La Presse Anarchiste

Anarcho-syndicalisme

L’his­toire du capi­ta­lisme pour­rait se résu­mer à la quête fré­né­tique de nou­veaux mar­chés par les frac­tions domi­nantes de la bour­geoi­sie des pays indus­tria­li­sés. Cette quête se carac­té­rise elle-même par l’al­ter­nance de périodes d’ex­pan­sion (ouver­ture de mar­chés) et de réces­sion (rétré­cis­se­ment des marchés). 

Trois phases dans l’é­vo­lu­tion du capi­ta­lisme peuvent, sché­ma­ti­que­ment, être isolées : 

  1. Au XIXe siècle, le capi­ta­lisme libé­ral a vu la domi­na­tion d’un seul pays sur le mar­ché mon­dial – la Grande Bre­tagne. C’est la période qu’ont connue les pre­miers pen­seurs du socia­lisme, et leurs théo­ries sont lar­ge­ment déter­mi­nées par cette circonstance.
  2. Vers la fin du XIXe siècle, de nou­velles grandes puis­sances appa­raissent qui imposent un nou­veau par­tage des mar­chés. Les bases de la pro­duc­tion capi­ta­liste s’é­tendent, c’est-à-dire que le capi­ta­lisme s’im­pose dans des sec­teurs jusque là pré­ser­vés : évic­tion des arti­sans, des petits pay­sans ; ain­si que dans des pays jusque là pré­ser­vés : exten­sion des conquêtes colo­niales. Avec le temps, les sec­teurs et les pays qui ne sont pas inté­grés dans le cycle de pro­duc­tion capi­ta­liste dimi­nuent ; les pos­si­bi­li­tés d’ex­pan­sion du mar­ché s’amenuisent. 
  3. Aus­si, les capi­taux vont-ils cher­cher de nou­veaux mar­chés dans les pays indus­tria­li­sés eux-mêmes. Ce sera d’une part l’ex­por­ta­tion de capi­taux des pays capi­ta­listes les plus déve­lop­pés vers les pays capi­ta­listes moins déve­lop­pés, et la sou­mis­sion des seconds aux pre­miers. Ce seront ensuite les guerres impé­ria­listes. Les guerres, avec les immenses des­truc­tions qu’elles pro­voquent, sont un des moyens de résoudre la contra­dic­tion entre la ten­dance à l’ex­pan­sion du capi­tal et les obs­tacles à cette ten­dance cau­sés par les limites mêmes du globe. 

L’é­co­no­mie mon­diale va de façon constante vers une inté­gra­tion crois­sante de la pro­duc­tion. Chaque pays du globe fait par­tie d’un ensemble où il joue un rôle dans la divi­sion inter­na­tio­nale du tra­vail ; chaque sec­teur d’in­dus­trie est étroi­te­ment dépen­dant d’autres sec­teurs, et lui-même est indis­pen­sable à d’autres sec­teurs ; chaque entre­prise est liée par des liens étroits à un réseau com­plexe de pro­duc­tion dont chaque élé­ment est dépen­dant des autres. C’est ce qui fait la force du capi­ta­lisme indus­triel d’au­jourd’­hui mais aus­si sa fai­blesse : toute modi­fi­ca­tion dans une par­tie du méca­nisme peut avoir des consé­quences impor­tantes pour l’en­semble de la machine. Mais, sur­tout, cette inté­gra­tion crois­sante modi­fie sen­si­ble­ment les formes de la domi­na­tion capi­ta­liste et les condi­tions de son développement. 

Concentration du capital et baisse du taux de profit

La concen­tra­tion du capi­tal est liée direc­te­ment au phé­no­mène de la baisse du taux de pro­fit. La concur­rence entre les capi­ta­listes éli­mine ceux qui sont tech­ni­que­ment et finan­ciè­re­ment les plus faibles. Il se crée une modi­fi­ca­tion à la fois dans la taille des uni­tés de pro­duc­tion (usines plus grandes) et dans le contrôle – un plus petit nombre de gens contrôle un plus grand nombre d’en­tre­prises [[La part de chiffre d’af­faires réa­li­sé par les quatre pre­mières entre­prises de cha­cun des sec­teurs d’ac­ti­vi­té sui­vants par rap­port au chiffre d’af­faires glo­bal du sec­teur concer­né est pas­sée entre 1963 et 1969 de :
– 67,7 % à 82,1 % pour la métallurgie,
– 56,8 % à 77,2 % pour la sidérurgie,
– 56,9 % à 64,9 % pour la construc­tion aéronautique,
– 28,8 % à 40,7 % pour l’in­dus­trie du verre.]].

