La Presse Anarchiste

De l’anarcho-bolchevisme aux vicissitudes d’un ex-groupe de l’O.R.A…

Ce texte éla­bo­ré col­lec­ti­ve­ment par les mili­tants de l’ex-groupe O.R.A. de Beau­vais ne pré­tend pas être exhaus­tif, ni com­plet, il n’est qu’une ébauche de réflexions sur le rôle de l’O.R.A et sur les posi­tions qui nous ont ame­né à rompre avec elle.

Née après 68, d’une scis­sion de cer­tains mili­tants avec la F.A, 1’O.R.A. se pro­pose de ras­sem­bler tous les liber­taires à part entière. Elle se sépare peu à peu de la F.A., même si ses slo­gans (ploum ploum tra la la, anar­chie vain­cra : enter­re­ment de Pierre Over­ney) et textes eux, ne font que s’a­li­gner sur le ligne sinueuse du folklo-débilo-anarchisme.

Mais sou­dain en 70, brusque chan­ge­ment d’at­ti­tude, l’é­di­to­rial d’un F.L nous apprend que c’en est fini de l’a­nar­chisme tra­di­tion­nel, qu’une « grande » orga­ni­sa­tion com­mu­niste-liber­taire est en train de naitre des cendres de l’ex‑O.R.A. You­piee!!! Le soleil brille de nou­veau de nos cœurs. A la tête de notre nou­velle orga­ni­sa­tion (eh oui, car tête bien tris­te­ment il y a) se trouvent les bureau­crates bien connus qui der­rière les mon­ceaux de papiers des Vignoles s’é­ri­ge­ront en nou­velle intel­li­gent­sia gui­dant de leurs pré­ceptes les pas hési­tants de nos mili­tants hors des sen­tiers bat­tus de l’anarchisme.

Que nous proposent-ils ?

Tout d’a­bord d’en­trer en masse à la C.F.D.T., syn­di­cat « réel­le­ment auto­ges­tion­naire », contrai­re­ment aux motions de congrès, cela sans doute afin de pal­lier à la triste et trop connue faillite de l’a­nar­cho-syn­di­ca­lisme. Du point de vue théo­rique pro­pre­ment dit, les choses seront plus dif­fi­ciles, après une pluie de textes, motions, amen­de­ments divers, tous aus­si peu clairs les uns que les autres, on en vien­dra à vou­loir réédi­ter (quel pas déci­sif dans l’his­toire du mou­ve­ment ouvrier!) la pla­te­forme d’Ar­chi­nov. Mais une étin­celle de génie éclai­re­ra bien­tôt le cer­veau obs­cur de nos bureau­crates : face au vide théo­rique, une seule solu­tion, l’ac­ti­visme forcené.

Et c’est à par­tir de ce moment que natio­nales, régio­nales ne devien­dront plus qu’un long compte-ren­du de grèves et actions d’é­clat, bavar­dages éso­té­riques où l’on pour­ra entendre des choses du genre : « Je suis délé­gué C.F.D.T. dans une usine à St Lucu­fa où j’ai mené une bagarre, j’ai ven­du tant de F.L, etc. » Cer­tains groupes (Gre­noble) face à cette situa­tion catas­tro­phique réagi­ront en essayant d’ap­por­ter à cette pagaille orga­ni­sée une cer­taine base théo­rique, mais les bureau­crates veillent et à l’O.R.A., qui pense trop et mal est vite exclu.

Au niveau orga­ni­sa­tion­nel, la décon­fi­ture sera totale : la coor­di­na­tion, entre les dif­fé­rents groupes quand elle existe sera des plus spo­ra­diques et des moins fruc­tueuses, les prin­ci­pales ren­contres ou contacts se fai­sant lors des natio­nales et régio­nales (c’est peu dire). De plus, les B.I. seront mal dis­tri­bués, en nombre insuf­fi­sant. Aucune déci­sion ou com­mu­ni­qué (après une consul­ta­tion glo­bale de tous les groupes) ne sera jamais éta­bli autour des pro­blèmes du moment (Chi­li, etc…).

