La Presse Anarchiste

L’Idée Ouvrière

L’IDÉE OUVRIÈRE ! Qu’est-ce que c’est que ça ? vont s’é­crier les porte-plume, plats valets de la presse bour­geoise. L’IDÉE OUVRIÈRE ! Mais, ça à donc des idées un ouvrier ? Eh ! Oui, mes­sieurs, les ouvriers se per­mettent aujourd’­hui d’a­voir des idées à eux, et qui mieux est, ne sont pas de celles avec les­quelles vous les endor­mez depuis près d’un siècle ; besogne pour laquelle, du reste, vous êtes payés, et dont vous vous acquit­tez au mieux de vos inté­rêts.

Mais cela a assez duré et à force de vou­loir lui faire exé­cu­ter ser­vi­le­ment sous une appa­rence de liber­té, les ordres sous forme de lois, de vos maîtres les capi­ta­listes, vous lui avez fait aper­ce­voir que la route que vous vou­lez lui faire suivre conduit aux hon­neurs et à la for­tune… vous et les vôtres et les laisse lui et les siens aux prises avec la misère.

Vos contes à dor­mir debout sur le res­pect de la sacro-sainte pro­prié­té, l’a­mour de la Pâââ­trie, le suf­frage uni­ver­sel, et d’autres bourdes telles que mutua­lisme, coopé­ra­tion, etc., etc., com­mencent à le lais­ser indif­fé­rent ; il se fout de ces pré­ju­gés, et rit de vos pro­messes, car l’exa­men et la mise en pra­tique expé­ri­men­tale démontrent abso­lu­ment que toutes ces ins­ti­tu­tions du haut en bas de l’é­chelle sociale, ne servent qu’à l’in­té­rêt de quelques-uns qui jouissent, dominent, pres­surent, au détri­ment de l’im­mense quan­ti­té qui végète et crève le plus sou­vent de besoin.

En France, où par­tout on lit : Liber­té, Éga­li­té, Fra­ter­ni­té, règne l’op­pres­sion inso­lente des galon­nés, des porte-jupes ensou­ta­nés, juges avo­cas­siers et magis­trats de tous ordres : l’o­pu­lence à côté de la misère, l’é­goïsme le plus écœu­rant, etc.

Deman­dez donc aux ména­gères, esclaves de la famille, de « leur homme », aux sol­dats esclaves de la dis­ci­pline et de leurs chefs, aux ouvriers des bagnes capi­ta­listes, esclaves des contre-coups, garde-chiourmes de la socié­té, aux sans-tra­vail cre­vant de faim, tri­mar­dant, rôdant par les rues et les quais, hon­teux, la figure hâve, cher­chant dans les boîtes à fumier l’os que le chien à dédai­gné, sans abris, sans vête­ment, ce qu’ils pensent de cette devise bour­geoise : Liber­té, Éga­li­té, Fra­ter­ni­té ?

Iro­nie !

Qu’ont donc fait les ministres, les dépu­tés, les séna­teurs et autres para­sites issus de l’é­lec­tion, qui sou­vent cepen­dant visitent la loca­li­té pour remé­dier à la crise qui sévit, et devant laquelle ils sont impuis­sants et inca­pables ? Cette crise ter­rible est l’i­né­vi­table suite de la sur­pro­duc­tion cau­sée par l’ap­pé­tit glou­ton des bour­geois pour l’or, leur Dieu, et par suite, le pro­grès du machi­nisme — la crise comme le pro­grès est inter­na­tio­nale — et est une des causes de l’ordre, ou plu­tôt du désordre des choses dans la socié­té actuelle ; sujet que nous trai­te­rons incessamment.

