La Presse Anarchiste

Eux et nous

Dans Une conver­sa­tion avec Mon­sieur de Mézer­ville, patriote vaillant qui vient de faire un brillant mariage en Cos­ta-Rica où il s’ins­tal­la il y a quelques vingt années (ou plus), où il fut même consul de notre très paci­fique France, j’ap­pris que si son frère plus terre à terre pré­fé­ra le sol Cos­ta-Ricien au sol san­glant mais tant glo­rieux de la der­nière guerre lui par­tit connue volon­taire dans les rangs d’une armée qu’il est de bon goût d’ap­pe­ler la pre­mière du monde.

Aus­si sui­vant. ses dires y fit-il appa­ri­tion comme com­bat­tant mais devant la dis­ci­pline mili­taire devant laquelle tout bon Fran­çais doit s’in­cli­ner il fut for­cé de pas­ser une visite médicale.

Impos­sible, lui fut-il répon­du, de vous lais­ser dans une uni­té combattante.

— Mais…

— Et vous êtes pro­po­sé pour la réforme.

— Pour la réforme ! Oh ! mais, je ne veux pas de réforme, puisque j’ai été au front il n’y a pas de rai­son que je n’y retourne.

Devant cette preuve d’hé­roïsme, le géné­ral lui dit alors :

— Si ; mon ami, nous-allons vous réfor­mer ; d’ailleurs, vous savez bien, entre nous, que des gens de votre condi­tion ont leur place à l’ar­rière plus qu’au front.

Et avec la réforme, l’on don­na à ce brave et vaillant patriote une fonc­tion loin­taine qui lui per­mit de conti­nuer à por­ter l’u­ni­forme d’of­fi­cier de l’ar­mée fran­çaise et de rega­gner a la fin des hos­ti­li­tés son home et ses affaires !

Com­ment vou­lez-vous que ces gens-là ne soient pas patriotes et qu’ils n’en­gagent pas les autres à se faire cas­ser la g… figure, puisque vu « la condi­tion » l’ar­rière est leur ter­rain de combat !

M. Theu­reau

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