Seul le tra­vail four­nit de la valeur, l’ou­til en lui-même n’est qu’un ins­tru­ment inerte si l’ou­vrier ne l’u­ti­lise pas. Or, la com­po­si­tion interne du capi­tal évo­lue ; la part du capi­tal mort, les machines les outils, etc., aug­mente par rap­port au capi­tal vivant, la force de tra­vail. Cela signi­fie que le capi­ta­liste doit inves­tir dans l’ou­tillage, les machines, qui ne pro­duisent pas en elles-mêmes de valeur, pro­por­tion­nel­le­ment plus que dans le capi­tal vivant, la force de tra­vail. Il en découle que la ren­ta­bi­li­té de ses inves­tis­se­ments dimi­nue… La seule conso­la­tion du capi­ta­liste est que si le taux de pro­fit baisse, la masse de la plus-value conti­nue d’aug­men­ter. Un taux de pro­fit de 10 % sur 1 mil­liard, cela fait 100 mil­lions. Mais ces cent mil­lions conso­le­ront le capi­ta­liste de ne pas faire 12 % de pro­fit sur seule­ment 200 mil­lions, soit 24 millions. 

Le capi­ta­lisme a de mul­tiples moyens pour atté­nuer les effets de cette baisse du taux de pro­fit, le plus impor­tant étant d’ac­croître l’ex­ploi­ta­tion du tra­vail, en jouant sur le mar­ché du tra­vail ; ce qui entraîne l’ex­ten­sion de l’ar­mée indus­trielle de réserve et l’ac­crois­se­ment de la concur­rence entre les tra­vailleurs ; et en jouant sur le mar­ché des biens de consom­ma­tion en aug­men­tant la pro­duc­tion pour faire bais­ser les prix, ce qui entraîne la surproduction. 

Cer­tains ont pu tirer de la théo­rie de la baisse ten­dan­cielle du taux de pro­fit la conclu­sion de la chute auto­ma­tique du capi­ta­lisme. Pour cela, il fau­drait mon­trer que l’aug­men­ta­tion de la masse de pro­fit ne com­pense même pas la baisse du taux de pro­fit. Cela ne cor­res­pond pas aux faits observables. 

La ques­tion n’est pas dans l’é­ven­tua­li­té que la somme du pro­fit glo­bal dimi­nue en dépit de l’aug­men­ta­tion de la pro­duc­tion, c’est que le déve­lop­pe­ment et l’é­lar­gis­se­ment de la pro­duc­tion indus­trielle trou­ve­ront leurs limites dans l’im­pos­si­bi­li­té d’é­cou­ler cette pro­duc­tion, c’est-à-dire de leur trou­ver un mar­ché. Rosa Luxem­bourg disait : Si on attend de la chute du taux de pro­fit l’é­crou­le­ment du capi­ta­lisme, on pour­rait attendre aus­si bien jus­qu’à ce que le soleil s’éteigne. 

Rétrécissement du marché

Pour que le capi­ta­lisme puisse se main­te­nir, il faut qu’il repro­duise constam­ment les condi­tions de son mode de pro­duc­tion : le contrôle des moyens de pro­duc­tion par une mino­ri­té ; l’exis­tence d’une classe domi­née obli­gée de vendre sa force de tra­vail pour vivre, et dont le reve­nu sous forme de salaire suf­fit seule­ment à satis­faire les besoins immé­diats. Dans Soli­da­ri­té ouvrière de février, nous disions : 

« Alors que le taux d’é­pargne était en 1969, pour l’en­semble des caté­go­ries pro­fes­sion­nelles, de 14 % du reve­nu dis­po­nible, il était de 12,5 % pour les ouvriers et pou­vait atteindre 25 à 30 % pour les cadres supé­rieurs. Encore faut il dis­tin­guer épargne et épargne. L’é­pargne des tra­vailleurs cor­res­pond : 1°) à une consom­ma­tion dif­fé­rée pour cou­vrir les impôts, les coups durs et les vacances ; 2°) à l’ac­qui­si­tion de biens durables indis­pen­sables : c’est le cas de l’élec­tro­mé­na­ger ; 3°) à l’ac­qui­si­tion de biens immo­bi­liers qui ne pro­duisent pas de plus-value : exemple, dans 80 % des cas, le loge­ment principal. 

