La Presse Anarchiste

Anarcho-syndicalisme

La pos­ses­sion des moyens de pro­duc­tion à titre pri­vé est consi­dé­rée comme l’élément déter­mi­nant pour défi­nir la nature capi­ta­liste d’un régime. C’est oublier que le régime juri­dique de pro­prié­té ne suf­fit pas pour défi­nir le capi­ta­lisme qui est, avant tout, un rap­port social de pro­duc­tion : l’exploitation de la force de tra­vail d’une classe sala­riée, l’appropriation de la plus-value par une mino­ri­té ne sont pas la consé­quence d’un régime juri­dique de pro­prié­té. Les formes juri­diques de pro­prié­té ne sont que des variantes, adap­tées aux condi­tions par­ti­cu­lières de l’appropriation de la plus-value. 

Si un groupe d’individus ne pos­sède pas de titres de pro­prié­té, cela ne garan­tit nul­le­ment que ceux-ci ne soient pas des exploi­teurs. À la ques­tion : peut-on exploi­ter la force de tra­vail, s’approprier la plus-value sans pos­sé­der en propre, à titre indi­vi­duel, des moyens de pro­duc­tion, nous répon­dons par l’affirmative.

Le marché des biens de production

• En régime capitaliste d’État

Dans le régime capi­ta­liste d’État, le mar­ché des moyens de pro­duc­tion est réduit au mini­mum. En URSS, exemple le plus carac­té­ris­tique actuel­le­ment de capi­ta­lisme d’État, s’il est pos­sible de se pro­cu­rer à titre indi­vi­duel, des moyens de pro­duc­tion, il est inter­dit d’employer du per­son­nel sala­rié. L’article 9 de la consti­tu­tion sovié­tique le dit : 

« À côté du sys­tème socia­liste de l’économie, la loi admet les petites entre­prises pri­vées des pay­sans indi­vi­duels et des arti­sans, fon­dées sur le tra­vail per­son­nel et excluant l’exploitation du tra­vail d’autrui. »

Mais curieu­se­ment, la loi ne s’oppose pas à ce qu’une per­sonne four­nisse des pres­ta­tions à une autre per­sonne phy­sique et en reçoive la rému­né­ra­tion cor­res­pon­dante. L’emploi de « tra­vailleurs domes­tiques » n’est pas interdit… 

« Il n’est pas inter­dit de tra­vailler à son propre compte, de vendre le pro­duit de son tra­vail et de pos­sé­der, l’ayant ache­té léga­le­ment, le maté­riel pro­fes­sion­nel néces­saire à cette acti­vi­té : outillage, machine à coudre, etc. L’infraction com­mence dès lors que le pro­prié­taire de ce maté­riel le met entre les mains d’autres per­sonnes à qui il verse une somme conve­nue, tan­dis qu’il écoule lui-même sa pro­duc­tion et empoche la dif­fé­rence. » (L’entreprise sovié­tique face à l’État, E.Egnell, M. Peis­sik, Edi­tions du Seuil.)

Paral­lè­le­ment à la pro­duc­tion indi­vi­duelle légale existe une pro­duc­tion clan­des­tine conçue comme com­plé­ment du salaire. Pério­di­que­ment, la chro­nique est défrayée par l’aventure d’un ouvrier qui récu­pé­rait les déchets de pro­duc­tion de son usine et s’était mon­té un ate­lier clan­des­tin où il fabri­quait des outils d’usage cou­rant ou de l’équipement élec­trique domes­tique. Le cama­rade X ven­dait sa pro­duc­tion à des par­ti­cu­liers ou à des entre­prises de la loca­li­té qui éprou­vaient des dif­fi­cul­tés d’approvisionnement.

