La Presse Anarchiste

Comment ils font la guerre

Le 31 jan­vi­er 1919, Enger­rand, à la séance de la Cham­bre, dans une inter­ven­tion vigoureuse, dénonçait, en s’ap­puyant sur une série d’ar­ti­cles parus dans le jour­nal « le Temps » et repro­duits par l’«Œuvre », que si le bassin de Briey n’avait pas été bom­bardé, il fal­lait y voir la pres­sion faite par une haute per­son­nal­ité de la métal­lurgie auprès du G.Q.G. français et que cette sol­lic­i­tude à l’é­gard de ce cen­tre sidérurgique incom­pa­ra­ble tenu par l’oc­cu­pa­tion alle­mande avait pro­longé la guerre. Enger­rand accu­sait net­te­ment les intérêts des métal­lur­gistes d’avoir été opposés aux intérêts supérieurs de la patrie.

Nous n’avons nulle­ment l’in­ten­tion de dis­cuter les faits ; ces messieurs, dont les intérêts à l’époque étaient diver­gents, se récla­maient tous de l’in­térêt supérieur de la patrie ; mais aujour­d’hui notre con­frère « Com­bat » du 11 juil­let 1945, dans un arti­cle inti­t­ulé : « L’I.G. Far­ben à Franc­fort n’a jamais été bom­bardée », rap­porte que le jour­nal anglais « New States­man » aurait con­staté que les grandes usines Ford, instal­lées près de Cologne, n’avaient jamais été bom­bardées pen­dant toute la durée de la guerre. L’I.G. Far­ben Werke n’a jamais con­nu, tout au long de la guerre, de destruc­tion par bom­barde­ment, ses lab­o­ra­toires et ses ate­liers situés à Hochst, l’im­mense édi­fice de son admin­is­tra­tion cen­trale à Franc­fort sont intacts. Quand on songe que pen­dant trois ans Franc­fort et Cologne subirent des bom­barde­ments sys­té­ma­tiques, on est sur­pris de voir que le G.Q.G. allié ait com­mis une telle omis­sion d’une indus­trie-clé, base de toute la machine de guerre alle­mande, et le jour­nal anglais « New States­man » con­tin­ue : « Ce qui en tout cas me paraît assez sig­ni­fi­catif, c’est que le gou­verne­ment mil­i­taire allié a choisi comme col­lab­o­ra­teurs admin­is­trat­ifs des fonc­tion­naires de l’I.G. Far­ben Werke sans se souci­er de ce qu’ils avaient fait sous le régime nazi. »

Dans le même jour­nal, Dou­glas Goldring dit ce qui suit : « En toute can­deur, feu Neville Cham­ber­lain a recon­nu que notre non-inter­ven­tion en Espagne était due au fait que la City aurait investi 40 mil­lions de livres ster­ling dans les ter­ri­toires occupés par Fran­co. Tout ce qu’on dis­ait à l’époque de la « défense du chris­tian­isme » et du « dan­ger bolchevique » était seule­ment un attrape-nigaud à l’usage des Com­munes et du grand pub­lic. » Et plus loin il con­tin­ue : « À San-Fran­cis­co, M. Paul Bon­cour a demandé une com­mis­sion mixte d’en­quête neu­tre pour la Syrie ; rien n’é­tait plus raisonnable, mais M. Stet­tinius a car­ré­ment refusé, car les rois du pét­role anglo-améri­cains n’ont aucun intérêt à dévoil­er les faits tels qu’ils sont. »

Nous ne fer­ons aucune analyse ; nous lais­sons à nos cama­rades le soin de con­clure. Nous nous réjouis­sons toute­fois de voir qu’hi­er comme aujour­d’hui « on croit mourir pour la patrie… et l’on meurt pour les marchands de canons ». Puis­sent tous les peu­ples avoir sous les yeux les courageux arti­cles de « New States­man » et de Dou­glas Goldring. Morts, mutilés, pris­on­niers, sin­istrés de tous les pays, soyez heureux, votre sac­ri­fice n’a pas été vain. Far­ben Werke et la Ford sont encore debout ! Et le veau d’or aussi !


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