Aujourd’hui, comme hier, la jeunesse est à l’honneur. Elle ne sait pas grand’chose de la vie, elle a tout à apprendre encore, et cependant c’est à elle que l’on s’adresse quand il faut reconstruire ce que la guerre a détruit, à elle que l’on demande de continuer cette guerre, jusques et y compris le sacrifice suprême.
Mais au nom de quoi ou de qui nous demande-t-on, exige-t-on tant de nous ? Nous ne savons que peu de choses. Nous ne comprenons pas le monde dans lequel nous sommes plongés et qui nous absorbe : nos éducateurs, de quelque pays que nous soyons, ont emprisonné nos esprits dans un treillis inextricable, qui nous aveugle, de préjugés, de vieilles idées, celles de nos pères et nos grands-pères qui vivaient il y a bien des années, exactement comme si nul progrès n’était intervenu dans les domaines autres que ceux de la mécanique.
Et le résultat en est que périodiquement, jeunes de tous les pays, on nous jette les uns contre les autres, on nous fait entretuer par millions. De ces massacres, il découle pour ceux qui ont eu la chance d’échapper, de longues années sans joie, occupées à payer les frais de la tuerie, de l’esclavage. Et nous vieillissons ainsi, n’ayant jamais eu le temps de nous attacher à la révision des valeurs sociales ou individuelles qui donnent depuis les temps les plus reculés de pareils résultats.
Or, nous serons appelés à notre tour à participer effectivement à la vie sociale. Quelles directives pourrons-nous donner si nous ne nous sommes pas longuement et profondément préparés ? Nous ne saurons que faire comme nos devanciers et obtiendrons les mêmes résultats. Est-ce que cela ne vous indigne pas, jeunes camarades ?
Jusqu’à ce jour on nous a parqués pour que nous nous ignorions, chacun dans les limites de nos pays respectifs. On nous a dit : « Les hommes qui sont nés de l’autre côté sont des “étrangers”, des gens d’une autre race », et parfois : « l’ennemi héréditaire, l’ennemi né ».
Nous savons trop et le voyons encore où cela nous a menés. Nous savons aussi que nous sommes tous faits de chair et d’os, que nos organes fonctionnent de même manière. Nous savons par l’étude de nos auteurs respectifs, de ceux qui ont essayé d’élever l’humanité vers un stade supérieur de vie, que nos sentiments devant les choses et les gens sont les mêmes, et jusqu’à nos aspirations vers la justice, vers la bonté, vers la beauté, vers la liberté.
Sur ce sol du pays de France, nous trouvons des jeunes de tous les pays que les événements ont rassemblés. Il est temps d’y songer ; et si nous commencions à briser les barreaux de nos cages, si nous commencions à vivre en frères, sans nous soucier si les ancêtres nous ont décrétés Français, Espagnols, Italiens, Anglais ou Russes ? Si nous jetions d’ores et déjà les bases de cette fraternité qui doit unir les peuples par-dessus les frontières ?
Que les libertaires montrent comme toujours et partout l’exemple, et que les jeunes bousculent les coutumes, s’il le faut. Qu’ils ne forment plus qu’une fédération des jeunes libertaires, en place de fédérations diverses, les unes françaises, les autres italiennes ou espagnoles… Une seule fédération, comme vous voulons qu’il n’y ait demain qu’un seul peuple.
Les Jeunesses Libertaires.
Nous rappelons que les Jeunesses Libertaires, qui ont déjà leurs groupes dans plusieurs centres, sont en voie d’être constituées à l’échelle nationale. Pour tous renseignements ou adhésions, écrire 145, quai de Valmy, Paris (10e).