La Presse Anarchiste

Revue des livres

Jean Brad­ley : Jours francs (Ed. Jul­liard, 160F.).

On a beau­coup écrit sur les atro­ci­tés com­mises par les nazis. Au nom du chris­tia­nisme misé­ri­cor­dieux, on char­gea cha­ri­ta­ble­ment le peuple alle­mand tout entier des crimes hor­ribles d’une bande de sacri­pants ivres de haine et de fana­tisme. Aujourd’­hui si ce juge­ment dra­co­nien est en par­tie révi­sé, c’est sous la pres­sion des cir­cons­tances ; parce que des stra­tèges soi-disant clair­voyants voient la néces­si­té de jouer le pion alle­mand dans la proche mêlée de fous qui se dérou­le­ra, n’en dou­tons pas, sous le signe d’une « che­va­le­rie » renouvelée.

Que ceux qui nient les causes réelles de ces crimes, et qui s’obs­tinent à les impu­ter à la race, à une race de proie, lisent donc « Jours francs », ils ver­ront ce que peut faire la haine. Ils ver­ront, à tra­vers ce lyrisme enfié­vré, des images affreuses, épou­van­tables, de ventres per­dant leurs intes­tins, de têtes écra­sées, de sexes san­gui­no­lents. C’est le cau­che­mar que vécut l’au­teur après l’ar­ri­vée des troupes amé­ri­caines quand les dépor­tés éva­dés de l’en­fer purent se livrer à des repré­sailles qui attei­gnirent les bour­reaux et sans doute aus­si des inno­cents… Seul Fran­çais par­mi des dépor­tés polo­nais et russes, l’au­teur apporte là un ter­rible témoi­gnage. « Nous avons eu, dit-il, des gestes hor­ribles, nous avons brû­lé des mai­sons, pillé des vil­lages, écar­te­lé des êtres. Nous avons ren­du une jus­tice effroyable et pri­mi­tive, nous avons ri du sang!…»

D’au­cuns ont déjà dit que la haine de ces dépor­tés, la haine de ces mar­tyrs était une haine jus­ti­fiée, une haine sainte. Nous n’en­ten­dons point nous livrer à une ana­lyse psy­cho­lo­gique sur les haines qui sont jus­ti­fiées et celles qui ne le sont pas. Il nous suf­fit de consta­ter que le fana­tisme engendre tout un réseau de haines qui se heurtent et s’op­posent mais qu’au­cune haine ne peut s’ac­cor­der avec l’i­dée de justice.

Robert Lou­zon : L’Ère de l’Im­pé­ria­lisme (Ed. Spar­ta­cus, 70F.).

Par­tage du monde ou uni­té du monde, tel est, selon l’au­teur, l’an­gois­sant pro­blème qui se pose devant notre civi­li­sa­tion qui parait à bout de souffle. Dans cette forte pla­quette, que tout esprit curieux ne peut se dis­pen­ser de lire, Lou­zon nous apporte, avec une puis­sance dia­lec­tique sai­sis­sante, de quoi médi­ter sur les des­tins de l’homme dont il n’ex­clut pas la dis­pa­ri­tion pro­chaine et totale…

Jules Moch : Le Com­mu­nisme et la France.

Dans cette pla­quette nous trou­vons l’his­to­rique de la grève des mines ain­si que les débats qu’elle pro­vo­qua dans cet antique Palais-Bour­bon qui pour­rait aus­si bien s’ap­pe­ler le Capi­tole de l’incompétence…

Cette docu­men­ta­tion démon­tre­rait, s’il en était besoin, que l’é­chec de la grève est dû prin­ci­pa­le­ment à l’in­ter­ven­tion du Komin­form qui agis­sait en fonc­tion de la poli­tique sta­li­nienne sans nul sou­ci des inté­rêts ouvriers.

Sou­hai­tons que les tra­vailleurs finissent par com­prendre qu’ils font fausse route en trans­fé­rant à l’É­tat la pro­prié­té des moyens de pro­duc­tion. Sans résoudre aucun des pro­blèmes essen­tiels de l’é­poque ils réa­lisent un Cen­tra­lisme géné­ra­teur de la plus verte pagaïe et ils oeuvrent au béné­fice exclu­sif de ces pan­tins sans âme qui voient la vie du fond de leurs bureaux, à tra­vers leurs cas­cades de sché­mas et de sta­tis­tiques. Qui ne s’a­per­çoit que le rôle de l’É­tat dans la pro­duc­tion n’est qu’un rôle de pieuvre ?

En fin de bro­chure, nous pou­vons pui­ser dans les extraits copieux de la loi tché­co­slo­vaque du 16 octobre 1948 et nous voyons ce qu’il en coûte de vivre dans une Répu­blique « démo­cra­ti­sée façon Gué­péou sous la pro­tec­tion d’un État fort ». En Tché­co­slo­va­quie les moindres délits — même l’é­coute de la radio étran­gère — sont clas­sés par­mi les actes hos­tiles à l’É­tat et sévè­re­ment répri­més. Toute pro­pa­gande dite anti­so­vié­tique est pour­sui­vie, la déla­tion encou­ra­gée. Quant au droit de grève il suf­fit de dire que qui­conque, dans le but de nuire à l’É­tat, n’ef­fec­tue pas le tra­vail qui lui est confié, est pas­sible d’une peine d’un an à cinq ans de tra­vaux forcés…

Mar­cel Dubois : La Condi­tion humaine et l’A­to­mique (P. Clai­rac, 150F.).

Ce mémoire adres­sé à l’A­ca­dé­mie des Sciences dis­pose en équa­tions les véri­tables pro­blèmes d’un monde sur lequel des thau­ma­turges de toute obé­dience se penchent avec une égale impuissance.

Serge

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