« Mais il en va autre­ment de l’é­pargne des pseu­do-sala­riés et des cadres. Cette épargne est avant tout source de plus-value. Alors que 1 % de l’é­pargne ouvrière est consa­crée à l’a­chat d’ac­tions bour­sières, le chiffre est de 20 % pour les cadres supé­rieurs. »

On pour­rait ajou­ter que ce chiffre de 1 % serait plus faible encore si la « par­ti­ci­pa­tion » ins­ti­tuée par la loi n’exis­tait pas [[Le minis­tère du tra­vail donne les chiffres sui­vants : pour l’an­née 1974, 765 mil­lions de francs exo­né­rés d’im­pôts ont été per­çus par les sala­riés au titre de l’in­té­res­se­ment. 4.200.000 sala­riés, dans 1.553 entre­prises, sont concer­nés par la « par­ti­ci­pa­tion ». Cela fait donc la baga­telle de 182,14 F par personne…]]. 

• Reproduction rétrécie

La crise actuelle du capi­ta­lisme est pré­ci­sé­ment que la repro­duc­tion du capi­tal se rétré­cit rela­ti­ve­ment au mar­ché, c’est-à-dire que les sala­riés ont un niveau de vie qui baisse en com­pa­rai­son du déve­lop­pe­ment des forces productives. 

La repro­duc­tion rétré­cie du capi­tal peut prendre plu­sieurs formes : 

- une chute bru­tale de la pro­duc­tion, non pas néces­sai­re­ment de la masse de la pro­duc­tion mais de sa valeur, pro­voque une crise éco­no­mique. D’où fer­me­ture d’u­sines, licen­cie­ments de main-d’œuvre. Chute du pou­voir d’a­chat, mévente, chute des prix, fer­me­tures d’en­tre­prises. Le cycle de la crise est com­plet. Ceci détruit l’ar­gu­men­ta­tion selon laquelle ce sont les reven­di­ca­tions ouvrières qui pro­voquent la hausse des prix. Pour cela, il fau­drait que les tra­vailleurs aient le pou­voir d’in­fluer sur la valeur de la masse de la pro­duc­tion, ce qui est leur attri­buer un pou­voir qu’ils sont loin d’avoir !!! 

- de même, une modi­fi­ca­tion dans la répar­ti­tion des res­sources pro­duc­tives peut pro­duire un rétré­cis­se­ment de la repro­duc­tion du capi­tal : par exemple la pro­duc­tion de biens d’é­qui­pe­ment et de consom­ma­tion des­ti­nés à l’ar­mée, la police, à l’en­tre­tien de l’en­ca­dre­ment para­si­taire dans le sec­teur pri­vé, etc. Aus­si long­temps qu’il y a des res­sources non employées dans la socié­té, ces « sti­mu­lants » auront ten­dance à assu­rer un plein emploi tout rela­tif, tout en sapant à la longue la sta­bi­li­té de la mon­naie, et à retar­der la crise. 