« La mul­ti­pli­ci­té des exemples des cama­rades X témoigne que leur ini­tia­tive cor­res­pond. à un besoin per­sis­tant de l’économie sovié­tique au stade actuel de son déve­lop­pe­ment. Dans les condi­tions de la réforme éco­no­mique, les auto­ri­tés sont sans doute dis­po­sées à appré­cier et à approu­ver en soi les ini­tia­tives des cama­rades X, mais elles sou­haitent les contrô­ler, les cana­li­ser, les inté­grer aux cir­cuits offi­ciels de pro­duc­tion. » (L’entreprise sovié­tique…)

On voit donc que, d’une façon ou d’une autre, l’accession aux moyens de pro­duc­tion n’est pas fer­mée. Même les moyens « illé­gaux » sont rela­ti­ve­ment tolé­rés tant qu’ils ne dépassent pas cer­taines limites, car ils per­mettent de pal­lier la rigi­di­té de l’approvisionnement. Cette petite pro­duc­tion pri­vée consti­tue la base éco­no­mique d’une couche de petite bour­geoi­sie dont l’importance n’est pas à négli­ger et qui a nous le ver­rons, son équi­valent dans le capi­ta­lisme de monopoles. 

La réforme éco­no­mique de 1965 a été édic­tée en vue d’empêcher la pro­li­fé­ra­tion de ces sec­teurs dits « non socia­listes » qui pre­naient des pro­por­tions inquié­tantes. Il s’agissait d’octroyer une plus grande sou­plesse de ges­tion et de liber­té d’action com­mer­ciale aux petites entre­prises locales. 

Nous ne nous éten­drons pas sur la pro­duc­tion pri­vée dans l’agriculture, une abon­dante lit­té­ra­ture existe sur ce sujet. Rap­pe­lons seule­ment quelques chiffres : en 1959, la dimen­sion moyenne des kol­khoses était de 5.800 hec­tares pour 300 familles. La dimen­sion moyenne des par­celles indi­vi­duelles atteint des sur­faces com­prises entre 900 et 1.800 hec­tares, soit 30 à 60 hec­tares par famille… Autre­ment dit, la dimen­sion moyenne de l’exploitation fami­liale sovié­tique est supé­rieure à la dimen­sion moyenne de l’exploitation fami­liale en France (20 à 25 hectares). 

En 1957, les par­celles indi­vi­duelles pos­sé­daient 54 % des sur­faces consa­crées à la pomme de terre et aux légumes et, en 1959, elles pos­sé­daient 41 % des bovins, 57 % des vaches, 36 % des porcs, 26 % des ovins ; elles four­nis­saient en outre plus de la moi­tié de la pro­duc­tion de viande et de lait (chiffres cités par Chom­bart de Lauwe, Les pay­sans sovié­tiques).

Pour les huma­nistes bêlants qui pro­fi­te­raient de cette consta­ta­tion pour lan­cer le cou­plet sur la « nature humaine » et « l’instinct de pro­prié­té », ajou­tons que les sov­khoses, qui sont des entre­prises agri­coles où n’existent pas de par­celles indi­vi­duelles et où l’organisation est de type indus­triel (par oppo­si­tion au kol­khose qui est une uni­té de pro­duc­tion mi-coopé­ra­tive, mi-pri­vée), pré­sentent une pro­duc­ti­vi­té du tra­vail supé­rieure à celle obser­vée dans les kolkhoses. 

• En régime capitaliste monopoliste

Ces déve­lop­pe­ments sont indis­pen­sables pour démon­ter le mythe de l’étatisation inté­grale de l’économie sovié­tique. L’insistance que nous avons mise sur les pos­si­bi­li­tés d’accès des par­ti­cu­liers aux moyens de pro­duc­tion ne doit pas cacher l’essentiel : dès qu’on dépasse un cer­tain stade de la petite pro­duc­tion, il est impos­sible de pos­sé­der à titre indi­vi­duel des moyens de pro­duc­tion. Mais ce n’est pas une ori­gi­na­li­té du capi­ta­lisme d’État. le capi­ta­lisme de mono­poles a déjà réa­li­sé en grande par­tie cette impos­si­bi­li­té. Ce n’est pas un empê­che­ment juri­dique mais de fait : la « libre » acces­sion aux moyens de pro­duc­tion devient de plus en plus limi­tée avec la concen­tra­tion du capi­tal qui rend de plus en plus impor­tants les inves­tis­se­ments néces­saires pour qu’une affaire soit rentable. 

