La Presse Anarchiste

Aux hasards du chemin

Un artiste méconnu

Cer­tai­ne­ment Adolf Hit­ler lais­se­ra un nom dans l’his­toire. Peut-être pas comme il l’au­rait vou­lu ; mais c’est un fait, son sou­ve­nir se per­pé­tue­ra fort long­temps. Et nos des­cen­dants, sui­vant leur tem­pé­ra­ment, consi­dé­re­ront son œuvre avec hor­reur, admi­ra­tion ou iro­nie. Ils juge­ront l’homme sans soup­çon­ner à quel point il fut influen­cé par l’ar­tiste. Et pourtant !

Hit­ler fit d’a­bord de la pein­ture clas­sique et végé­ta long­temps. Puis il s’ins­pi­ra de l’é­cole ita­lienne et le sort com­men­ça à lui sou­rire. Pour les humo­ristes, il pas­ti­cha une toile célèbre. On voyait une lévite et des papillotes pour­sui­vies par une épée flam­boyante et une petite mous­tache à la Char­lot. En fait, ce n’é­tait point gro­tesque, c’é­tait odieux !

Son œuvre maî­tresse, la che­vau­chée à tra­vers l’Eu­rope, fut cer­tai­ne­ment ins­pi­rée du dadaïsme. Quant au cubisme, il s’y inté­res­sa, témoins block­haus, ligne Sieg­fried et mur de l’Atlantique.

Mais le musi­cien égale le colo­riste. Il aime l’o­pé­ra et ne dédaigne point la chan­son : « J’a­vais un cama­rade. » Sur ce, il sup­prime son petit ami Roehm ! Voyez tableau. Pein­ture au pis­to­let, peut-être ?

Pen­dant plu­sieurs sai­sons, il mène à la baguette le concert euro­péen. S’ins­pi­rant de l’an­tique, il sut res­sus­ci­ter pour nous l’har­mo­nieux chant des sirènes, mais son grand suc­cès, qu’il fait encore jouer et rejouer, est sans contraste sa fameuse sym­pho­nie en V qui com­mence en alle­gret­to, monte à l’oc­tave, file en alle­gro et se ter­mine en forte dans tout l’é­clat les cuivres, des fer­railles et des gra­vats. Boum ! C’est crevant !

Un des reproches que lui fera sans doute la pos­té­ri­té, c’est d’a­voir bien trop for­cé sur le rouge dans tous ses tableaux. Et, en musique, d’a­voir trop aimé la mesure à deux temps et les « pas redoublés ».

En tout cas, il n’est point seul, car il semble que tous les grands maîtres de l’é­poque n’aient sur la palette qu’une mer rouge dans un hori­zon noir.

D’au­cuns pour­ront encore pré­tendre que Hit­ler a bien sou­vent fait de la tem­pé­ra­ture ; mais, là encore, c’est un trait com­mun à tant d’ar­tistes qu’on n’y peut vrai­ment pas atta­cher d’importance.

Commerçants honnêtes

Ce sont les malins qui ont conser­vé les stocks pen­dant des mois et des mois et qui les remettent en cir­cu­la­tion dès que les prix sont déblo­qués et en hausse. Bien sûr, il ne s’a­git pas de la hausse du tabac… Ça c’est de la tech­nique finan­cière et c’est sur­tout très nouveau.

Femmes, douceur du monde ou double histoire de boucherie

Des femmes ont mani­fes­té à Paris pour un meilleur ravi­taille­ment, ce qui n’est pas si mal.

Spon­ta­né­ment ? Ce qui n’est pas si sûr ! En récla­mant la démis­sion de Rama­dier, ce qui est bien, et : « Du lait ! Du beurre ! Du char­bon ! », ce qui est très bien. Et de la viande, ce qui est parfait…

Mais : « De la viande pour que nos maris inten­si­fient l’ef­fort de guerre », ce qui gâche tout.

Pauvres hommes livrés aux héroïnes !

Autres histoires de bidoche

En voi­ci une. Les quo­ti­diens du 22 mars ont rela­té com­ment les che­mi­nots de Vil­le­neuve-Saint-Georges ayant abat­tu des bêtes à cornes des­ti­nées à leur coopé­ra­tive, mena­cèrent de faire grève si la viande leur était enle­vée par le Ser­vice du ravi­taille­ment. Le pré­sident du centre d’a­bat­tage et quelques gen­darmes s’é­tant pré­sen­tés, « la sirène de la gare fut immé­dia­te­ment action­née et bien­tôt plu­sieurs cen­taines de che­mi­nots tra­vaillant sur la voie se ras­sem­blèrent et mani­fes­tèrent si bruyam­ment que, pour, évi­ter de graves inci­dents, le pré­sident du centre d’a­ba­tage et les repré­sen­tants de l’au­to­ri­té durent se retirer. »

« Échec à la loi », dit le « Figaro ».