• Marchés de remplacement

Les dif­fi­cul­tés qu’ont les capi­ta­listes à écou­ler la pro­duc­tion (sur­pro­duc­tion) et de trou­ver de nou­veaux champs d’in­ves­tis­se­ment (sur­ca­pi­ta­li­sa­tion) les poussent à trou­ver des mar­chés de rem­pla­ce­ment. Naï­ve­ment, on pour­rait croire que, puisque les mar­chés sont satu­rés, puisque on trouve de plus en plus dif­fi­ci­le­ment des sec­teurs où inves­tir, les capi­ta­listes vont, enfin, se consa­crer au bien public. C’est oublier que le capi­ta­liste ne rai­sonne pas en terme d’in­ves­tis­se­ment social et d’in­té­rêt public, mais d’in­ves­tis­se­ment ren­table et d’in­té­rêt pri­vé. Lorsque les mar­chés sont tous satu­rés et que les champs d’in­ves­tis­se­ment (ren­tables) sont satu­rés éga­le­ment, la bour­geoi­sie, pous­sée par une logique impla­cable, inves­ti­ra… dans les moyens de des­truc­tion qui consti­tuent un mar­ché de rem­pla­ce­ment indis­pen­sable, à court terme parce qu’ils per­mettent d’employer des moyens de pro­duc­tion qui seraient autre­ment inuti­li­sés, à long terme parce qu’ils per­mettent de détruire des forces pro­duc­tives et donc de recons­ti­tuer poten­tiel­le­ment des mar­chés futurs. Troi­sième avan­tage, l’é­co­no­mie de guerre peut, éven­tuel­le­ment, de mar­ché de rem­pla­ce­ment, deve­nir ins­tru­ment pour étendre le mar­ché réel… 

• Rôle de l’État

En situa­tion de rétré­cis­se­ment du marche et de recherche de mar­ché de rem­pla­ce­ment, l’É­tat joue un rôle pré­pon­dé­rant. Si l’é­co­no­mie d’ar­me­ment per­met la mise en valeur du capi­tal de l’in­dus­trie lourde « sur­ca­pi­ta­li­sée », et four­nit à ce capi­tal un mar­ché, elle trans­forme l’É­tat en client prin­ci­pal de cette industrie. 

l’É­tat garan­tit aux mono­poles leurs pro­fits par une poli­tique de sub­sides et par les com­mandes publiques qui sont dans leur grande majo­ri­té consa­crées à la défense natio­nale. Ain­si s’ex­plique cette contra­dic­tion appa­rente en France, qui fait que la construc­tion aéro­nau­tique mili­taire est une indus­trie essen­tiel­le­ment pri­vée, et la construc­tion aéro­nau­tique civile une indus­trie étatisée … 

Fractionnement du marché mondial

Le capi­ta­lisme ana­ly­sé par Marx à par­tir du milieu du siècle der­nier était un capi­ta­lisme en pleine expan­sion. Le mode de pro­duc­tion capi­ta­liste dont l’An­gle­terre consti­tuait la forme la plus avan­cée, s’é­ten­dait d’une part par la péné­tra­tion dans les milieux non capi­ta­listes (colo­nies) et par la créa­tion de nou­veaux sec­teurs d’in­ves­tis­se­ments ren­dus pos­sibles grâce au pro­grès technologique. 

« Pous­sée par le besoin de débou­chés tou­jours nou­veaux, la bour­geoi­sie enva­hit le globe entier. Il lui faut péné­trer par­tout s’é­ta­blir par­tout, créer par­tout des moyens de communication. 

« Par l’ex­ploi­ta­tion du mar­ché mon­dial, la bour­geoi­sie donne un carac­tère cos­mo­po­lite à la pro­duc­tion et à la consom­ma­tion de tous les pays. Au déses­poir des réac­tion­naires elle a enle­vé à l’in­dus­trie sa base natio­nale. » (Marx, Le mani­feste com­mu­niste.)

Cette période ascen­dante est aujourd’­hui ache­vée, les mar­chés ont été tous conquis ; on assiste main­te­nant à une période de rétré­cis­se­ment et de frac­tion­ne­ment du mar­ché mondial. 

Un cer­tain nombre de fac­teurs expliquent ce phénomène. 

1) la fermeture relative de certains marchés au capitalisme monopoliste.

Il s’a­git de la Rus­sie dans les années 20, de l’Eu­rope orien­tale après 1944, de la Chine au début des années 50, de la Corée, du Viet­nam du Nord, de Cuba. Nous disons « fer­me­ture rela­tive » car ces pays, sur­tout les trois pre­miers exemples cités, conti­nuent à impor­ter des biens de consom­ma­tion et des fac­teurs de pro­duc­tion des pays du monde dit « libre » et à y expor­ter des pro­duits, sur­tout des matières pre­mières. Mais ces pays ne consti­tuent pas, pour le capi­ta­lisme des mono­poles, un mar­ché ouvert : les impor­ta­tions sont étroi­te­ment sélec­tion­nées et limi­tées au strict néces­saire ; d’autre part, les mono­poles ne peuvent pas y expor­ter de capi­taux (ou presque pas ; Voir Soli n° 27 – 28). Un tiers du globe envi­ron est fer­mé à l’ex­pan­sion du capi­tal monopoliste.

