La Presse Anarchiste

Correspondance de Porrentruy

[/​Porrentruy, 12 mai 1872./]

Au milieu du mou­ve­ment qui entraî­nait les ouvriers hor­lo­gers des mon­tagnes du Locle, de la Chaux-de-Fonds, St Imier, etc., à se grou­per, à s’as­so­cier, à se fédé­rer les uns avec les autres pour dou­bler ain­si leurs forces et leurs moyens d’ac­tion ; Por­ren­truy était jus­qu’à pré­sent res­té à l’écart.

Les ouvriers de cette ville, encore sous le poids d’un lourd des­po­tisme clé­ri­cal, osaient à peine son­ger même à leur affranchissement.

Cepen­dant à pro­pos du mou­ve­ment qui se fit au sujet de l’aug­men­ta­tion du prix des cadrans, les ouvriers de Por­ren­truy com­men­cèrent à com­prendre la néces­si­té de s’oc­cu­per de leurs inté­rêts que les patrons ne songent qu’à léser sans cesse, et devant l’al­liance mena­çante des patrons, ils sen­tirent le besoin de s’u­nir aus­si et de se sou­te­nir mutuellement.

À la suite de quelques réunions pré­pa­ra­toires dans les­quelles furent dis­cu­tées les grands et féconds prin­cipes d’as­so­cia­tion, une socié­té ouvrière de mutua­li­té fut créée par­mi les ouvriers hor­lo­gers, et un cercle ouvrier d’é­tudes sociales et éco­no­miques fut mis en voie de for­ma­tion : ils ont ain­si tout d’a­bord orga­ni­sé la résis­tance aux empié­te­ments des patrons par la soli­da­ri­té et pen­sé à pré­pa­rer leur affran­chis­se­ment par l’étude.

Pas n’est besoin de dire que les per­sé­cu­tions se sont déjà déchaî­nées contre nos amis de Por­ren­truy, mais ils n’en pour­suivent pas moins l’œuvre d’é­man­ci­pa­tion qu’ils ont entreprise.

Ils réus­si­ront à s’or­ga­ni­ser for­te­ment, nous en sommes sûrs, mais qu’ils n’ou­blient pas qu’i­so­lés ils seront faibles et qu’ils se sou­viennent qu’il y a dans les mon­tagnes et près d’eux même des frères dévoués qui sont tout prêts à les for­ti­fier en leur ten­dant une loyale main.

E.P.

La Presse Anarchiste