La Presse Anarchiste

Aux patriotes

Les tra­vailleurs ont-ils fait cette remarque que les plus enra­gés chau­vins, patriotes à tous crins, revan­chards à outrance, sont le plus sou­vent des indi­vi­dus qui pour une cause ou une autre, ne font jamais par­tie de l’ar­mée en cas de guerre, employés aux admi­nis­tra­tions, chefs, sous-chefs aux gros appoin­te­ments, riches ou sur le point de le deve­nir ; dépu­tés, séna­teurs, magis­trats, pro­prié­taires, capi­ta­listes et autres para­sites. En ceci comme pour le tra­vail, la pro­duc­tion, ils aiment à faire faire la besogne par les autres, les petites gens, et à res­ter tran­quille­ment chez eux la panse à table, et les bottes sur les che­nets, à s’empiffrer de mets recher­chés, séduire les filles et les femmes des pro­lé­taires qui pen­dant ce temps, vont bête­ment aux fron­tières ou au Ton­kin, se faire cas­ser la gueule ou cre­ver de fièvres.

Voyons rai­son­nons un peu à la fin du compte. À qui pro­fitent ces tue­ries ? Bou­che­ries où l’on sacri­fie tout ce que la socié­té a de jeu­nesse, d’in­tel­li­gence, de force, et qui per­son­ni­fie l’a­ve­nir, les sciences, les arts, le pro­grès enfin.

Ce n’est cer­tai­ne­ment pas à nous, tra­vailleurs, qu’a­vons-nous à gagner ? La mort, les mala­dies, les infir­mi­tés.

Quant à la défense du sol sacré de la patrie, pré­ju­gé ! nous en sommes reve­nus. La patrie du tra­vailleur, c’est par­tout où il pose le pied, par­tout enfin où il tra­vaille, où il mange (

La guerre, cette fau­cheuse sinistre qui tue les jeunes, fait des veuves, des orphe­lins, répend la ruine, la misère, la déso­la­tion chez les pro­lé­taires ; engraisse les bour­geois, ces vam­pires, qui non satis­faits d’a­voir à super notre sueur, veulent encore laper notre sang. Ils tra­fiquent, tri­potent, volent en un mot au grand jour ; étalent leur scé­lé­ra­tesse, leur soif de lucre, se plon­geant comme dans la fange jus­qu’au cou dans une spé­cu­la­tion hon­teuse, vendent à l’é­tat des godillots aux semelles de car­ton, des vareuses faites d’é­toffes brû­lées, de l’ar­doise pilée pour de la poudre, et livrant aux sol­dats affa­més des ali­ments infects que les cochons refuseraient.

Ce que ces mes­sieurs de la ligue des patriotes se garde bien de faire connaître, c’est le nombre des vic­times de ces inqua­li­fiables tue­ries entre des hommes civi­li­sés. c’est à vous père de famille et sur­tout à vos com­pagnes, de fré­mir en son­geant à l’a­ve­nir ! Éle­vez vos enfants avec mille et mille soins, et fati­gués, dis­pu­tez à la mort ces êtres que vous ché­ris­sez et que guette à chaque ins­tant la mala­die, pour qu’à vingt ans cette autre mère la patrie, vous la prenne et l’en­voi bien loin, à des dis­tances énormes se faire tuer, la marâtre !

Lisez et appréciez :

Sous le vam­pire Napo­léon Ier de sinistre mémoire, à la suite de la cam­pagne de Rus­sie, on a brû­lé deux cent qua­rante deux mille six cent douze cadavres.

Quelle héca­tombe !

Mais cela est rela­ti­ve­ment peu en pré­sence des chiffres sui­vants que nous emprun­tons à la sta­tis­tique offi­cielle de l’as­so­cia­tion du Reform Finan­cial d’Angleterre.

Nombre de vic­times assas­si­nées au nom de la patrie par les bour­geois des dif­fé­rents pays :

- De 1793 à 1815 guerre entre la France et l’An­gle­terre : 1 mil­lion, neuf cent mille.
– En 1828 guerre entre la Rus­sie et la Tur­quie : cent vingt mille.
– De 1830 à 1840 guerre entre l’Es­pagne et le Por­tu­gal : cent soixante mille

(à suivre)

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