La Presse Anarchiste

Anarcho-syndicalisme

Nous avons, dans l’article pré­cé­dent, défi­ni la notion d’organisation de classe et insis­té sur les dif­fé­rences entre orga­ni­sa­tion de la bour­geoi­sie et orga­ni­sa­tion du prolétariat. 

Nous avons sou­li­gné que, pour le pro­lé­ta­riat, les pro­blèmes d’organisation revêtent une impor­tance par­ti­cu­lière car il ne dis­pose d’aucune base éco­no­mique à son pou­voir à l’intérieur du sys­tème capitaliste. 

Mais s’organiser sur des bases de classe – c’est-à-dire sur des bases qui excluent toute direc­tion du pro­lé­ta­riat par des élé­ments exté­rieurs à celui-ci –, ne suf­fit pas : encore faut-il défi­nir quelle action, quels objec­tifs, à court terme et à long terme, quelles pers­pec­tives on se pro­pose d’atteindre. En somme, quelle stra­té­gie doit être appli­quée par le pro­lé­ta­riat orga­ni­sé en classe. 

Alors que pré­cé­dem­ment, on s’était atta­ché à mon­trer les oppo­si­tions entre orga­ni­sa­tion de la bour­geoi­sie et orga­ni­sa­tion du pro­lé­ta­riat, nous mon­tre­rons ici les dif­fé­rences qui existent entre la stra­té­gie pro­po­sée par les dif­fé­rents cou­rants de la gauche et par l’anarcho-syndicalisme.

Il est évident que la stra­té­gie et les ques­tions d’organisation sont liés. Mais les dif­fé­rentes concep­tions de l’organisation ne se posent pas abs­trai­te­ment en fonc­tion de prin­cipes moraux ou autres, elles découlent conjointement :
– de l’analyse que les dif­fé­rents cou­rants font du contexte poli­tique et éco­no­mique dans lequel ils sont placés ;
– d’intérêts de classe ou de couches définis.

D’une façon géné­rale, et par­ti­cu­liè­re­ment dans le cas de groupes poli­tiques, on a les idées et la stra­té­gie cor­res­pon­dant à ses inté­rêts de classe. 

1. L’action parlementaire et la conquête parlementaire du pouvoir. – La social-démocratie réformiste

L’anarcho-syndicalisme s’oppose à l’action par­le­men­taire, et à plus forte rai­son à la conquête du par­le­ment par le mou­ve­ment ouvrier. À cela, plu­sieurs rai­sons. Dans Soli­da­ri­té ouvrière de mars 1973, nous disions (« À pro­pos du parlementarisme »): 

« Le régime par­le­men­taire est l’un des modes d’organisation de la socié­té repo­sant sur l’idée de nation, d’unité natio­nale et d’intérêts com­muns entre les diverses couches de la popu­la­tion. Ce prin­cipe ne tient donc aucun compte de la divi­sion de la socié­té en classes anta­go­niques, d’une part la bour­geoi­sie qui exploite le tra­vail sala­rié et qui pos­sède les moyens de pro­duc­tion, d’autre part le pro­lé­ta­riat qui ne vit que de la vente de sa force de travail. »

Nous disions encore : 

« Parce que le régime par­le­men­taire veut faire col­la­bo­rer à une tâche pré­ten­du­ment com­mune les repré­sen­tants des tra­vailleurs et ceux de la bour­geoi­sie, parce qu’il tend à faire une syn­thèse des aspi­ra­tions de classes qui sont en réa­li­té anta­go­niques, nous consi­dé­rons que le régime par­le­men­taire est un régime de classe, celui de la bourgeoisie. »

Le sys­tème de repré­sen­ta­tion par­le­men­taire est effec­ti­ve­ment un sys­tème de repré­sen­ta­tion « démo­cra­tique » : mais il s’agit de démo­cra­tie bour­geoise. C’est-à-dire que même dans un régime où des « par­tis ouvriers » auraient 51 % des repré­sen­tants au par­le­ment, l’existence même de 49 % de repré­sen­tants bour­geois d’une part, et d’autre part le fait que les tra­vailleurs ne seraient pas repré­sen­tés au par­le­ment en tant que tra­vailleurs sur des bases de classe, mais en tant que « citoyens », cela en ferait un sys­tème de repré­sen­ta­tion bourgeois. 