Depuis la Deuxième guerre mon­diale, les mou­ve­ments de déco­lo­ni­sa­tion ont réduit les débou­chés de cer­tains pro­duits dans quelques pays du monde, qui ont ten­té de pro­duire eux-mêmes ce qu’ils étaient aupa­ra­vant obli­gés d’importer. 

2) l’essor industriel de certains pays

a trans­for­mé ceux-ci en concur­rents du capi­tal mono­po­liste dans quelques branches de la pro­duc­tion, sur­tout les biens de consom­ma­tion. L’ex­pan­sion indus­trielle de l’URSS et de l’Eu­rope de l’Est a per­mis à ces pays de rem­pla­cer en par­tie les mono­poles impé­ria­listes dans le com­merce avec quelques pays indus­tria­li­sés et sous-indus­tria­li­sés. Pré­ci­sons que ce deuxième aspect est net­te­ment moins impor­tant que le pre­mier dans le phé­no­mène de rétré­cis­se­ment du mar­ché mondial… 

L’ag­gra­va­tion de la lutte entre les mono­poles et entre les États pousse chaque pays à essayer de vivre sur lui-même, en cycle fer­mé et à recou­rir à la concen­tra­tion maxi­male. Cette concen­tra­tion prend la forme de capi­ta­lisme d’É­tat dans le cas des pays arri­vés le plus tar­di­ve­ment à un niveau de déve­lop­pe­ment suf­fi­sant, car c’est pour eux la seule façon de pré­ser­ver l’é­co­no­mie natio­nale de la péné­tra­tion des capi­taux étran­gers et de la sou­mis­sion à ceux-ci. Mais ce serait une erreur de croire que les mono­poles sont une forme de concen­tra­tion « infé­rieure » à celle du capi­tal d’É­tat : cer­taines ententes mono­po­listes inter­na­tio­nales consti­tuent une ten­dance vers une forme de concen­tra­tion supé­rieure à celle qui pour­rait se réa­li­ser dans le cadre d’un seul État.

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Dans Soli­da­ri­té ouvrière de jan­vier nous avons vu com­ment les mono­poles réus­sissent à mode­ler l’offre de biens de consom­ma­tion en fonc­tion de leurs inté­rêts propres. En sus­ci­tant arti­fi­ciel­le­ment la consom­ma­tion dans cer­tains sec­teurs par des méthodes de per­sua­sion clan­des­tine scien­ti­fi­que­ment éprou­vées, les mono­poles altèrent le mar­ché dans le sens tra­di­tion­nel du mot, qui implique un choix de la part du consommateur. 

Le mar­ché capi­ta­liste peut prendre de mul­tiples formes, il peut subir de mul­tiples limi­ta­tions liées au degré de concen­tra­tion du capi­tal : confondre ces limi­ta­tions avec des mesures socia­listes ou avec des condi­tions suf­fi­santes pour la réa­li­sa­tion du socia­lisme est une erreur grave. 

Ce qui, à nos yeux, appa­raît comme une expan­sion du capi­ta­lisme à tra­vers la concen­tra­tion éta­tique et l’al­té­ra­tion de la forme tra­di­tion­nelle du mar­ché semble être pour cer­tains un fait auto­ma­ti­que­ment posi­tif : « …la pra­tique crois­sante de l’in­ter­ven­tion­nisme d’É­tat appa­raît comme un hom­mage invo­lon­taire que le capi­tal rend au socia­lisme » (Man­del, Trai­té d’é­co­no­mie mar­xiste t. 3 p. 263).

Les limi­ta­tions appor­tées au mar­ché des biens de consom­ma­tion et de pro­duc­tion par le capi­ta­lisme à son stade le plus concen­tré ne défi­nissent en rien ce régime comme socia­liste dans la mesure où sub­siste la rela­tion capi­ta­liste fon­da­men­tale, l’ex­ploi­ta­tion sala­riale, le mar­ché de la force de travail.

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