Au cours des natio­nales nai­tront des com­mis­sions (femmes, armée…) dont nous n’en­ten­drons plus par­ler par la suite, leur prin­ci­pale fonc­tion ayant d’a­voir exis­té sans doute.

Au niveau maté­riel, le pôle d’at­trac­tion sera prin­ci­pa­le­ment l’a­chat d’une off­set. Nos joyeux com­pères de Paris, sans que per­sonne ou presque n’en sache rien, décident un beau jour d’é­té d’a­che­ter la mer­veilleuse machine qui résou­dra tous les pro­blèmes. Cette affaire meu­ble­ra bien­tôt les longues soi­rées d’hi­ver de nos mili­tants, l’a­chat de cette off­set deve­nant rapi­de­ment syno­nyme de gouffre finan­cier. Qui va payer ? Mais les mili­tants bien sûr ! Une sous­crip­tion est vite ouverte. Les mili­tants se ser­rant un peu plus la cein­ture s’empressent de rem­bour­ser la machine. La situa­tion devient moins confuse, l’off­set s’a­vère être inuti­li­sable ; pas de local, maté­riel insuf­fi­sant. La danse conti­nue, il faut payer un peu plus et cela afin de répa­rer les erreurs de nos bureau­crates fantasques.

En conclu­sion, on peut affir­mer que l’O.R.A. ou plus exac­te­ment son bureau poli­tique, veulent recons­truire, en s’ap­puyant sur des sché­mas orga­ni­sa­tion­nels léni­nistes, la C.N.T.-F.A.I. des belles années.

Des dis­cus­sions sur les points par­ti­cu­liers ont confir­més notre désac­cord glo­bal avec les posi­tions de l’O.R.A. (ou plu­tôt son manque de position.

Ces points sont les suivants :

  1. Le syndicat
  2. L’autogestion
  3. Les groupes autonomes
  4. L’or­ga­ni­sa­tion des révolutionnaires

Le syndicat

Dans ce texte, nous nous pro­po­sons de par­ler du syn­di­cat et de l’O.R.A. ou plu­tôt d’une par­tie de l’O.R.A. face à ce problème.

A la ren­contre natio­nale de novembre 74, il a été ques­tion d’un texte : « Syn­di­ca­lisme et mou­ve­ment de masse ». Que dit-il ?

En pre­mier lieu, il fait une ana­lyse du syn­di­cat : il n’est qu’un rouage du capi­ta­lisme, il fixe la valeur de la force de tra­vail et doit assu­rer la paix sociale, ses struc­tures sont for­te­ment bureau­cra­ti­sées, hiérarchisées.

L’O.R.A, le dit elle-même, quand la classe ouvrière affronte direc­te­ment le capi­tal, elle se donne sa propre orga­ni­sa­tion de lutte. Cepen­dant le syn­di­cat, en période de lutte, peut offrir des struc­tures coor­di­na­trices. Quelles sortes de luttes ? Cer­tai­ne­ment pas les luttes révo­lu­tion­naires car celles-ci enterrent, dépassent le syn­di­cat puisque celui-ci n’est plus qu’une arme du capi­tal. Le syn­di­cat ne peut coor­don­ner que des action réfor­mistes car en fai­sant appel au syn­di­cat, c’est une lourde machine bureau­cra­tique, hié­rar­chi­sée que l’on a devant soi. Le tra­vail du révo­luion­naire n’est pas de lut­ter contre les « mau­vais » côtés du syn­di­cat (tâche cer­tai­ne­ment vaine) mais essayer de le dépas­ser. Il ne faut pas se faire d’illu­sions, en se ser­vant du syn­di­cat même à titre pro­vi­soire, on tombe auto­ma­ti­que­ment dans ses pièges.

