La Presse Anarchiste

Les libertaires

Les lib­er­taires, pour la plu­part de nos sem­blables, cela évoque des mots et non point la fig­ure d’hommes ani­més d’une philoso­phie, d’un idéal social, d’une con­cep­tion économique.

Eh bien ! assez de cette ignorance. 

Si vous nous con­damnez, sachez au moins pourquoi. Ne riez pas de nous à tra­vers des car­i­ca­tures plus ou moins heureuses, ne nous insul­tez plus sur la « foi » d’odieuses calomnies.

Voilà ce que nous sommes et pourquoi nous le sommes.

L’homme vit dans le relatif lim­ité par l’e­space et le temps. De par son état, il est en per­pétuel mou­ve­ment, comme tout ce qui l’entoure.

À cet état pro­vi­soire sont liés l’er­reur et le progrès.

De nou­veaux prob­lèmes se posent con­tin­uelle­ment à nous dont, après des tâton­nements et des recherch­es, tri­om­phe l’ef­fort humain.

Or, dans ce monde où tout est mou­ve­ment, la société autori­taire nie le mou­ve­ment. Elle nous con­damne au passé, elle nous assim­i­le à ce qui fut au lieu de nous per­me­t­tre d’être à ce qui est.

Autant vaudrait d’im­pos­er à un homme de s’ha­biller des vête­ments qu’il por­tait enfant.

N’est-ce pas là l’im­age de cette société dont les cadres étroits nous étouf­fent, dans laque­lle nous écla­tons, impuis­sants, brimés par des règles que ne dictent ni le besoin, ni la rai­son, mais dont l’ob­jet est de main­tenir les priv­ilèges d’une minorité exploiteuse et dominatrice.

Toute l’er­reur vient de ce qu’on veut ignor­er l’homme.

Les théories bâtis­sent dans l’ab­strait des sociétés immo­biles, sans tenir compte de l’homme divers, changeant, en évo­lu­tion per­pétuelle, en pro­grès inces­sant. La théorie, elle, reste immo­bile, anguleuse, aveu­gle à la réalité.

Or, le pro­grès n’est le pro­grès que s’il est en marche ; dès qu’il s’ar­rête, non seule­ment il cesse de l’être, mais il en est une entrave.

D’où oppo­si­tion irré­ductible qui place, d’un côté, la lib­erté humaine, le mieux-être, la paix sociale et la paix tout court, de l’autre, la société autori­taire et cen­tral­iste avec ses lois, ses gou­verne­ments, sa police et ses prêtres : affir­ma­tion con­tin­uelle, affir­ma­tion de tout, alors que per­son­ne ne sait rien, que la vie est un doute sur lequel la sci­ence, l’art et la philoso­phie ont dressé leurs courageuses et trem­blantes hypothèses.

Notre posi­tion n’est pas seule­ment dic­tée par notre con­science des choses, par notre soif de vérité, elle l’est égale­ment par notre appétit de jus­tice, par notre désir de réalis­er la société libre et frater­nelle que nous savons viables.

Toute la ques­tion sociale tient en ces mots : « Être heureux. ». Voilà le grand besoin universel.

Quand l’homme est-il heureux ? Quand il a ce qu’il veut, et cette volon­té ne peut s’ex­ercer que s’il est libre.

Réal­isons donc ce qui nous libère et dres­sons-nous con­tre ce qui nous entrave : autorité morale des reli­gions qui lim­ite notre lib­erté de savoir, par son affir­ma­tion d’une vérité toute faite, incon­trôlable, indis­cutable, par la peur d’un avenir hors la vie, que l’homme libre regarde avec sérénité, quel qu’il doive être. Entrave à notre lib­erté sociale par la par­tic­i­pa­tion qu’elle prend aux intrigues de ce monde, aux oblig­a­tions qu’elle nous fait, au refus qu’elle nous oppose de vivre pleinement.

Autorité économique du cap­i­tal­isme qui, au nom de la pro­priété, est sac­rilège à la pro­priété la plus sacrée : l’in­di­vidu même ; exploita­tion qui met aux mains d’une minorité anonyme et cupi­de la plus belle part des biens de ce monde, alors que, de ce fait, la presque total­ité des hommes se trou­ve dépouil­lée de tout, tout juste capa­ble de se sub­venir et d’as­sur­er le prof­it des par­a­sites qui l’affament.

Autorité gou­verne­men­tale des États qui, avec leurs polices, leurs tri­bunaux, leurs Cham­bres ou leurs Sénats, sub­stituent la force à la rai­son, la loi à la con­science, le pou­voir à la liberté.

Voilà ce que dis­ent les lib­er­taires, les maux qu’ils dénon­cent, l’idéal vers lequel ils tendent.

Ce n’est que par le tri­om­phe de leurs plus nobles aspi­ra­tions que se réalis­era la grande coali­tion des hommes, frater­nelle­ment unis, pour la con­quête des richess­es dont la nature et la sci­ence voudraient encore les priver.


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