Le sys­tème par­le­men­taire per­pé­tue le prin­cipe émi­nem­ment bour­geois de sub­sti­tu­tion du pou­voir : les tra­vailleurs qui dési­rent par­ti­ci­per à la vie poli­tique n’ont pour tout recours que de voter pour un dépu­té, sur la base d’un pro­gramme qu’il n’aura pas dis­cu­té. Ce dépu­té, s’il est élu, sera par­fai­te­ment incon­trô­lé pen­dant toute la durée de la légis­la­ture : « Votez pour moi et faites-moi confiance ». 

L’autre rai­son de l’opposition de l’anarcho-syndicalisme à l’action par­le­men­taire, est qu’elle est tota­le­ment inef­fi­cace du point de vue du pro­lé­ta­riat. Dans le même numé­ro de Soli men­tion­né, nous disions encore : 

« Mais, dira-t-on, le Par­le­ment est actuel­le­ment néfaste parce que la majo­ri­té qui s’y trouve est réac­tion­naire. Il faut ren­ver­ser la majo­ri­té et mettre à la place:une nou­velle majo­ri­té de dépu­tés socia­listes qui, eux, appli­que­ront un pro­gramme conforme aux aspi­ra­tions des tra­vailleurs… Cela équi­vaut à dire : le régime par­le­men­taire est en lui-même démo­cra­tique, seule son appli­ca­tion actuelle ne l’est pas… Admet­tons que les trans­for­ma­tions récla­mées soient faites : jusqu’où un ou plu­sieurs par­tis se récla­mant des tra­vailleurs pour­ront-ils aller dans le cadre par­le­men­taire ? Le grand capi­tal se lais­se­ra-t-il léga­le­ment expro­prier par une chambre de dépu­tés consti­tu­tion­nel­le­ment élue, sans réagir ? »

2) La conquête violente de l’État. – La social-démocratie radicalisée

L’autre cou­rant de la social-démo­cra­tie, la branche révo­lu­tion­naire, se dis­tingue de la pre­mière par les méthodes de prise du pou­voir. D’accord avec l’anarcho-syndicalisme sur la cri­tique des méthodes par­le­men­taires, il pré­co­nise la conquête de l’État par une orga­ni­sa­tion inter-classes (le par­ti) qui contrô­le­rait l’ensemble de la pro­duc­tion et de la vie poli­tique, et qui uti­li­se­rait les orga­ni­sa­tions de classe sous sa direc­tion (syn­di­cats, soviets, comi­tés d’usine) comme rouages de trans­mis­sion d’une poli­tique éla­bo­rée en dehors du contrôle des masses. 

La stra­té­gie de la social-démo­cra­tie radi­ca­li­sée n’est donc qu’une variante de celle de la social-démo­cra­tie réfor­miste, abou­tis­sant éga­le­ment à la sub­sti­tu­tion du pou­voir et à l’expropriation poli­tique des travailleurs. 

Ces deux cou­rants déve­loppent des concep­tions idéa­listes du pou­voir en ce sens que, le pro­gramme étant défi­ni par les ins­tances supé­rieures du par­ti, il est ensuite « pro­po­sé » au pro­lé­ta­riat pour appli­ca­tion, sur la base de la « confiance » qui est deman­dée. Cette « confiance » se jus­ti­fie par le fait que le par­ti « X » ou le par­ti « Y » est le par­ti de la classe ouvrière, puisque c’est lui qui a la juste théo­rie. Une fois au pou­voir, on peut, à la rigueur, se pas­ser de cette confiance [[« Ils ont mis en avant des mots d’ordre dan­ge­reux… ils ont pla­cé le droit des ouvriers à élire leurs repré­sen­tants au-des­sus du par­ti. Comme si le par­ti n’avait pas le droit d’affirmer sa dic­ta­ture, même si cette dic­ta­ture était en conflit tem­po­raire avec les humeurs chan­geantes de la démo­cra­tie ouvrière…» (Trots­ki, au sujet de « l’Opposition ouvrière » frac­tion du Par­ti bol­che­vik inter­dite en 1921.)]].