Si l’on relit la motion n°2, une contra­dic­tion appa­rait : le pro­blème n’est pas d’être pour ou contre le syn­di­cat mais d’u­ni­fier sur des bases anti­ca­pi­ta­listes. D’a­bord, on adopte une posi­tion bâtarde, on ne suit pas si on est pour ou contre (c’est pas mon pro­blème). Unir sur des bases anti­ca­pi­ta­listes implique une posi­tion claire, nette sur le syn­di­cat agent du capi­tal. En théo­rie, l’O.R.A. recon­nait ce qu’est l’or­ga­ni­sa­tion syn­di­cale mais pour pas­ser à la pra­tique, on oublie tout, on met une croix sur le pro­blème du syn­di­cat. Le syn­di­cat peut favo­ri­ser la démo­cra­tie directe sec­tion syn­di­cale ouverte. Là encore, on oublie l’exemple cité plus haut les ouvriers avaient leurs propres orga­ni­sa­tions quand ils fonc­tionnent en démo­cra­tie directe (conseils ouvriers en U.R.S.S, comi­té d’ac­tion en 68…). Ce n’est pas le syn­di­cat qui amè­ne­ra l’or­ga­ni­sa­tion des tra­vailleurs pour abattre le capi­tal, d’ailleurs il ne regroupe qu’une petite par­tie des tra­vailleurs (15%), ce qui lui donne l’im­pres­sion d’être puis­sant c’est le fait qu’il garde pré­ci­sé­ment la lutte entre ses mains et la ter­mine, du fait que les tra­vailleurs n’ont pas leurs propres orga­ni­sa­tions ils suivent le syn­di­cat dans la lutte. Bien qu’ac­tuel­le­ment, il existe des exemples de luttes lan­cées par la base même, le syn­di­cat inter­vient : on attend le pour­ris­se­ment de la lutte, puis on reprend le tra­vail (P.T.T., S.N.C.F.)

La vision parcellaire du militant syndical

« Le tra­vailleur qui vient mili­ter dans un syn­di­cat, parce qu’il n’en­tre­voit pas d’autre façon de lut­ter dans son entre­prise fait, sans le savoir un choix tru­qué. Il est for­te­ment répan­du qu’il y a deux manières de défendre la classe ouvrière, l’or­ga­ni­sa­tion poli­tique pour le « géné­ral » et l’or­ga­ni­sa­tion syn­di­cale pour « l’é­co­no­mique ». Le syn­di­ca­liste, même s’il milite poli­ti­que­ment admet faci­le­ment (ou du moins, on lui fait admettre) que pour son usine ou son bureau, le seul ter­rain est le syn­di­ca­lisme ; son choix se limite à la confé­dé­ra­tion (C.G.T ou C.F.D.T par ex.). De fait, le mili­tant syn­di­ca­liste est enfer­mé dans son entre­prise, il parle de sa boite, de sa direc­tion, des reven­di­ca­tions propres à son entre­prise ou à son bureau. Il a une acti­vi­té loca­liste, par­cel­laire et rare­ment essaie de dépas­ser ce stade. Il n’en­tre­voit pas que son entre­prise est une toute petite cel­lule d’un ensemble qui s’ap­pelle le capi­tal, que les tra­vailleurs ne doivent pas com­battre chaque cel­lule iso­lé­ment mais atta­quer l’en­semble, vio­lem­ment pour qu’il ne puisse sur­vivre. Pour cela la classe ouvrière devra se don­ner un organe qui faci­li­te­ra cette tâche. Les fédé­ra­tions accen­tuent ce cor­po­ra­tisme du fait qu’elles sont sub­di­vi­sées en branches professionnelles.

A l’u­nion locale, ce pro­blème n’est pas dépas­sé, cha­cun parle des pro­blèmes de sa boite et de l’autre syn­di­cat, cela ne va pas plus loin, tout au plus on se gar­ga­rise en consta­tant que les « réfor­mistes » ou les « irres­pon­sables » du syn­di­cat untel ont les mêmes méthodes dans l’u­sine d’à coté, ici au moins on est entre gens du même bord.

Cette acti­vi­té par­cel­laire ne peut que nuire aux tra­vailleurs et entra­ver la prise de conscience du com­bat à mener. » (H. Ber­nier : La classe ouvrière contre les syn­di­cats.)

