La Presse Anarchiste

La Femme

sur la pro­po­si­tion de For­nell : « Du moyen d’é­man­ci­per la femme de tout tra­vail autre que le tra­vail domestique. »

« À notre juge­ment, cette pro­po­si­tion est fille d’un pré­ju­gé : elle est ins­pi­rée par un sen­ti­men­ta­lisme de tra­di­tion qui doit dis­pa­raître devant les obser­va­tions et les connais­sances dont s’en­ri­chit chaque jour la science sociale, pour faire place à la fata­li­té éco­no­mique et à la vérité.

Ceux qui veulent éman­ci­per la femme du tra­vail pour qu’elle se consacre exclu­si­ve­ment au foyer domes­tique, au soin de la famille, sup­posent que c’est là son unique mis­sion, pour laquelle ils affirment qu’elle a reçu des facul­tés spé­ciales qui sont contra­riées lors­qu’on la sort de ce qu’ils appellent son milieu.

Ceux qui affirment cela, sup­posent que la consti­tu­tion actuelle de la famille est immuable, et c’est le fon­de­ment prin­ci­pal de leur opi­nion. Mais les faits, avec leur logique sévère, indé­pen­dante de tout sen­ti­men­ta­lisme et de tout pré­ju­gé, nous enseignent qu’à mesure que les condi­tions éco­no­miques de la socié­té varient — et sur­tout la forme de la pro­prié­té — les ins­ti­tu­tions sociales varient également.

Nous n’en­tre­pren­drons pas ici la démons­tra­tion de cette asser­tion, car cette démons­tra­tion nous l’a­vons faite ailleurs ; et nous nous bor­ne­rons à expo­ser les consi­dé­ra­tions suivantes :

La femme est un être libre et intel­li­gent, et par consé­quent res­pon­sable de ses actes, de même que l’homme ; s’il en est ain­si, il est néces­saire de la pla­cer dans des condi­tions de liber­té pour qu’elle puisse se déve­lop­per selon ses facul­tés. Cela étant, si nous relé­guons exclu­si­ve­ment la femme dans les tra­vaux domes­tiques, c’est la mettre, comme elle l’a été jus­qu’à cette heure, dans la dépen­dance d’un homme, et par consé­quent la pri­ver de sa liberté.

Quel moyen y a‑t-il pour pla­cer la femme dans des condi­tions de liber­té ? Il n’y en a pas d’autre que le tra­vail. Mais on dira : le tra­vail de la femme est la source de grandes immo­ra­li­tés, il pro­duit la dégé­né­ra­tion de la race et apporte le désordre dans les rela­tions entre le capi­tal et le tra­vail, au pré­ju­dice des tra­vailleurs, par la concur­rence que leur font les femmes. À cela nous répon­dons que la cause de ces maux n’est pas dans le tra­vail de la femme, mais dans le mono­pole qu’exerce la classe exploi­tante ; que la pro­prié­té indus­trielle soit trans­for­mée en pro­prié­té col­lec­tive, et l’on ver­ra comme tout cela changera.

La ques­tion de la famille, et par consé­quent celle des droits et des devoirs de la femme, est si inti­me­ment liée à celle de la manière d’être de la pro­prié­té, que nous nous croyons dis­pen­sés de la trai­ter ici, l’ayant déjà trai­tée dans le rap­port sur la pro­prié­té qui vous a été présenté.

En atten­dant, nous croyons que notre tra­vail à l’é­gard de la femme doit être de la faire entrer dans le mou­ve­ment ouvrier, afin qu’elle contri­bue à l’œuvre com­mune, au triomphe de notre cause, à l’é­man­ci­pa­tion du pro­lé­ta­riat, parce que, puisque devant l’ex­ploi­ta­tion il n’y a pas de dif­fé­rence de sexe, il ne doit pas y en avoir devant la justice. »

Le Congrès a adop­té toutes les conclu­sions de ce rapport.

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