En réa­li­té, ces concep­tions du pou­voir cor­res­pondent à des inté­rêts de classe bien réels, ceux de l’intelligentsia petite-bour­geoise sans autres pers­pec­tives his­to­riques que la direc­tion du pro­lé­ta­riat, ou ceux de couches bureau­cra­tiques d’État conser­va­trices et sou­cieuses de main­te­nir le sta­tu quo international. 

3) L’anarcho-syndicalisme et le problème du pouvoir

Il est de cou­tume, chez les adver­saires mar­xistes de l’anarcho-syndicalisme, de repro­cher à celui-ci de ne « pas poser le pro­blème du pouvoir ».

Les ins­tru­ments qui per­mettent à la bour­geoi­sie de main­te­nir sa domi­na­tion poli­tique et éco­no­mique sont mul­tiples, par­mi les­quels les ins­tru­ments idéo­lo­giques : presse, radio, télé, Église, etc. Mais l’instrument essen­tiel de la bour­geoi­sie, celui qui, en der­nière ana­lyse, est déter­mi­nant, c’est l’armée, la police. 

On peut défi­nir le pou­voir d’État comme l’ensemble des moyens uti­li­sés par une classe sociale pour main­te­nir un sys­tème d’organisation poli­tique et un régime de pro­prié­té des moyens de pro­duc­tion don­nés. C’est l’ensemble des moyens mis en œuvre pour main­te­nir entre deux classes anta­go­nistes un rap­port de forces en faveur de la classe domi­nante. La lutte entre ces deux classes, en l’occurrence la bour­geoi­sie et le pro­lé­ta­riat, dans la mesure où le pro­lé­ta­riat entend défendre ses inté­rêts et se battre pour le socia­lisme, finit néces­sai­re­ment par se poser en termes de pouvoir. 

On ne peut attendre de la bour­geoi­sie qu’elle capi­tule sans com­bat, ni qu’elle capi­tule après une seule défaite. Il y aura une période pen­dant laquelle les anta­go­nismes de classe sub­sis­te­ront, ce qui implique que le pro­lé­ta­riat ait les moyens d’empêcher la bour­geoi­sie de recon­qué­rir ses posi­tions per­dues. Il s’agit de s’entendre sur ces moyens. 

Dans la concep­tion idéa­liste, le pou­voir, déte­nu par une orga­ni­sa­tion inter­classes, se jus­ti­fie par le fait que cette orga­ni­sa­tion détient la juste inter­pré­ta­tion des évé­ne­ments, et se légi­time par le fait que le par­ti dirige les struc­tures de classe du pro­lé­ta­riat. Le par­ti, c’est la classe ouvrière. Sans le par­ti, la classe ouvrière, n’est rien ; le pro­lé­ta­riat ne se consti­tue véri­ta­ble­ment en classe que dans le par­ti, par le par­ti, car, d’eux-mêmes, les tra­vailleurs ne peuvent par­ve­nir à la conscience socia­liste. La doc­trine socia­liste « est née des théo­ries phi­lo­so­phiques, his­to­riques, éco­no­miques éla­bo­rées par les repré­sen­tants ins­truits des classes pos­sé­dantes, par les intel­lec­tuels » (Lénine). Sans le par­ti, le pro­lé­ta­riat n’est qu’une masse ; avec le par­ti, il est réel­le­ment une classe, grâce aux « repré­sen­tants ins­truits des classes pos­sé­dantes » et aux ouvriers « les plus ins­truits », qui détiennent la théo­rie de la classe ouvrière, la claire conscience de ses inté­rêts, et son pro­gramme. Quand la classe ouvrière n’est pas d’accord avec le par­ti, elle se trompe. 

Les ins­ti­tu­tions de la classe ouvrière ne repré­sentent d’intérêt que dans la mesure où elles per­mettent au par­ti de mieux la diri­ger. Dans cette concep­tion idéa­liste et sub­jec­ti­viste, le « pou­voir des tra­vailleurs » est un pou­voir par sub­sti­tu­tion. Le conte­nu de classe de ces posi­tions est suf­fi­sam­ment lim­pide : ce sont des concep­tions par­fai­te­ment bour­geoises du pouvoir. 