La plu­part des orga­ni­sa­tions gau­chistes tombent dans ce piège parce qu’en période de calme, les tra­vailleurs conscients, parce que la seule acti­vi­té mili­tante existe dans les syn­di­cats prin­ci­pa­le­ment. Le révo­lu­tion­naire peut se retrou­ver dans un syn­di­cat car pour avoir une acti­vi­té dans son entre­prise par­fois c’est la seule solu­tion mais pour cela, il faut avoir plei­ne­ment conscience du rôle du syn­di­cat et adop­ter des posi­tions cohé­rentes, claires pour ne pas se lais­ser récu­pé­rer et tom­ber dans un réfor­misme d’ex­trême-gauche. Le pro­blème pour les tra­vailleurs n’est pas de trou­ver le syn­di­cat le moins réfor­miste, ni de conqué­rir des postes syn­di­caux (exemples de cer­tains mili­tants de l’O.R.A à la C.F.D.T) mais de se don­ner une orga­ni­sa­tion qui assu­me­ra son autonomie.

2. La contre-révolution autogestionnaire et l’O.R.A.

L’O.R.A a repris à son compte la tartes à la crème de la gauche actuelle : L’AUTOGESTION. Bien que se défen­dant du péché gau­chiste, elle adopte pour­tant leur démarche « théo­rique » (où plu­tôt idéo­lo­gique). Elle crie : « Nous sommes les vrais auto­ges­tion­naires, eux sont des mys­ti­fi­ca­teurs ». Cri­ti­quer les autres, sans jamais mon­trer leur fonc­tion, nous montre la fina­li­té de l’O.R.A : cau­tion d’ex­trême-gauche aux auto­ges­tion­naires du pro­gramme com­mun, frac­tion de gôche de la bourgeoisie.

La contre-révolution autogestionnaire.

Le capi­ta­lisme s’en­fonce dans la crise : réces­sion géné­ra­li­sée, fer­me­ture de petites et moyennes entre­prises néces­si­té par la restruc­tu­ra­tion du capi­tal qui a pour résul­tante une concen­tra­tion crois­sante du capi­tal, tan­dis que le per­son­nage clas­sique du patron à ten­dance à disparaître.

Dans cette situa­tion de crise, l’al­ter­na­tive auto­ges­tion­naire devient une des solu­tions du capi­tal (l’i­déo­lo­gie auto­ges­tion­naire n’é­tant qu’une des com­po­santes de la contre-révo­lu­tion, elle peut avoir à s’op­po­ser à d’autres alternatives).

La crise, par défi­ni­tion : pénu­rie de pro­fits, les dif­fé­rentes frac­tions du capi­ta­lise veulent la repor­ter sur le pro­lé­ta­riat, une des mesures actuelles est l’a­bais­se­ment des salaires. Ain­si l’au­to­ges­tion peut rendre de fiers ser­vices au capi­ta­lisme : dans les pays où l’im­por­tance du capi­tal variable reste grande (France et Ita­lie par ex), il est pos­sible d’é­vi­ter une dis­pa­ri­tion de pro­fits en bais­sant la valeur de la force de travail.

« L’au­to­ges­tion est une manière de faire prendre en charge la contra­dic­tion valorisation/​dévalorisation par la force de tra­vail parce que toute la socié­té est alors orga­ni­sée en vue de bais­ser la valeur de cette mar­chan­dise vivante. Il s’a­git de faire prendre direc­te­ment en charge par la popu­la­tion des acti­vi­tés qu’as­su­mait aupa­ra­vant le capi­tal et qui alour­dis­saient donc les frais d’en­tre­tien de la force de tra­vail. On peut déjà aujourd’­hui, avoir une vue par­tielle du conte­nu de cette auto­ges­tion à tra­vers les divers réseaux paral­lèles de sur­vie qui se sont for­més plus ou moins ces der­nières années (écoles paral­lèles, cli­niques, nour­ri­tures, etc.).» (Néga­tion n°3 ― Lip et la contre-révo­lu­tion autogestionnaire.)

