La Presse Anarchiste

Pas de Constitution ! Révolution Sociale !

Que le peuple fran­çais se réjouisse ! Ses diri­geants s’in­té­ressent à son sort. Grâce au réfé­ren­dum qu’ils lui offrent, il va pou­voir se pro­non­cer en faveur d’une nou­velle Constitution.

Il pour­ra même, si le coeur lui en dit, s’en tenir à la légis­la­tion de la IIIe Répu­blique ; auquel cas ceux qu’il éli­ra, au lieu d’être des « consti­tuants », seront ses dépu­tés. Il ne lui res­te­ra plus alors qu’à recru­ter quelques cen­taines de vieillards en quête d’hon­neurs et de spé­cu­la­tions lucra­tives pour que, le Sénat étant recons­ti­tué, tout l’ap­pa­reil légis­la­tif de la IIIe Marianne, issu de la confu­sion poli­tique de 1875, soit remis en place.

Mais, même s’il y a nou­velle Consti­tu­tion, aucune illu­sion à se faire. La struc­ture éco­no­mique et sociale n’en sera pas autre­ment bou­le­ver­sée. La fonc­tion patro­nale n’en conti­nue­ra pas moins d’être pro­té­gée par la loi. Le bri­gan­dage légal ne sera pas atteint, bien au contraire.

Certes, le sol de France en a vu d’autres, et le capi­ta­lisme aus­si ! Inutile, donc, pensent ces mes­sieurs, de s’effrayer !

Depuis la Décla­ra­tion des Droits de l’Homme, que de Consti­tu­tions nous ont suc­ces­si­ve­ment démon­tré la vani­té des fai­seurs de sys­tème, leur amour du pou­voir et leur habi­le­té d’en tirer profit !

En 1792, la bour­geoi­sie, qui cher­chait sa voie, pro­clame la Répu­blique, mais en ayant soin, tout en liqui­dant une féo­da­li­té qui n’a que trop duré, d’é­ta­blir des bases juri­diques main­te­nant la pro­prié­té et le sala­riat. La Consti­tuante fit place à la Légis­la­tive, puis vint le Direc­toire, le Consu­lat et enfin l’Em­pire. La puis­sance popu­laire avait balayé la monar­chie ; la bour­geoi­sie en récol­tait les fruits.

En février 1848, le peuple se sou­lève à nou­veau. La IIe Répu­blique est pro­cla­mée. En juin de la même année, le pro­lé­ta­riat use d’une liber­té qu’il croyait avoir conquise. Il mani­feste. Il reven­dique. Et la Répu­blique, vieille à peine de quatre mois, fait feu sur les mani­fes­tants. Elle fait cou­ler le sang de ceux à qui elle doit le jour. En décembre, la pire des réac­tions s’or­ga­nise. Deux ans plus tard, le Second Empire est un fait accom­pli. Cette fois encore, le peuple était dépos­sé­dé de ses droits par une bour­geoi­sie égoïste et incapable.

En sep­tembre 1870, révo­lu­tion de palais. Pro­cla­ma­tion de la IIIe Répu­blique. Après la défaite de la Com­mune de Paris, cette Répu­blique fait ses débuts en mas­sa­crant 40.000 communards.

C’est en 1875 qu’elle se donne une Consti­tu­tion. Celle-ci inau­gure dans ce pays le suf­frage uni­ver­sel, avec lequel les tra­vailleurs s’ha­bi­tuent faci­le­ment à pen­ser qu’ils sont maîtres de leurs des­ti­nées. Or, mal­gré cette démo­cra­ti­sa­tion du bul­le­tin de vote, le patro­nat et l’É­tat conti­nuent à répri­mer toute effer­ves­cence ouvrière ten­dant vers des chan­ge­ments de struc­ture qui com­pro­met­traient les pré­ro­ga­tives patronales.

En 1940, l’«État Fran­çais » avait, lui aus­si, la pré­ten­tion de pré­pa­rer une Consti­tu­tion et de s’in­té­res­ser au sort des déshé­ri­tés ; il offrait même à ceux-ci une « Charte du Tra­vail » qui demeu­re­ra long­temps le modèle du genre !

Ain­si, depuis plus de cent cin­quante ans que le régime féo­dal est ren­ver­sé, les classes oppri­mées poli­ti­que­ment et éco­no­mi­que­ment servent de cobayes à des « réfor­ma­teurs » qui n’ont fait jus­qu’à main­te­nant qu’a­dap­ter le capi­ta­lisme aux néces­si­tés d’un pro­grès tech­nique que nul ne peut arrê­ter. Le sort des sala­riés n’a été amé­lio­ré, à la suite de divers remous popu­laires, que dans la mesure où l’é­qui­libre de l’é­co­no­mie bour­geoise l’exigeait.

Et aujourd’­hui encore c’est sous la forme d’une réno­va­tion consti­tu­tion­nelle qu’on attend une adap­ta­tion du capi­ta­lisme aux exi­gences d’une éco­no­mie que la guerre a transformée.

On qua­li­fie hypo­cri­te­ment de révo­lu­tion­naire une comé­die élec­to­rale dont l’ob­jet est de pro­lon­ger le drame social en per­fec­tion­nant les rôles !

Men­songes ou erreurs que toutes ces décla­ra­tions de phra­seurs sans scru­pules ! Les solu­tions que ces pro­fes­sion­nels de la déma­go­gie ont l’in­ten­tion d’im­po­ser au peuple ne chan­ge­ront rien à sa condi­tion. Elles tendent vers un capi­ta­lisme rajeu­ni, mais non vers un socia­lisme véritable.

Le réfé­ren­dum ? Une escro­que­rie de plus dont le peuple fera les frais. Ce ne sont pas ses repré­sen­tants à la Consti­tuante ou autre Légis­la­tive qui sup­pri­me­ront le capi­ta­lisme et met­tront fin à l’emprise de l’É­tat sur la vie des citoyens. Ce ne peut être là que l’œuvre des tra­vailleurs déci­dés à faire enfin la révo­lu­tion par d’autres moyens que le bul­le­tin de vote.

Le Liber­taire

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