La Presse Anarchiste

XXe Congrès du Parti Communiste français

Le dimanche 17 décembre a pris fin le ving­tième congrès du P.C.F., à Saint-Ouen. Rien de fon­da­men­ta­le­ment nou­veau n’a été appor­té par rap­port à la poli­tique sui­vie par le Par­ti dans le cadre du pro­gramme com­mun. Il est vital pour le P.C.F. de ral­lier un maxi­mum de voix, car les voix de la petite bour­geoi­sie auront vrai­sem­bla­ble­ment un rôle important. 

C’est cette situa­tion qui aura carac­té­ri­sé l’essentiel des débats du congrès : conces­sions de fait à la droite, conces­sions de voca­bu­laire à la gauche, en contrepartie. 

Qu’on en juge…

« Le pro­gramme com­mun ne per­met­tra pas d’instaurer le socia­lisme », dit Mar­chais dans son rap­port, et il le dit non pas pour ras­su­rer tel ou tel sec­teur de l’opinion, mais pour ne pas « lais­ser rape­tis­ser, affa­dir l’idée du socia­lisme et son conte­nu révolutionnaire ». 

D’une part, on nous dit que le pro­gramme com­mun n’instaurera pas le socia­lisme – nous le savions ! – et puis on donne une défi­ni­tion presque « gau­chiste » du socia­lisme : c’est « la démo­cra­tie jusqu’au bout » ! 

♦ Pas de reven­di­ca­tions exces­sives : pour ce qui est des rap­ports entre les com­mu­nistes au gou­ver­ne­ment et les autres par­tis de l’union démo­cra­tique, voi­ci ce que dit Mar­chais : « Pour notre part, nous n’ambitionnons de domi­ner per­sonne et, si grande que soit notre influence, nous ne pré­sen­te­rons jamais de reven­di­ca­tion excessive. » 

♦ Les « pré­ten­dus cen­tristes » : dans son rap­port, Mar­chais estime que le P.C. doit convaincre de « nom­breux Fran­çais qui avaient jusqu’ici sou­te­nu tel ou tel par­ti de la majo­ri­té, mais qui en ont assez de la poli­tique anti­so­ciale du pou­voir et sont indi­gnés d’une poli­tique qui contre­dit l’idée qu’ils se fai­saient de la France ». Il faut convaincre aus­si « d’autres Fran­çais, qui pla­çaient leurs espoirs dans les pré­ten­dus cen­tristes et qui voient ceux-ci prêts à ral­lier Pom­pi­dou le moment venu ». En d’autres termes, ces cen­tristes-là ne sont pas de vrais cen­tristes. Les vrais ral­lie­ront le Pro­gramme commun. 

♦ L’«Appel au peuple de France » et la Réso­lu­tion : de cette ana­lyse résultent logi­que­ment les textes les plus impor­tants du congrès. Il s’agit de ral­lier tout le monde : les ouvriers, les pay­sans, les employés, les tech­ni­ciens, les ingé­nieurs, les com­mer­çants, les petits entre­pre­neurs, les ensei­gnants, les croyants, les non-croyants, les jeunes, les femmes… les « patriotes qui s’alarment de voir faire bon mar­ché de l’indépendance natio­nale (…) quels qu’aient été leurs choix élec­to­raux anté­rieurs » (Réso­lu­tion), ain­si que ceux qui ont voté dans le pas­sé gaul­liste ou cen­triste. La Réso­lu­tion conclut que le P.C.F. est « le grand par­ti révo­lu­tion­naire de notre temps»… 

Nous ne sommes mal­heu­reu­se­ment pas suf­fi­sam­ment infor­més de ce qui peut agi­ter ou ne pas agi­ter l’intérieur du Par­ti. Trois des prin­ci­paux diri­geants (Mau­vais, Guyot et Billoux) ont quit­té le Bureau poli­tique, pour cause de vieillesse. Pos­sible. Cepen­dant, d’autres comme Duclos et Fra­chon ne semblent pas avoir atteint la limite d’âge. Ces faits peuvent avoir plu­sieurs interprétations : 

1° Inter­pré­ta­tion gau­chiste : il s’agit d’une sorte de limo­geage. Nous ne tom­be­rons pas dans cette erreur qui consiste à voir dans chaque diri­geant un type qui se lève le matin en se deman­dant : « Qui vais-je bien tra­hir aujourd’hui ? »

2° Inter­pré­ta­tion offi­cielle : ils se sont jugés trop vieux, mais res­tent entiè­re­ment d’accord avec la poli­tique générale. 

Pour notre part, conten­tons-nous de rele­ver le fait, en sou­li­gnant que rien, au Par­ti, n’arrive fortuitement. 

Il fau­drait aus­si sou­li­gner les modi­fi­ca­tions qui ont été appor­tées aux sta­tuts du Par­ti, et qui offi­cia­lisent le déve­lop­pe­ment vers les grands ensembles d’habitations et la géné­ra­li­sa­tion des cel­lules dans les éta­blis­se­ments d’enseignement, ain­si que l’espacement, à tous les niveaux, des congrès et conférences. 

« Le Par­ti change en res­tant lui-même », dit Mar­chais. Pour nous, nous savons que ce n’est pas dans les grou­pe­ments de fait, mais dans les syn­di­cats, grou­pe­ments de classe, que le pro­lé­ta­riat trouve lui-même la pra­tique et la théo­rie qui conduisent au socia­lisme authen­tique, fédé­ra­liste et libertaire. 

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