Dans l’en­tre­prise, l’au­to­ges­tion pour­ra être mise en vigueur dans les sec­teurs non ren­tables ou ceux subis­sant une lourde baisse de taux de pro­fits. L’au­to­ges­tion pour­ra per­mettre l’ob­ten­tion de nou­veaux pro­fits grâce à une pro­duc­ti­vi­té plus grande, décou­lant d’un assu­jet­tis­se­ment plus pous­sé de la classe ouvrière au proces de tra­vail (par­ti­ci­pa­tion, enri­chis­se­ment du tra­vail, groupes auto­nomes de tra­vail), cette nou­velle orga­ni­sa­tion bri­se­ra les formes de résis­tance du pro­lé­ta­riat à la domi­na­tion réelle (absen­téisme, etc.).

Pour assu­rer la ratio­na­li­sa­tion de la pro­duc­tion, la restruc­tu­ra­tion de l’en­tre­prise, l’au­to­ges­tion devien­dra aus­si syno­nyme de « mili­ta­ri­sa­tion » de la force de travail.

« Ain­si, le type de mili­ta­ri­sa­tion du tra­vail et de l’or­ga­ni­sa­tion par quar­tier, etc. qu’est l’au­to­ges­tion à la base, trou­ve­rait un pro­lon­ge­ment natu­rel dans la mili­ta­ri­sa­tion pure et simple du pro­duc­teur-citoyen. L’au­to­ges­tion n’existe qu’à tra­vers le res­pect inté­gral et l’or­ga­ni­sa­tion de bas en haut de toutes les caté­go­ries capi­ta­listes. » (Néga­tion n°3 ― Lip et la contre révo­lu­tion autogestionnaire)

Un support idéologique à la contre-révolution : les conseils gestionnaires.

Pour la clique auto­ges­tion­naire, les conseils ouvriers seraient la forme d’or­ga­ni­sa­tion que pren­drait la socié­té « com­mu­niste » (le para­dis auto­ges­tion­naire pro­mis!). Il ne s’a­git pas de gérer les entre­prises, la révo­lu­tion com­mu­niste à venir sera la des­truc­tion du mode de pro­duc­tion et de dis­tri­bu­tion capi­ta­liste. L’i­déo­lo­gie auto­ges­tion­naire vou­drait enfer­mer le pro­lé­ta­riat dans une vision par­cel­laire de la lutte à mener, il ne s’a­git pas de prendre le pou­voir dans chaque entre­prise, mais bien de s’at­ta­quer glo­ba­le­ment au capital.

« Le socia­lisme est tout entier dans la néga­tion révo­lu­tion­naire de l’EN­TRE­PRISE capi­ta­liste, non dans l’at­tri­bu­tion de celle-ci aux tra­vailleurs de l’u­sine. » (Bor­di­ga ― Pro­prié­té et capi­tal)

En guise de conclusion

Loin d’a­bo­lir le sala­riat, l’é­change mar­chand, l’au­to­ges­tion peut être entre­vue comme une solu­tion du capi­ta­lisme, qui en l’ins­tau­rant réus­sit ce tour de force magis­tral : faire les tra­vailleurs gérer eux-mêmes leur propre exploitation.

Le déve­lop­pe­ment actuel des forces pro­duc­tives met plus que jamais à l’ordre du jour le pro­blème de la révo­lu­tion, de la dyna­mique par laquelle le capi­ta­lisme engen­dre­ra la com­mu­nisme, d’au­tant plus que les luttes les plus radi­cales depuis mai 68, expriment le besoin du com­mu­nisme, le capi­tal ne peut plus rien accorder.

Le com­mu­nisme c’est la néga­tion de la condi­tion pro­lé­ta­rienne, il ne s’a­git d’un nou­veau mode de ges­tion, en plus social où l’on se débar­ras­se­rait des « mau­vais côtés » du capi­ta­lisme (valo­ri­sa­tion) en gar­dant les « bons cotés » (pro­duc­tion) et où le pro­fit serait socialisé.

La lutte pour le com­mu­nisme n’est pas pour le pro­lé­ta­riat révo­lu­tion­naire une lutte pour des pri­vi­lèges de classe, l’u­ni­fi­ca­tion de la classe ouvrière sera la classe-par­ti en lutte pour l’a­bo­li­tion de toute socié­té de classe.

