C’est cette situation qui aura caractérisé l’essentiel des débats du congrès : concessions de fait à la droite, concessions de vocabulaire à la gauche, en contrepartie.
Qu’on en juge…
« Le programme commun ne permettra pas d’instaurer le socialisme », dit Marchais dans son rapport, et il le dit non pas pour rassurer tel ou tel secteur de l’opinion, mais pour ne pas « laisser rapetisser, affadir l’idée du socialisme et son contenu révolutionnaire ».
D’une part, on nous dit que le programme commun n’instaurera pas le socialisme – nous le savions ! – et puis on donne une définition presque « gauchiste » du socialisme : c’est « la démocratie jusqu’au bout » !
♦ Pas de revendications excessives : pour ce qui est des rapports entre les communistes au gouvernement et les autres partis de l’union démocratique, voici ce que dit Marchais : « Pour notre part, nous n’ambitionnons de dominer personne et, si grande que soit notre influence, nous ne présenterons jamais de revendication excessive. »
♦ Les « prétendus centristes » : dans son rapport, Marchais estime que le P.C. doit convaincre de « nombreux Français qui avaient jusqu’ici soutenu tel ou tel parti de la majorité, mais qui en ont assez de la politique antisociale du pouvoir et sont indignés d’une politique qui contredit l’idée qu’ils se faisaient de la France ». Il faut convaincre aussi « d’autres Français, qui plaçaient leurs espoirs dans les prétendus centristes et qui voient ceux-ci prêts à rallier Pompidou le moment venu ». En d’autres termes, ces centristes-là ne sont pas de vrais centristes. Les vrais rallieront le Programme commun.
♦ L’«Appel au peuple de France » et la Résolution : de cette analyse résultent logiquement les textes les plus importants du congrès. Il s’agit de rallier tout le monde : les ouvriers, les paysans, les employés, les techniciens, les ingénieurs, les commerçants, les petits entrepreneurs, les enseignants, les croyants, les non-croyants, les jeunes, les femmes… les « patriotes qui s’alarment de voir faire bon marché de l’indépendance nationale (…) quels qu’aient été leurs choix électoraux antérieurs » (Résolution), ainsi que ceux qui ont voté dans le passé gaulliste ou centriste. La Résolution conclut que le P.C.F. est « le grand parti révolutionnaire de notre temps»…
Nous ne sommes malheureusement pas suffisamment informés de ce qui peut agiter ou ne pas agiter l’intérieur du Parti. Trois des principaux dirigeants (Mauvais, Guyot et Billoux) ont quitté le Bureau politique, pour cause de vieillesse. Possible. Cependant, d’autres comme Duclos et Frachon ne semblent pas avoir atteint la limite d’âge. Ces faits peuvent avoir plusieurs interprétations :
1° Interprétation gauchiste : il s’agit d’une sorte de limogeage. Nous ne tomberons pas dans cette erreur qui consiste à voir dans chaque dirigeant un type qui se lève le matin en se demandant : « Qui vais-je bien trahir aujourd’hui ? »
2° Interprétation officielle : ils se sont jugés trop vieux, mais restent entièrement d’accord avec la politique générale.
Pour notre part, contentons-nous de relever le fait, en soulignant que rien, au Parti, n’arrive fortuitement.
Il faudrait aussi souligner les modifications qui ont été apportées aux statuts du Parti, et qui officialisent le développement vers les grands ensembles d’habitations et la généralisation des cellules dans les établissements d’enseignement, ainsi que l’espacement, à tous les niveaux, des congrès et conférences.
« Le Parti change en restant lui-même », dit Marchais. Pour nous, nous savons que ce n’est pas dans les groupements de fait, mais dans les syndicats, groupements de classe, que le prolétariat trouve lui-même la pratique et la théorie qui conduisent au socialisme authentique, fédéraliste et libertaire.