La Presse Anarchiste

La Misère

Ah !fer­mez bien vite la porte !…
Quel est ce fan­tôme effrayant ?
Qui vient à nous tout grignottant
Les restes d’une tête morte.
Son vis­age creux, décharné,
Mon­trant ses sail­lantes pommettes,
Le front se soucis sillonné,
Les dents en forme de fourchettes,
Répan­dant l’odeur des squelettes,
Son regard vous rend forcené
Et son souf­fle vous jette à terre :
C’est la misère !… 

Presque aus­si vieille que le monde,
Elle enjambe monts et et vallons,
Après ses infectes talons,
Laisse une empreinte profonde.
Cha­cun la red­oute et la fuit,
On se sent mal à son approche
Plus som­bre qu’un oiseau de nuit,
Qui vient se blot­tir sous un porche,
des dis­cordes bran­dit la torche,
Ses con­seils vous tour­nent l’esprit
En aigris­sant le caractère,
C’est la misère !…

Sou­vent dans le sen­tier du crime,
Qui vient guider nos pas tremblants
Éveiller nos mau­vais penchants,
Et nous fait gliss­er dans l’abîme.
Admet­tons l’homme résigné,
Quoiqu’en secret son cœur murmure,
Et qui bien des fois indigné,
Des richess­es de la nature,
Qui lui refuse sa pâture,
Part un jour tout enguignonné
Pour se lancer dans la rivière.
C’est la misère !…

Qui vient au cœur semer la haine,
Augure des Révolutions,
Vous excite aux tentations
De bris­er votre bout de chaîne.
Qui fait marcher droit et serré,
Por­tant haut la rouge oriflamme
Dont le bras mus­culeux réclame
D’être au grand ban­quet convié,
Ain­si que sa famille entière.
C’est la misère !…

J.B. Davagnier


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