Aujourd’hui dans le monde dit « libre », on peut consi­dé­rer que le capi­ta­lisme est divi­sé en trois grands secteurs : 

a) Le capi­tal d’État : la com­po­si­tion interne du capi­tal est très grande. Ce sec­teur a été aban­don­né par le capi­tal pri­vé à cause de l’importance des inves­tis­se­ments nécessaires ; 

b) Le capi­tal mono­po­liste, à grande com­po­si­tion interne du capi­tal, où la pro­duc­tion est encore ren­table. La pro­prié­té y est oli­gar­chique, c’est-à-dire entre les mains d’une petite minorité ; 

c) Le petit capi­tal à faible com­po­si­tion interne : il s’agit essen­tiel­le­ment de la petite pro­duc­tion qui gra­vite autour des grands mono­poles et qui est la plu­part du temps sus­ci­tée par ces der­niers, car elle a un rôle dans la sous-trai­tance, la four­ni­ture de maté­riel, la répa­ra­tion qui n’intéresse pas les grandes uni­tés de pro­duc­tion. Cette petite pro­duc­tion trouve son équi­valent en URSS dans la petite pro­duc­tion privée. 

Le mar­ché des moyens de pro­duc­tion est rela­ti­ve­ment élas­tique dans ce der­nier sec­teur mais, en volume et en valeur, ne concerne qu’une petite par­tie du mar­ché total. 

Un ouvrier impri­meur pour­ra, s’il est débrouillard, se pro­cu­rer un petit local et un peu de maté­riel pour«monter son impri­me­rie ». Il réus­si­ra peut-être même à employer un ou deux ouvriers. Il tire­ra les cartes de visite des gens du quar­tier, peut-être une feuille locale. Mais à côté du groupe Néo­gra­vure (6.000 tra­vailleurs) ou de l’imprimerie G.-Lang (1.800 tra­vailleurs), il ne repré­sente rien. Cette petite impri­me­rie n’existera que parce que les grandes ne sont pas inté­res­sées à tirer 100 cartes de visite ou des ouvrages « spé­cia­li­sés » à tirage limité. 

Dans le sec­teur mono­po­liste, le mar­ché des moyens de pro­duc­tion est très rigide, « rétré­ci ». L’artisan du coin de la rue ne s’achètera jamais un haut-four­neau. Pour­tant, la loi lui en recon­naît le droit… Un tel mar­ché n’est acces­sible qu’aux très grands grou­pe­ments en place. D’ailleurs, entre les grandes concen­tra­tions mono­po­listes, les moyens de pro­duc­tion, ni même les pro­duits inter­mé­diaires, ne sont ni ven­dus ni ache­tés, mais alloués sans tenir compte de leur valeur ou de leur coût de pro­duc­tion. Même si un sys­tème de prix est uti­li­sé, c’est sim­ple­ment en tant que tech­nique comp­table. Ces pro­duits ne sont en fait pas échan­gés à tra­vers le mar­ché. Ce n’est qu’à la fin du cycle de pro­duc­tion, sur le pro­duit fini, que le pro­fit est obtenu. 

Ce qui n’est qu’une ten­dance dans le capi­ta­lisme de mono­pole est sim­ple­ment éten­du à toute la socié­té dans le capi­ta­lisme d’État. Dans la période libé­rale du capi­ta­lisme, la ren­ta­bi­li­té, éta­lon, mesure de la pro­duc­tion, était cal­cu­lée au niveau de l’entreprise ; dans le capi­ta­lisme des mono­poles, elle se consti­tue au niveau de la branche indus­trielle ; dans le capi­ta­lisme d’État, la ren­ta­bi­li­té se consti­tue à l’échelle glo­bale, au niveau de l’État.

Le marché du travail

Comme l’écrivait Paul Mattick : 

« L’ensemble du mar­ché capi­ta­liste – à l’exception des rela­tions de mar­ché entre capi­tal et tra­vail – peut dis­pa­raître sans affec­ter la forme de pro­duc­tion capi­ta­liste. La rela­tion de mar­ché entre capi­tal et tra­vail est l’unique rela­tion capi­ta­liste en soi. Sans son abo­li­tion, le mode de pro­duc­tion his­to­ri­que­ment déve­lop­pé et qui est appe­lé capi­ta­lisme ne peut pas dis­pa­raître. » (P.Mattick, « How New Is the “New Order” of Fas­cism ? », Par­ti­san Review

L’existence d’un mar­ché de la force de tra­vail signi­fie sim­ple­ment la per­pé­tua­tion du sala­riat comme mode de rému­né­ra­tion des tra­vailleurs. Nous avons déve­lop­pé ce point dans Soli de décembre dernier. 