On a dit que l’État est un organe de répres­sion poli­tique et de régu­la­tion éco­no­mique qui fonc­tionne par sub­sti­tu­tion de pou­voir : la bour­geoi­sie se décharge sur lui de tout ce qui concerne la pro­tec­tion et la pré­ser­va­tion de ses inté­rêts généraux. 

On a dit aus­si que la bour­geoi­sie peut contrô­ler l’appareil d’État par le simple fait qu’elle détient, à titre pri­vé, les moyens de pro­duc­tion, et qu’elle les contrôle direc­te­ment, pos­ses­sion et contrôle qui consti­tuent la source même de tout pouvoir. 

L’étatisation totale des moyens de pro­duc­tion revient à remettre entre les mains d’une orga­ni­sa­tion inter­classes tout le pou­voir poli­tique et éco­no­mique, ce qui signi­fie en d’autres termes que les orga­ni­sa­tions de classe du pro­lé­ta­riat, d’une part sont subor­don­nés à l’État, d’autre part ont un contrôle limi­té ou pas de contrôle du tout sur les moyens de pro­duc­tion [[« Les syn­di­cats deviennent, à cette époque, les organes éco­no­miques les plus impor­tants du pro­lé­ta­riat au pou­voir. Par ce fait même, ils tombent sous la direc­tion du Par­ti com­mu­niste. Ce ne sont pas seule­ment les ques­tions de prin­cipe du mou­ve­ment pro­fes­sion­nel, ce sont aus­si les conflits sérieux qui peuvent avoir lieu à l’intérieur de ces orga­ni­sa­tions que se charge de résoudre le C.C. de notre par­ti. » (Trots­ki, Ter­ro­risme et com­mu­nisme. )]].

La sub­sti­tu­tion de pou­voir devient totale, c’est-à-dire que la classe ouvrière ne détient de fait aucun pou­voir, en tant que classe, sur l’appareil poli­tique qui pré­tend le diri­ger au nom de ses inté­rêts [[« L’ouvrier ne fait pas de mar­chan­dage avec le gou­ver­ne­ment sovié­tique ; Il est subor­don­né à l’État, il lui est sou­mis dans tous les rap­ports du fait que c’est son État .» (Ibid.)]].

La pro­prié­té des moyens de pro­duc­tion par le pro­lé­ta­riat ne peut être que col­lec­tive, elle ne peut exis­ter que par la pro­prié­té col­lec­tive effec­tive, directe et le contrôle de la pro­duc­tion par les tra­vailleurs dans leurs seules orga­ni­sa­tions de classe. La classe ouvrière ne peut déte­nir véri­ta­ble­ment le pou­voir, au sens défi­ni plus haut, que lorsqu’elle gère l’ensemble de l’activité sociale dans ses struc­tures de classe, et c’est cela que nous enten­dons par des­truc­tion de l’État. Il ne s’agit plus de sub­sti­tu­tion du pou­voir, mais d’organiser un pro­ces­sus de déci­sion en par­tant de la démo­cra­tie directe de la base au moyen du man­dat impé­ra­tif. C’est le fon­de­ment même de l’idée d’autogestion. Cela signi­fie que les tra­vailleurs dési­gnent, dans leurs struc­tures de classe, aux divers éche­lons, des délé­gués man­da­tés pour appli­quer des déci­sions prises col­lec­ti­ve­ment, appli­quées col­lec­ti­ve­ment, et contrôlées. 