Si nous exa­mi­nons la situa­tion au Hâvre, nous ren­dant compte de la trans­for­ma­tion de l’ou­tillage, nous serons moins sur­pris de chô­mage qui existe ici comme ailleurs. Autre­fois pour le déchar­ge­ment des navires il fal­lait des semaines entières ; depuis que les entre­pre­neurs pour sou­te­nir la concur­rence, ont eu recours d’a­bord au palan à trac­tion de che­val, puis au treuil à vapeur, (pro­chai­ne­ment le port sera doté de grues hydrau­liques) le déchar­ge­ment se fait en un ou deux jours ; et avec le der­nier sys­tème se fera en moins de temps. Les ponts tour­nants par le sys­tème hydrau­lique, les che­mins de fer sur les quais, sont autant de causes de la crise, de même pour l’in­dus­trie du tis­sage, un seul homme, une femme, voir même un enfant, pro­duit à lui seul en un jour ce que plu­sieurs per­sonnes pro­dui­saient en une semaine ; et qu’est-ce ceci en pré­sence des pro­grès en réa­li­sa­tion et à réaliser ?

L’an pas­sé Fer­di­nand de Les­seps de retour de Pana­ma, décla­rait dans un dis­cours que le canal était en bonne voie et, par­lant de l’ou­tillage disait que les exca­va­teurs fai­saient en une jour­née le tra­vail de 30.000 hommes. Que les diri­geants consti­tuent autant de com­mis­sions de 44 qu’ils vou­dront, ce que l’on ne peut nier ce sont les faits, et ce que l’on constate, l’im­puis­sance gou­ver­ne­men­tale en matière d’a­mé­lio­ra­tion. Par­ti­sans du pro­grès scien­ti­fique le plus éten­du, nous ne ces­se­rons de crier aux tra­vailleurs : ce pro­grès, ces machines, cause de ta ser­vi­tude, cause de ta misère, parce qu’elles sont entre les mains des para­sites qui s’emparent de tout ce qu’elle pro­duisent, c’est ton œuvre ! Les exploi­teurs s’en sont empa­rés. Puisque c’est là la source de la misère dans laquelle tu végètes, de l’éner­gie les tiens souffrent ! À ton tour empare-toi de la machine, au pro­fit de tous. Mais gardes-toi bien de la bri­ser, comme nos enne­mis veulent nous le faire dire, et si tu te heurtes à des obs­tacles, ren­verse ren­verse ! D’où vient donc la for­tune scan­da­leuse, immense, des bour­geois, des diri­geants qui nous regardent de haut et nous écla­boussent de leurs inso­lences ? À qui donc appa­rient les immenses richesses fruit de notre tra­vail, et dont regorgent les maga­sins ? À qui donc sert la Patrie ? Quels sont ceux qui ont inté­rêt à la défendre ? Qu’à coû­té cette défense en homme, en argent ?

Pour­quoi donc la plu­part de tra­vailleurs habitent-ils des loge­ments mal­sains, des trous infects et insa­lubres, et sont même en grand nombre sans abris, pen­dant que de saines et somp­tueuses demeures sont inhabitées ?

Ce sont là toutes les ques­tions que nous trai­te­rons en détail, ain­si que bien d’autres d’un très haut inté­rêt pour les tra­vailleurs. Cama­rade, sape, taille, ébranle, ren­verse, relève enfin la tête. Ton exis­tence est sacri­fiée au tra­vail pour les gros. Depuis l’âge où, être ché­tif, encore tout gosse, tu as encore besoin de tant de soins, jus­qu’à l’âge per­clus, impropre à la pro­duc­tion, tu sera jeté sur le pavé par tes employeurs sans autre pers­pec­tive que le SUICIDE, si l’é­du­ca­tion que t’a incul­quée la socié­té bour­geoise t’a ava­chi jus­qu’au point d’ou­blier que tous les êtres ont droit à l’existence.

La MENDICITÉ, si tu n’as conscience de tes droits, et la RÉVOLTE si tu as l’éner­gie de les reven­di­quer. Mais sache que n’im­porte dans quelle socié­té, n’exis­te­rait-il qu’un seul misé­rable, qu’un seul mal­heu­reux, tous les hommes de cœur devront éle­ver la voix et cou­rir au ren­ver­se­ment de cette ini­qui­té, pour l’a­vè­ne­ment de la jus­tice, pour le bien-être de l’humanité. 

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