La Presse Anarchiste

Contraste !

Ce vieux monde est en deuil ; l’homme est sans espérance,
Chaque jour est une ombre où s’in­quiètent nos pas.
Et l’i­déal n’est plus qu’une antique croyance
Dont le pré­sent paraît décré­ter le trépas.

Le cœur est un bois creux et l’âme est insensible ;
La lèvre de la haine a pu les épuiser ;
Dans le vieux champ humain l’on cherche en vain la cible
Dont l’ai­mant fra­ter­nel pour­rait les embraser. 

La source de l’a­mour semble à jamais tarie ;
Le vieil homme obs­cur­cit le soleil du savoir ;
Hier lègue à demain son meurtre et sa patrie…
Et l’i­déal Matin a per­du son miroir.

Alors que le prin­temps rebâ­tit son ouvrage,
Que l’oi­seau réap­prend ses pre­mières chansons,
Et que le jeune Avril, qui n’arme point l’orage,
Pré­lude les par­fums fami­liers aux buissons.

Mys­té­rieux contraste entre l’homme et les choses ;
La Nature fleu­rit son vaste reposoir,
Et l’homme, avec le mal dont lui-même est la cause,
Porte vers l’a­ve­nir un funèbre éteignoir.

Joseph Briand

La Presse Anarchiste