Rap­pe­lons seule­ment que sala­riat signi­fie concur­rence entre les tra­vailleurs face à l’emploi, exclu­sion du sala­rié du pro­duit de son tra­vail, exclu­sion de l’outil de tra­vail. Enfin, le régime du sala­riat est un régime où la classe ouvrière ne déter­mine pas l’objet de son tra­vail, ni les condi­tions de son tra­vail, et où elle n’a pas de contrôle sur l’affectation des res­sources sociales. Un tel mar­ché sub­siste encore actuel­le­ment en U.RS.S., et c’est cela, prin­ci­pa­le­ment, qui défi­nit selon nous ce pays comme pays capitaliste.

• L’émulation

Le prin­ci­pal phé­no­mène qui per­met de se rendre compte de l’existence de ce mar­ché du tra­vail est le sys­tème com­plexe d’émulation au travail. 

« L’organisation de l’émulation consti­tue l’élément fon­da­men­tal et prin­ci­pal de l’activité des com­mis­sions de pro­duc­tion auprès du comi­té syn­di­cal d’entreprise dans les ate­liers. » (« Obdo­rar », fév. 1967 – URSS, cité par T. Lowitt. Le syn­di­ca­lisme de type sovié­tique.)

Diverses méthodes, admi­nis­tra­tives ou éco­no­miques, sont employées pour sus­ci­ter l’émulation au travail.

Tout d’abord le tra­vail aux pièces : le pour­cen­tage de sala­riés dans l’industrie qui sont rému­né­rés aux pièces passe de 57,5 % en 1928 à 71 % en 1936 et 77 % en 1953. Ce pour­cen­tage est tom­bé à 60 % en 1961.

Un sys­tème com­plexe de primes existe pour inci­ter et récom­pen­ser les bons tra­vailleurs. Par­mi les ouvriers, des dif­fé­rences consi­dé­rables de reve­nus existent, dont on peut ima­gi­ner les consé­quences sur la cohé­sion interne de la classe ouvrière. La revue « Vopros­si eko­no­mi­ki » constate, en 1959, que les salaires des ouvriers qua­li­fiés dépassent jusqu’à huit fois ceux des ouvriers non qualifiés. 

L’importance des primes est vouée à s’accroître selon les pré­vi­sions de la réforme éco­no­mique de 1965 : 

« L’évolution logique de la réforme vou­drait qu’au cours du neu­vième quin­quen­nat la part du pro­fit affec­tée au fonds d’encouragement maté­riel croisse sen­si­ble­ment, tan­dis que les res­sources du “fonds des salaires” ne seraient plus des­ti­nées qu’au paie­ment des seuls salaires de base…» (L’entreprise face à l’État.)

Aux primes indi­vi­duelles s’ajoutent des primes col­lec­tives attri­buées à l’ensemble des tra­vailleurs de l’entreprise si les pré­vi­sions de pro­duc­tion sont dépas­sées. Les auteurs de cet ouvrage ajoutent que cette volon­té d’intéressement des tra­vailleurs aux résul­tats de l’entreprise risque de poser de « déli­cats pro­blèmes psychologiques » : 

« Par exemple, dans une usine de construc­tion méca­nique, le per­son­nel de l’atelier d’assemblage pro­teste s’il se trouve péna­li­sé par suite d’une défaillance des ate­liers de pro­duc­tion des pièces. »

Est-il utile d’insister sur les consé­quences de telles méthodes sur l’unité de la classe ouvrière : concur­rence, divi­sion, etc.? Dans notre bro­chure « Bol­che­visme ou syn­di­ca­lisme », nous avons par­lé de l’émulation dans les entreprises : 

« Il existe une ému­la­tion dans l’émulation, en ce sens qu’il y a une hié­rar­chie des mérites : il faut en effet dif­fé­ren­cier les formes infé­rieures et les formes supé­rieures ; des équipes en com­pé­ti­tion peuvent ain­si concou­rir pour le titre de “bri­gade du tra­vail com­mu­niste” ou, à titre indi­vi­duel, pour le titre de “tra­vailleur de choc du tra­vail com­mu­niste”… Les titres hono­ri­fiques sont variés : “héros du tra­vail com­mu­niste”, “bri­gade du tra­vail com­mu­niste”, tableau d’honneur affi­ché dans l’entreprise ou à l’atelier avec pho­to à l’appui, “éten­dards rouges” qui, comme le maillot jaune du tour de France, est l’enjeu de la com­pé­ti­tion inter-entreprises…»

