La Presse Anarchiste

L’agneau

Quand on n’est pas très calé, parce que, au lieu d’aller à l’é­cole, on se débi­nait en vadrouille, il n’y a, pour un mec marte, qu’un truc à employ­er pour avoir des idées : c’est de zieuter ce que maquil­lent les types qui l’entourent.

En ce moment, tous les gou­verne­ments gueu­lent, comme s’ils étaient des marchands de quat’­saisons : « la. Paix!… la Paix!…”

Et le pop­u­lo ; un bon, micheton, croit que c’est de la bonne camelote qu’on veut lui débiter.

Nom de Dieu ! Ce que les gens sont gour­des ! C’est pour­tant pas la pre­mière fois qu’ils se font refaire. Et ils ne savent pas encore que les dirigeants, c’est comme tous les aminch­es qui gag­nent leur croûtes en faisant une pos­tiche : plus on gueule fort, plus ce qu’on vend c’est de la blague. Quand une com­bine est mau­vaise, c’est le bon­i­ment qui doit la faire passer.

Mais le pop­u­lo est comme les gon­ss­es qui pro­fessent dans les écoles : il ne con­naît rien à l’histoire.

Pen­dant la guerre, ceux qui gou­ver­naient dis­aient aux trouf­fions « c’est pour la Patrie que vous vous bat­tez, que vous faites la guerre ! » Et les grif­fe­tons en, foutaient un coup. Ils se fai­saient sale­ment descen­dre pour, plus tard, vivre tran­quilles… Fourneaux !

Ils tuaient pour empêch­er la guerre. C’est comme Lénine qui donne la Russie aux cap­i­tal­istes, pour sup­primer la bour­geoisie. Enfin, quand tout le monde était presque mort, alors on a fait la paix.

Et, main­tenant, on par­le de remet­tre ça ; non plus pour faire la guerre : on n’est pas des boches ; non ! La rai­son, gou­verne­men­tale d’au­jour­d’hui est tout autre et beau­coup plus noble que celle d’hi­er. Hier, on s’est bat­tu pour avoir la paix ; main­tenant, on va se rebat­tre pour la défendre ! Ça peut dur­er comme ça jusqu’à la Saint Glin-Glin.

Quand le poilu était dans la tranchée, il était un héros ; dans le civ­il, il s’aperçoit qu’il n’est plus qu’un bal­lot : la vie est chère, les pro­prios sont vach­es et les singes salauds. Alors, pour ne pas avouer qu’il s’est fait « avoir », il dit à son môme : « Suis l’ex­em­ple de ton père et, toi aus­si, tu seras un héros. » Et le père crève de faim… mais, il s’en fout ; il a l’ad­mi­ra­tion de son gosse ; et, quand le cla­iron sonne pour une nou­velle guerre, le dab, ne voulant pas avouer qu’il a été un couil­lon, qu’il n’a pu avoir la force de con­quérir une vic­toire défini­tive, dit à son gosse devenu grand : « Écoute : c’est la voix des Ancêtres. Défends leur repos ! »

Ain­si, parce que les mach­abées roupil­lent mal, il faut faire de la terre un cimetière immense. Et la tra­di­tion sac­ri­fie la joie et l’ex­is­tence des vivants à l’é­goïsme des morts.

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Cela me rap­pelle un vieux bobard hindou.

Ceci se passe à l’époque où, pour ne pas clabot­er, les Dieux s’en­voy­aient de la chair fraîche. Générale­ment, on leur don­nait un agneau.

Un jour, un daron voulant mon­tr­er à sort chiard com­ment un père de famille doit aimer un Dieu l’emmena sur le lieu. où devait se faire le sac­ri­fice. Arrivé près du bûch­er, le môme qui ne voy­ait aucun ani­mal, deman­da au dab, dans son inno­cente naïveté : « où est l’ag­neau ? » Et le dab répon­dit : « La mis­ère m’a fait per­dre tout mon trou­peau. Mais on doit tou­jours remerci­er Dieu de ses bien­faits et lui témoign­er sa recon­nais­sance en lui don­nant ce qu’on aime le plus. Et pour que, plus tard, toi aus­si, mon cher enfant, tu sach­es ne rien refuser à l’I­dole, je vais t’of­frir en holo­causte. C’est toi, mon chéri, qui va rem­plac­er l’agneau. »

Et le daron bal­ança dans les flammes son môme, pour lui appren­dre ce que c’est que le devoir.

Cette « rigo­lade » est éter­nelle ; c’est elle qui fait chialer l’humanité.

Tenez : gaffez un peu les Com­mu­nistes. Ils veu­lent que le pau­vre monde soit moins sucé par les poux cap­i­tal­istes. Que font-ils ? — Ils lig­o­tent le mec « boulot » dans un tas d’idées incom­préhen­si­bles pour qu’il ne puisse se grat­ter quand il se fait bouf­fer par les totos mécaniques que les com­mu­nistes, lui don­nent pour chefs.

On peut être com­mu­niste et touch­er des rentes ou celles de sa femme comme celles de ses par­ents. On peut être com­mu­niste, et avoir des larbins qui bouf­fent à la cui­sine ; qu’a de com­mun le chef com­mu­niste avec ceux qui te ser­vent ? Le valet n’est jamais l’é­gal du maître.

On peut être com­mu­niste comme le poilu est père de famille ; on peut être com­mu­niste comme l’hin­dou de mon his­toire est fidèle à son Dieu.

Bon Dieu, Patrie, Marx­isme, tout cela vit de sang inno­cent. Et ceux qui sont les bonzes de ces Idol­es-Vam­pires sont de pieuses gens qui, avant tout, s’ef­for­cent de don­ner à croûter à leur Dieu.

Alors, comme ils n’ont plus d’ag­neau à lui offrir, ils poussent l’e­sprit de sac­ri­fice jusqu’à lui sac­ri­fi­er des bonshommes.

Le religieux donne son fils à Dieu ; le patri­ote donne son fils à l’ar­mée ; le marx­iste donne son fils à l’industrie.

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Eh bien ! Puisque c’est moi qui cul­tive les bégo­nias, j’en veux apporter ici, chaque mois, un beau bou­quet cueil­li par­mi les plantes des doctrines.

Ohé ! les poteaux. Vous pour­rez cher­rer dedans. Ce ne sont pas les types que je veux engu…irlander : on ne con­va­inc per­son­ne en le trai­tant de crétin, de traître ou de ven­du. Mais nous fer­ons sen­tir le par­fum des Idées et celui qui n’est pas enrhumé du cerveau devra bien avouer qu’il aime les mau­vais­es odeurs… ou, alors, se moucher.

Puisse, de notre cul­ture, jail­lir enfin les fleurs de nos rêves pour en étouf­fer toutes les idol­es qui ne vivent que de sang innocent !

Le cul­ti­va­teur de bégonias


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