La Presse Anarchiste

Deux ans d’expérience

Voi­ci que l’Ave­nir Social ter­mine sa seconde année d’exis­tence et fidèles à notre pro­messe, nous venons dire à nos amis ce que fut cette seconde année.

Elle ne fut pas moins dure que la pre­mière. Elle fut lourde de dif­fi­cul­tés maté­rielles, de sou­cis moraux, d’en­nuis de toutes sortes. Aux tra­cas­se­ries admi­nis­tra­tives sont venues se joindre les tris­tesses de la calom­nie et des attaques mal­veillantes ; et les mau­vais jours ne nous ont point man­qué. Cepen­dant nous sommes tou­jours debout, calmes et réso­lus à pour­suivre, si dure que soit la route, la tache com­men­cée avec tant de joie et d’espoir.

Cette seconde année fut sur­tout — et plus que la pre­mière — une année d’ex­pé­rience. En effet, si, à la fin de la pre­mière année nous entre­voyions un résul­tat moral pos­sible, il ne nous était guère facile d’é­ta­blir une don­née exacte sur l’é­tat éco­no­mique et finan­cier ; l’ex­pé­rience n’ayant pas été d’as­sez longue durée et les débuts d’une entre­prise, quelle qu’elle soit, ne pou­vant ser­vir de hase pour juger quel pour­ra en être le résultat.

Aujourd’­hui, nous y voyons plus clair sur la ques­tion maté­rielle. Nous pou­vons dire aus­si que nous envi­sa­geons mieux et sous un jour plus exact, le côté moral de la ques­tion édu­ca­tive. Nous avons appris nous-mêmes bien des choses ; nous avons acquis plus de fer­me­té, plus de sagesse ; nous avons vu les points faibles, les écueils à évi­ter, et si notre rai­son­ne­ment pri­mi­tif s’est quelque peu modi­fié, c’est que l’ex­pé­rience faite chaque jour nous a don­né une plus exacte science des êtres et des choses. En sommes ces deux années qui viennent de s’é­cou­ler furent pour nous deux années d’é­tudes qui por­te­ront leurs fruits, nous l’es­pé­rons, au cours des années à venir.

Avant toute autre chose, je vais don­ner la situa­tion finan­cière de l’Ave­nir Social en 1907. J’in­siste pour qu’on veuille bien étu­dier sérieu­se­ment cette par­tie, que cer­taines per­sonnes mettent au second plan et qui cepen­dant est la base de toute exis­tence, de toute orga­ni­sa­tion. De la ques­tion éco­no­mique dépend toute entière la situa­tion morale et intel­lec­tuelle. Il faut man­ger avant d’é­tu­dier ; il faut sue le cœur soit sain pour que le cer­veau soit bon ; et avant de son­ger à la leçon, il faut pen­ser à la soupe. Chaque fois que nous nous sommes trou­vés arrê­tés ou retar­dés en che­min, la faute en a été pré­ci­sé­ment à cette ques­tion éco­no­mique, à l’im­pos­si­bi­li­té maté­rielle devant laquelle nous nous trou­vions — de par l’é­tat pré­caire de notre bud­get — de mettre en pra­tique toutes nos idées.

Ceux-là qui se sont trou­vés en face des mêmes dif­fi­cul­tés, qui ont eu à lut­ter contre les mêmes obs­tacles, ceux-là nous com­pren­dront sans peine. Quand aux pri­vi­lé­giés, à ceux pour les­quels l’ef­fort fut facile parce que la ques­tion maté­rielle était réso­lue, ceux-là aus­si, je l’es­père, sau­ront nous com­prendre, s’ils veulent bien étu­dier de près la situation.

Et main­te­nant, pas­sons aux chiffres !

M. V.

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