• La mobilité des travailleurs

Dans la socié­té sovié­tique, le chô­mage n’existe pas, en tant que phé­no­mène social. L’article XII de la consti­tu­tion dispose : 

« Le tra­vail en URSS est pour chaque citoyen apte au tra­vail un devoir et une ques­tion d’honneur, selon le prin­cipe : celui qui ne tra­vaille pas ne doit pas manger. »

Un grand effort de pla­ni­fi­ca­tion est fait pour adap­ter le mar­ché du tra­vail aux débou­chés offerts. Les jeunes qui arrivent sur le mar­ché de l’emploi peuvent s’adresser aux bureaux de pla­ce­ment des soviets locaux. Néan­moins, il est esti­mé que moins de 5 % des per­sonnes accé­dant à un emploi nou­veau passent par un bureau de pla­ce­ment. La méthode la plus habi­tuelle est l’arrangement indi­vi­duel, l’embauche directe par l’entreprise. « Au total, les méca­nismes sovié­tiques en ce domaine ne sont pas si dif­fé­rents de ceux des pays d’économie libé­rale » pré­cisent ingé­nu­ment E.Egnell et M. Peissik. 

Ils ajoutent :

«…Le chô­mage comme état indi­vi­duel est un vice puisque le chô­meur est sus­pect d’avoir refu­sé le tra­vail qui lui était offert par la socié­té… En outre, l’accès à un grand nombre d’avantages maté­riels étant recom­man­dé par l’appartenance à un col­lec­tif, le chô­meur sovié­tique est un citoyen mora­le­ment, maté­riel­le­ment, juri­di­que­ment dimi­nué, un hou­li­gan en puis­sance. C’est d’ailleurs a nom de la lutte contre le hou­li­ga­nisme que sont géné­ra­le­ment pour­sui­vis les inac­tifs dans les périodes de sévérité. »

La résorp­tion du chô­mage est effec­tuée de deux manières : l’incitation sur les entre­prises pour qu’elles prennent en charge des tra­vailleurs non indis­pen­sables ; la pres­sion sur les deman­deurs d’emploi pour qu’ils acceptent des emplois non conformes à leur qua­li­fi­ca­tion ou à leur désir. Dans la pra­tique, l’absence offi­cielle de chô­mage se tra­duit par le fait que « nombre de tra­vailleurs quittent leur emploi de leur propre ini­tia­tive et vivent pro­vi­soi­re­ment en dehors de tout col­lec­tif, jusqu’à ce qu’ils aient cher­ché et trou­vé un autre poste qui leur convienne mieux ». En atten­dant. ils sont à la charge de leur famille ou de leurs amis ; ils ne béné­fi­cient d’aucune indem­ni­té puisque le chô­mage n’existe pas… Mobi­li­té de la main d’œuvre par l’existence d’un fort volant de chô­mage indem­ni­sé, ou mobi­li­té par l’acceptation qua­si obli­ga­toire d’un emploi déqua­li­fié : il est hors de doute que beau­coup pré­fé­re­ront la seconde solu­tion, mais il est éga­le­ment hors de doute que les deux termes de l’alternative s’inscrivent dans le cadre des rap­ports de pro­duc­tion capi­ta­listes et que ce ne sont que deux variantes du fonc­tion­ne­ment du mar­ché du travail. 

« Le capi­ta­lisme d’État n’est ni capi­ta­liste au sens tra­di­tion­nel, ni socia­lisme pro­lé­ta­rien ; il faut le point de vue du capi­ta­lisme pri­vé, on peut le défi­nir comme socia­lisme d’État, du seul fait que le capi­tal y est cen­tra­li­sé par l’État, mais du point de vue du socia­lisme pro­lé­ta­rien, il faut le défi­nir comme un capi­ta­lisme d’État puisqu’il per­pé­tue la répar­ti­tion capi­ta­liste des condi­tions de tra­vail entre tra­vailleurs et non tra­vailleurs…» (P. Mattick).

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