3. Les groupes autonomes et les révolutionnaires

Si nous nous rap­por­tons au texte le plus com­plet de l’O.R.A sur la ques­tion, publié pour le der­nière r.n de l’O.R.A, « pola­ri­ser nos forces sur les entre­prises », nous y voyons les contra­dic­tions par­ti-masses repro­duites par la socié­té capitaliste.

Un empi­risme vul­gaire pré­side aux deux options pré­sen­tées, « impul­ser des struc­tures auto­nomes larges » et « créer des noyaux spé­ci­fiques » : le texte ajoute : « la situa­tion locale défi­nit laquelle des deux struc­tures doit être mise en place la pre­mière », comme si, pour les révo­lu­tion­naires, il y avait sépa­ra­tion entre l’a­vant-garde et le mouvement.

« Les com­mu­nistes n’ont aucun inté­rêt dis­tinct qui les séparent des masses ». Cet empi­risme « prag­ma­tique » conduit tout droit à la pente la plus facile, la C.F.D.T, struc­ture qui parait-il (voir la grève des P.T.T.!!) per­met l’au­to­ges­tion des luttes… Être à, la C.F.D.T se com­prend, ce qui est pire c’est d’ap­pe­ler les tra­vailleurs qui ont fait la grève des P.T.T à… rejoindre la C .F.D.T.sans expli­quer ce qu’est la C.F.D.T., son rôle contre-révo­lu­tion­naire.

Mais sans doute les masses ne sont-elles pas prêtes à entendre la vérité??

Lorsque l’O.R.A doit choi­sir ses lieux d’in­ter­ven­tion, elle dis­tingue (ouvrié­risme oblige) les « entre­prises » et les « fronts dit secon­daires » (sic). De plus on sépare les entre­prises « sans inté­rêt mili­tant » des autres, où l’O.R.A va éta­blir (c’est le mot) des mili­tants pris des entre­prises sans inté­rêt. Cette poli­tique de « ren­for­ce­ment des bas­tions » mène où l’on sait (voir la C.D.P.)

Le volon­ta­risme anar­cho-bol­ché­vique se pro­longe dans la vieille bro­chure mys­ti­fi­ca­trice : « assu­rer l’exis­tence d’un pôle révo­lu­tion­naire cré­dible » : tout faire pour faire connaitre l’or­ga. Exemple le M.I.L. Les bureau­crates des Vignoles refu­sèrent toute action (avant d’y être contraint par les évé­ne­ments) devant la demande de cer­tains mili­tants, « parce que nous sommes débor­dés », puis se lan­cèrent dans une pro­pa­gande fron­tiste (« anti-fas­cistes tous unis »), vite étouffée…

Mais ce « pôle » « spé­ci­fique » n’im­plique pas pour l’O.R.A d’œu­vrer en faveur d’une coor­di­na­tion solide des groupes auto­nomes qui se cen­tra­li­se­raient eux-mêmes. Bien au contraire, nos théo­ri­ciens expliquent : « le groupe auto­nome n’est pas un groupe spé­ci­fique ». Sans doute « spé­ci­fique » veut-il dire pour l’O.R.A « affu­blé d’une éti­quette de par­ti » (O.R.A, F.A.I…). Cette sépa­ra­tion est ren­due pos­sible à l’O.R.A par la fai­blesse actuelle des groupes ouvriers auto­nomes, mais l’exemple actuel ita­lien montre pour­tant que ce sont les groupes auto­nomes eux-mêmes qui assument la pra­tique et la théo­rie com­mu­niste CONTRE les pseudo-»pôles » gau­chistes et anarchistes.

L’O.R.A confond éti­quette et orga­ni­sa­tion réelle, et fina­le­ment refuse aux groupes ouvriers auto­nomes la pos­si­bi­li­té d’as­su­rer eux-mêmes la ges­tion de la lutte révo­lu­tion­naire. Auto­ges­tion oui, mais dans le cadre de l’O.R.A qui se charge d’au­to­gé­rer à votre place, dans ses struc­tures lar­gos (C.F.D.T) ou encore moins larges (« pour qu’une force s’as­semble ») ou encore moins larges (sta­giaires – sic -, sym­pa­thi­sants…); L’O.R.A . AUTOGERE POUR VOUS.

