­ci­ta­tion sexuelle des femelles dans la tri­bu, empié­tait sur l’in­ter­valle de vingt-huit jours. Ce déca­lage por­tait auto­ma­ti­que­ment sur le phé­no­mène inter­mé­diaire de conges­tion des ovaires, et là aus­si une sorte de rut mineur s’é­ten­dait en-deçà et au-delà du qua­tor­zième jour inter­mé­diaire. En sorte que : par suite de ces empiè­te­ments ten­dant à se diri­ger les uns vers les autres, la période durant laquelle les femelles de la tri­bu ances­trale étaient capables de res­sen­tir l’im­pul­sion sexuelle finis­sait par for­mer, durant le mois entier, une chaîne presque inin­ter­rom­pue de ruts suc­ces­sifs. Chaque femelle n’é­tait évi­dem­ment sous l’in­fluence de son sexe que pen­dant une courte période, ne coïn­ci­dant pas avec celle de ses sœurs, Mais le, ou les mâles de la tri­bu, étaient conti­nuel­le­ment entou­rés de femelles, en état d’ex­ci­ta­tion sexuelle. Le mâle se trou­vait donc dans des cir­cons­tances dif­fé­rentes. Il avait mieux conser­vé les tra­di­tions phy­sio­lo­giques sexuelles de ses ancêtres mam­mi­fères. Chez lui, le flux sexuel pré­sen­tait une pous­sée domi­nante au prin­temps, sui­vant la grande loi natu­relle et une pous­sée secon­daire moins impor­tante, à l’au­tomne, sui­vant la règle du balan­ce­ment sai­son­nier. Il est infi­ni­ment pro­bable que si la femelle avait obéi à des influences phy­sio­lo­giques aus­si abso­lues, l’im­pul­sion sexuelle de l’homme eût sui­vi des règles ana­logues à celles des autres animaux. 

Les exci­tants psy­chiques, la pen­sée, l’i­ma­gi­na­tion, tous phé­no­mènes d’o­ri­gine phy­sio­lo­gique, furent capables d’a­me­ner secon­dai­re­ment, des modi­fi­ca­tions dans la sécré­tion interne des organes génito-ovariens. 

Par suite, des pro­duits ana­logues à ceux qui se déversent dans le sang au moment des impul­sions sexuelles, peuvent être fabri­qués, pré­ci­pi­tés dans le tor­rent cir­cu­la­toire et créer ain­si un milieu humo­ro-endo­cri­nien sem­blable à celui du moment des mens­trues, et capables d’en­traî­ner les mêmes réac­tions céré­brales, c’est-à-dire l’im­pul­sion sexuelle et l’i­dée secon­daire d’amour. 

C’est par suite de ces chan­ge­ments que nous sommes arri­vés à cet état désor­don­né qui carac­té­rise l’es­pèce humaine quant aux fonc­tions de reproduction. 

Par-là, et c’est le point le plus impor­tant peut-être, l’im­pul­sion sexuelle, chez l’homme, s’est tel­le­ment sépa­rée de l’i­dée de repro­duc­tion que celle-ci semble n’être plus qu’un phé­no­mène sur­ajou­té sur­ve­nant, la plu­part du temps, par hasard et ne se rat­ta­chant à l’i­dée d’im­pul­sion sexuelle que grâce à des idées de devoir ou de satis­fac­tion per­son­nelle chez la plu­part, et seule­ment chez quelques-uns par l’ac­tion d’un fonds ins­tinc­tif qui n’est pas com­plè­te­ment détruit. 

Que la fonc­tion sexuelle, ses abus, ses défi­ciences ou ses dévia­tions soient à l’o­ri­gine de la plu­part des névroses, rares sont les psy­chiatres qui le contestent aujourd’­hui. (à suivre), 

Dr Paul Vigné d’Octon

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