Chaque jour est une ombre où s’inquiètent nos pas.
Et l’idéal n’est plus qu’une antique croyance
Dont le présent paraît décréter le trépas.
Le cœur est un bois creux et l’âme est insensible ;
La lèvre de la haine a pu les épuiser ;
Dans le vieux champ humain l’on cherche en vain la cible
Dont l’aimant fraternel pourrait les embraser.
La source de l’amour semble à jamais tarie ;
Le vieil homme obscurcit le soleil du savoir ;
Hier lègue à demain son meurtre et sa patrie…
Et l’idéal Matin a perdu son miroir.
Alors que le printemps rebâtit son ouvrage,
Que l’oiseau réapprend ses premières chansons,
Et que le jeune Avril, qui n’arme point l’orage,
Prélude les parfums familiers aux buissons.
Mystérieux contraste entre l’homme et les choses ;
La Nature fleurit son vaste reposoir,
Et l’homme, avec le mal dont lui-même est la cause,
Porte vers l’avenir un funèbre éteignoir.
Joseph Briand