« Sagesse ouvrière », dirons-nous. 

En voi­ci une autre. 

« Un camion char­gé de trois tonnes de viande, arrê­té par le Contrôle des prix à Saint-Cyr-l’E­cole, a été sai­si par un groupe d’ou­vriers de l’u­sine Renault. Ame­né à Billan­court avec le contrô­leur qui était à bord, le camion a été déchar­gé de son conte­nu par ceux qui s’en étaient empa­rés et qui ont dis­tri­bué la viande aux ouvriers. » (Les jour­naux.)

Quoi­qu’il s’a­gisse de bêtes à cornes, le contrô­leur ne semble pas avoir été trans­for­mé en cor­ned-beef. Pour le reste, nous vous ren­voyons au vieux dic­ton popu­laire : « On n’est jamais si bien ser­vi que par soi-même. »

Anti…

Du « Figa­ro » du 22 mars, sous le titre : « Chan­tage allemand. »: 

« Ou bien vous arrê­tez le feu, ou bien j’o­blige les civils à se rendre aux endroits les plus expo­sés et à deve­nir ain­si les vic­times de vos bombardements. » 

Tel est, rap­porte Glad­win Hill, cor­res­pon­dant de guerre du « New York Times », le mes­sage que le com­man­dant d’une petite ville alle­mande a trans­mis aux Amé­ri­cains qui bom­bar­daient sa position. 

Et les civils dont il s’a­gis­sait étaient des civils allemands…»

Il ne doit pas s’a­gir, hélas ! de chan­tage, car nous avons lu d’autre part dans « Com­bats » du 21 mars : 

« Mos­cou. — Sur la route de Kol­berg, les troupes russes ont décou­vert des sol­dats alle­mands pen­dus aux arbres, por­tant sur la poi­trine un écri­teau où se lisaient les ins­crip­tions sui­vantes : « J’ai été pen­du parce que je m’é­tais mal bat­tu. » Ou bien encore : « Je suis pen­du parce que j’ai vou­lu par­tir avant l’heure. »

Nous avons lu aus­si que le vil­lage de Som­mer­shein, en Prusse orien­tale, dont les habi­tants avaient refu­sé l’é­va­cua­tion devant l’a­vance russe, subit le sort d’Oradour.

Serons-nous donc « anti-alle­mands » sans dis­tinc­tion ou contre les bour­reaux, contre le nazisme, contre la guerre ?

Coin… coin… coin…

Avouons-le fran­che­ment, nous n’a­vons pas été voir « Pour­quoi nous com­bat­tons ». On n’a pas besoin d’un des­sin même ani­mé, ni même d’un film pour com­prendre. Mais, si vous allez voir cette pro­duc­tion, n’y emme­nez point d’a­ni­maux, ce n’est pas leur place.

Un canard que, pour la cir­cons­tance, on a eu tort de déchaî­ner, a vu le chef-d’œuvre et natu­rel­le­ment il a réagi selon sa petite tête de bestiole. 

« Où sont les bons Alle­mands sur cet écran ? demande-t-il. Absents ! On pense comme Il y a Ehren­bourg : Oui, il y a de bons Alle­mands : les morts. Les autres, on sou­haite qu’ils deviennent tous bons, dans le sens Ehrenbourg. »

Non, ce n’est pas un tigre qui aime ain­si le sang ! C’est un canard, ani­mal gras, dodu, qui vaut très cher au cours du mar­ché rouge.

Après tout, il a bien rai­son ! Les cime­tières. les ossuaires sont des endroits riches en asti­cots. De quoi pico­rer jusque-là ! Plein son petit bec de canard ! Quel régal !

Cher canard, qui hais tous les Alle­mands ; mais ce n’est plus de l’a­mour, c’est de la rage !

Et dire qu’«on » était paci­fiste… autrefois !

Seule­ment voi­là, « on » a fait sa mue … et chan­gé ses plumes.

Mais t’es bien un sata­né canard de Barbarie.

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