Nous nous per­met­tons de pen­ser quant à nous, que les groupes ouvriers auto­nomes ne sont pas des struc­tures pseu­do-syn­di­cales inca­pables de dépas­ser les inté­rêts immé­diats et le loca­lisme, mais que bien plu­tôt. ils sont les centres moteurs de la révo­lu­tion en marche. Et si effec­ti­ve­ment la classe ouvrière et ses avant-gardes étaient inca­pables de faire fusion­ner la pra­tique révo­lu­tion­naire et le pro­jet com­mu­niste, alors il est bien cer­tain qu’une « révo­lu­tion » où l’a­vant-garde (le pôle spé­ci­fique) et la masse (les groupes ouvriers) mène­raient des batailles sépa­rées, serait vouée à une bureau­cra­ti­sa­tion immé­diate. La sépa­ra­tion qui existe encore aujourd’­hui entre la masse et son avant-garde ne sau­rait être consi­dé­rée comme inéluctable.

Dès à pré­sent les com­mu­nistes s’emploient à étendre les rela­tions entre les groupes de lutte auto­nomes dont ils font par­tie à l’ex­clu­sion de toute orga­ni­sa­tion sépa­rée par sa « spé­ci­fi­ci­té » ou son « autogestionnisme ».

L’organisation des révolutionnaires

La faillite com­plète des expé­riences de par­tis « révo­lu­tion­naires » léni­nistes, voués dès leur nais­sance au bureau­cra­tisme et au diri­gisme doit ame­ner une réflexion construc­tive sur la future orga­ni­sa­tion des révolutionnaires.

Ceux-ci doivent tendre à for­mer une orga­ni­sa­tion indis­pen­sable pour la cohé­sion, évi­ter la dis­per­sion, dif­fu­ser les prin­cipes et le pro­jet com­mu­nistes vers l’en­semble des travailleurs.

La tâche est immense.

Contri­buer à créer des liai­sons entres les groupes ayant rom­pu avec les ultimes équipes de rem­pla­ce­ment pour la ges­tion du capital.

Créer des liai­sons dans la classe ouvrière.

Favo­ri­ser la mise en avant de l’au­to­no­mie des travailleurs.

Per­mettre la cir­cu­la­tion, la dif­fu­sion, l’é­change des idées et infor­ma­tions cachées par la bour­geoi­sie et ses pendants.

Elle ne doit sur­tout pas comme l’O.R.A peut le faire, se com­por­ter comme le par­ti déte­nant la conscience révo­lu­tion­naire : cf « Les G.C.L d’en­tre­prise rem­plissent deux fonc­tions, déga­ger le noyau le plus avan­cé de la frange radi­ca­li­sée ― assu­rer sa for­ma­tion poli­tique et sa cohé­sion ―, assu­rer l’exis­tence d’un pôle révo­lu­tion­naire cré­dible. Et se pré­sen­ter comme l’ul­time équipe de petits chefs diri­geant la classe ouvrière.

Il est évident que notre orga­ni­sa­tion doit pré­fi­gu­rer l’or­ga­ni­sa­tion future de la socié­té communiste.

L’or­ga­ni­sa­tion doit reprendre en son sein les prin­cipes communistes.

Démo­cra­tie directe, pou­voir aux A.G.

Man­dat impé­ra­tif, révo­ca­bi­li­té à tout instant.

Rota­tion des tâches (sup­pres­sion de la spé­cia­li­sa­tion donc de la division).

Assu­rer une cohé­rence pra­tique et théo­rique qui lève la sépa­ra­tion entre « chefs et militants ».

Les points déve­lop­pés pré­cé­dem­ment devront per­mettre un débat et une réflexion au sein des groupes concer­nés par l’or­ga­ni­sa­tion réelle des révo­lu­tion­naires et leur praxis.

Groupe com­mu­niste de Beauvais

La Presse Anarchiste