Sché­ma­ti­que­ment, trois cri­tères per­mettent de déter­mi­ner la nature de classe du pouvoir :
– Qui détient l’armement et où ? Les tra­vailleurs dans leurs struc­tures de classe (arme­ment de la classe) ou des « citoyens » dans des struc­tures d’État (sub­sti­tu­tion de l’armement de la classe par des gen­darmes ? [[On peut ain­si situer les débuts de la contre-révo­lu­tion bureau­cra­tique en Rus­sie à 1918, au moment où les tra­vailleurs dans les soviets furent désar­més pour consti­tuer l’Armée rouge…]]
– Quel est le rôle des struc­tures de classe du pro­lé­ta­riat, à la base, dans l’organisation de la pro­duc­tion et dans la déter­mi­na­tion des orien­ta­tions de celle-ci?[[…Et au moment où (avril 1918) le gou­ver­ne­ment bol­che­vik reti­ra tout pou­voir aux soviets locaux, mesures qui furent la cause essen­tielle de la déser­tion des soviets par les travailleurs.]]
– Quel est le mode de dési­gna­tion de l’organisme géné­ral de ges­tion ? Est-il issu ou non des struc­tures de classe du pro­lé­ta­riat par délé­ga­tion et man­dats impé­ra­tifs?[[« La bureau­cra­tie n’est pas seule­ment une pro­duc­tion de la misère, comme le cama­rade Zino­viev tâche de nous en convaincre, ni un réflexe de subor­di­na­tion aveugle aux supé­rieurs engen­dré par le mili­ta­risme. comme d’autres l’affirment. Le phé­no­mène a une cause pro­fonde… Le mal que fait la bureau­cra­tie ne réside pas seule­ment dans la pape­ras­se­rie comme quelques cama­rades vou­draient nous le faire croire, lorsqu’ils limitent la dis­cus­sion à “l’animation des ins­ti­tu­tions sovié­tiques” mais il réside sur­tout dans la manière dont on résout les pro­blèmes ; non par un échange ouvert d’opinions ou par les efforts de tous ceux qui sont concer­nés, mais par des déci­sions for­melles prises dans les ins­ti­tu­tions cen­trales par une seule ou un très petit nombre de per­sonnes et trans­mises toutes faites vers le bas, tan­dis que les per­sonnes direc­te­ment inté­res­sées sont sou­vent com­plè­te­ment exclues. Une troi­sième per­sonne décide à votre place de votre sort : voi­là l’essence de la bureau­cra­tie. » (Texte de « L’Opposition ouvrière » Alexan­dra Kol­lon­taï, 1920.)]].

La classe ouvrière ne sera maî­tresse de son propre des­tin que lorsqu’elle diri­ge­ra elle-même tous les rouages de la socié­té : cette direc­tion ne peut être que col­lec­tive, c’est-à-dire que les dif­fé­rentes ins­tances de l’organisation sociale ne peuvent être qu’issues de son sein et contrô­lées par elle. 

Toute autre concep­tion du socia­lisme impli­quant la « confiance » du pro­lé­ta­riat envers une mino­ri­té s’autoproclamant direc­tion en ver­tu d’une « juste théo­rie » ne vise qu’à la pré­ser­va­tion de l’ordre bour­geois sous d’autres formes [[Il ne s’agit pas de reje­ter toute théo­rie, par un réflexe anti-intel­lec­tuel trop facile et trop cou­rant aus­si. La théo­rie du mou­ve­ment ouvrier, contrai­re­ment aux affir­ma­tions des « léni­nistes » est une créa­tion col­lec­tive du pro­lé­ta­riat dans laquelle des intel­lec­tuels peuvent jouer un rôle impor­tant de for­mu­la­tion, d’exposition, d’éclaircissement. Mais en réa­li­té, ils n’inventent rien. De plus, ils sont même pas­sibles d’erreurs gros­sières : lorsque Lénine affirme : « l’Histoire de tous les pays atteste que par leurs seules forces, les tra­vailleurs ne peuvent par­ve­nir qu’à la conscience réfor­miste », il géné­ra­lise la vision limi­tée qui est la sienne : celle du pro­lé­ta­riat russe à peine nais­sant, et il s’inspire d’un livre dont il venait, à l’époque, de ter­mi­ner la lec­ture, sur le mou­ve­ment syn­di­cal anglais, écrit par Webb. Or, une par­tie impor­tante du mou­ve­ment ouvrier fran­çais, espa­gnol, ita­lien et amé­ri­cain était à ce moment-même en train de le contre­dire dans les faits.]]. 

Ceux qui reprochent à l’anarchosyndicalisme de ne « pas poser le pro­blème du pou­voir » lui reprochent en réa­li­té de ne pas le poser sur le ter­rain de la bour­geoi­sie, mais sur celui du prolétariat.

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