Ceux qui reviennent.
C’est avec joie que nous enregistrons le retour parmi nous de nos camarades Pierre ODEON, de Paris, et André RESPAUD, de Narbonne.
Tous deux, déportés politiques, reviennent du bagne nazi de Buchenwald et ont déjà repris leur place dans les rangs libertaires.
Nos disparus.
Notre camarade Roger LEPOIL, dit MOISSON, est décédé récemment à l’hôpital Beaujon dans sa 43e année, à la suite d’une longue maladie.
Originaire du Havre, ce camarade était un autodidacte remarquable ayant fait ses premières études à l’Université Populaire de cette ville. Il était devenu un érudit de grand style et ses premiers articles datent du « Cri des Jeunes » de 1920, organe des Jeunesses syndicalistes d’alors.
Sa collaboration intermittente dans la presse libertaire lui permit d’affirmer un talent d’écrivain qui ne se démentit jamais.
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Nous apprenons avec la plus grande émotion la mort de Pierre Ramus (de son vrai nom Rudolf Grismann). Depuis 1940 il se trouvait au Maroc et c’est sur le bateau qui l’emportait au Mexique qu’il trouva la mort.
Il s’était enfui d’Autriche en 1938, au moment de l’Anschluss, sa tête étant mise à prix par la Gestapo. Il fut même pourchassé avec des chiens, tandis que les policiers criaient : « À mort l’athée ! À mort le sans-patrie ! »
Arrivé en France sous le régime Daladier-Sarraut, il ne goûta qu’une liberté précaire. Il fut interné à Fresnes pour être entré en France sans visa, et y séjourna dans un manque d’hygiène bien français. En septembre 39 il fut interné dans un camp, à Angers, comme « Allemand », bien qu’il fût une victime du nazisme. Transporté à Nantes, il réussit à se faire libérer en lisant le manuscrit d’un de ses ouvrages inédits, « Le Racisme et l’Humanité» ; il y réfute les arguments racistes du comte Arthur de Gobineau.
Toute sa vie, Pierre Ramus fut un anarchiste convaincu, partisan éclairé de théories libertaires concernant l’hygiène alimentaire et l’hygiène sexuelle. Nous ne saurions trop recommander son ouvrage « l’Anarchisme comme réalisation pour les temps nouveaux» ; il s’y montre savant agronome et bon écrivain. (Préface de E. Armand, éditions de la Brochure Mensuelle.)
À tout son savoir il joignait la connaissance de huit à dix langues, dans lesquelles il correspondait avec ses amis lointains.
Gardons le souvenir et l’exemple de cet homme qui mit son espoir dans un monde égalitaire, sans chefs et sans argent, et consacra sa prodigieuse activité à la réalisation de son haut idéal.