La Presse Anarchiste

La C.G.T. et le P.C.F. « resserrent leur coopération »

L’Humanité, la Vie ouvrière du 4 avril

[(« Le P.C.F. et la C.G.T. ont des pré­oc­cu­pa­tions com­munes. Ils entendent res­ser­rer leur coopé­ra­tion. Dans ce but, ils décident d’organiser des rela­tions plus étroites entre le groupe par­le­men­taire com­mu­niste et les sec­teurs inté­res­sés de la C.G.T. Ils invitent leurs orga­ni­sa­tions res­pec­tives à tous les niveaux à en faire autant. »)] 

Tel est l’essentiel du com­mu­ni­qué consé­cu­tif à la ren­contre des diri­geants de la C.G.T. et du P.C.F., publié dans « la Vie ouvrière » et « l’Humanité » En quelque sorte, les diri­geants com­mu­nistes d’une orga­ni­sa­tion de masse sui­vront la ligne défi­nie par le secré­taire géné­ral du Par­ti com­mu­niste au Comi­té cen­tral des 28 et 29 mars. Quoi de plus natu­rel ? Ce qui est plus éton­nant, c’est l’affirmation claire et nette des liens pri­vi­lé­giés entre la cen­trale syn­di­cale et le Par­ti. Il y a belle lurette qu’on n’en par­lait plus. Une telle réaf­fir­ma­tion publique de l’alignement de la cen­trale syn­di­cale sur le Par­ti est donc à étu­dier avec soin [[Les liai­sons des sec­tions syn­di­cales diri­gées par des mili­tants com­mu­nistes avec les élus locaux (com­mu­nistes) ont déjà com­men­cé par­fois contre l’avis des diri­geants dépar­te­men­taux ou nationaux.]]. 

Nous allons donc assis­ter, dans les syn­di­cats diri­gés par des mili­tants com­mu­nistes, à, un « for­cing », pour «…Faire avan­cer, tou­jours plus et mieux, les idées du Pro­gramme com­mun de la gauche et gagner à son sou­tien les consciences encore hésitantes. » 

On peut se deman­der à qui est des­ti­née cette remise au point des rap­ports C.G.T.-P.C.F. L’analyse que le P. C. a faite de son « suc­cès » aux der­nières élec­tions y est sans doute pour quelque chose. Les diri­geants de la C.G.T., qui ne sont pas des imbé­ciles, doivent pour­tant savoir qu’en France, le mou­ve­ment ouvrier a tou­jours vu d’un assez mau­vais œil la main­mise du Par­ti sur la Cen­trale. Com­ment alors gagner ces « consciences encore hésitantes » ? 

Toutes les ques­tions posées par cette décla­ra­tion com­mune lais­se­ront sans doute indif­fé­rents les mani­chéistes qui pensent qu’on ne peut plus rien chan­ger dans la confé­dé­ra­tion. Elles ne peuvent en tout cas lais­ser sans voix les syn­di­ca­listes qui voient leur confé­dé­ra­tion s’embourber sans pers­pec­tive de retour dans la voie du par­le­men­ta­risme le plus plat, com­plè­te­ment inef­fi­cace pour l’action syndicale. 

La rencontre C.G.T.-C.F.D.T.

Le len­de­main de la ren­contre C.G.T.-P.C.F., les diri­geants de la C.G.T. ont ren­con­tré ceux de la C.F.D.T.

« L’analyse que nous avons faite, a décla­ré Séguy, tient compte de l’expérience et de l’enrichissement réci­proque qui en découle. » 

« L’expérience du pas­sé a ser­vi à tout le monde, a ren­ché­ri Maire, et pas seule­ment à la C.G.T. et à la C.F.D.T. » À aucun moment il n’est ques­tion d’un accord des deux cen­trales pour déve­lop­per les objec­tifs du Pro­gramme com­mun. Pour­tant les reven­di­ca­tions défi­nies sont iden­tiques à celles prises en consi­dé­ra­tion lors de la ren­contre C.G.T.-P.C. Séguy a peut-être fait part à Maire que si la gauche a per­du les élec­tions, c’est la faute à la C.F.D.T. En effet, l’analyse du scru­tin faite par la C.G.T. et le P.C. le dit clairement : 

«…Les réti­cences de cer­taines orga­ni­sa­tions qui n’ont pas cru devoir s’engager clai­re­ment dans la cam­pagne élec­to­rale sont à l’origine de cette situation. » 

« La Vie ouvrière » pré­cise, dans le même numé­ro, que la C.G.T.. a éga­le­ment ren­con­tré l’U.N.C.A.L. et l’U.N.E.F., autres orga­ni­sa­tions “de masse” diri­gées par les com­mu­nistes, et qui ont du mal à se déve­lop­per chez les lycéens et les étu­diants. Déci­dé­ment, c’est l’offensive uni­taire tous azimuts… 

Ruiner l’anarcho-syndicalisme

Si tout cela n’était pas suf­fi­sant, « Le Peuple » du 1er avril [[Ce numé­ro est très inté­res­sant, par les décla­ra­tions des autres diri­geants.]] consacre vingt-huit pages au compte ren­du du der­nier C.C.N. des 21 et 22 mars, où Séguy rappelle : 

« L’action pure­ment reven­di­ca­tive ne peut rem­pla­cer l’action poli­tique. Elle s’impose comme une néces­si­té per­ma­nente pour défendre les inté­rêts des tra­vailleurs, pour résis­ter à l’exploitation capi­ta­liste. Elle a une grande valeur d’expérience pour les tra­vailleurs qui y prennent part en ce sens qu’elle concourt à éle­ver leur conscience de classe et, par là même, leur com­pré­hen­sion poli­tique. Mais, du fait qu’elle ne s’en prend qu’aux effets du mal et non à ses causes, elle ne sau­rait, à elle seule, pro­mou­voir les trans­for­ma­tions pro­fondes dont notre socié­té a besoin. De tels chan­ge­ments requièrent l’union et l’action com­mune de toutes les forces popu­laires fon­dées sur une base accep­table par tous. Cette base existe désor­mais, c’est le Pro­gramme com­mun de la gauche. 

« Il n’est pas sans inté­rêt de rap­pe­ler cette véri­té élé­men­taire au moment où des élé­ments gau­chistes, sou­cieux de faire oublier leurs déboires élec­to­raux, tentent d’exploiter les résul­tats des élec­tions à des fins d’agitation sté­rile en oppo­sant l’action directe aux urnes, en déni­grant le Pro­gramme com­mun et l’unité de la gauche et en flat­tant déma­go­gi­que­ment la vieille idée anar­cho-syn­di­ca­liste selon laquelle le syn­di­cat suf­fit à tout. 

« Le meilleur moyen de rui­ner de telles entre­prises de diver­sion est d’être par­tout réso­lu­ment à l’initiative de l’action reven­di­ca­tive et de l’unité d’action syndicale. » 

Remar­quons que dans son sou­ci de récu­pé­ra­tion de tout le mou­ve­ment ouvrier, le diri­geant de la C.G.T. n’attaque pas l’anarcho-syndicalisme, seule­ment accu­sé de vieillesse. De toute façon, la mémoire sélec­tive des diri­geants com­mu­nistes s’est char­gée de ce travail. 

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