Le camarade Noëll nous écrit de Céret (Pyrénées-Orientales), que les avantages, même officiellement concédés à la classe ouvrière, restent inapliqués. Toutefois, les travailleurs commencent à se rendre compte qu’ils doivent s’occuper eux-mêmes de leurs propres affaires et ne pas se contenter de servir de tremplin aux politiciens.
Déjà les ouvriers en bouchons de liège organisent leur syndicat. Les espadrilleurs et trépointeurs devraient en faire autant. C’est pour la formation de ce syndicat que Noëll fait de la propagande.
Il serait sans doute intéressant que notre camarade nous fît connaître les conditions de vie des travailleurs de là-bas et les conditions de travail. La fabrication se fait-elle en atelier patronal ou chez des artisans indépendants ? Y a‑t-il déjà un machinisme approprié à ce genre de fabrication ? Quel est le prix de revient d’une paire d’espadrilles sur place ?
Ici, c’est-à-dire à Paris, ou paye dans les magasins une très simple paire d’espadrilles 7 fr., je dis sept francs. On nous dit naturellement que c’est à cause de la cherté de la main-d’œuvre.
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Du camarade Goirand :
Je m’honore de compter au nombre des amis des T.N., et je salua avec joie leur réapparition. Je me souviens que je reçus à Esnes, non loin de Verdun, votre manifeste de 1915, quand les Allemands s’acharnaient sur cette malheureuse ville. Plusieurs de mes camarades qui signèrent avec moi, sont morts depuis, notamment Girard et Bouvier. On ne pourra pas dire d’eux qu’ils étaient payés pour crier : jusqu’au bout.
Cependant, j’espérais qu’une fois la guerre finie, cette angoissante question étant hors de cause, les anarchistes n’auraient plus aucune raison d’être divisés…
Les réserves que vous faites dans votre programme, à l’endroit des bolcheviks sont fort compréhensibles. Un anarchiste ne peut approuver la dictature et cette sorte d’étatisme hypertrophié dont rêvent les marxistes. Cependant, je déteste de hurler avec les loups. Cette fausse position me pesait autant que la guerre elle-même. Je ne regrette rien, et, comme vous dites encore dans votre programme, je recommencerais la même propagande.
Mais combien j’étais écœuré de voir nos camarades (pacifistes), traqués comme des bêtes fauves. Chose bizarre, ceux de mon groupe qui étaient partis au front, pensaient qu’il fallait gagner la guerre pour sauver la liberté du monde. Et dans les tranchées nous passions malgré nos protestations, — pour des vieilles nouilles réactionnaires.
Tandis qu’au contraire nos camarades restés chez eux devinrent pacifistes ou plutôt le restèrent et ne se génèrent pas pour le proclamer. Je ne partageais pas leur opinion, mais combien je les comprenais. N’en étant pas, ils se faisaient scrupule d’approuver le massacre, et ils souffraient de nous voir souffrir.
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Du docteur L.M.L.
Le Groupement Syndical des techniciens sera d’une haute importance, il représentera certainement une des plus grandes forces de l’organisation économique de l’avenir. Une des tendances du syndicalisme ouvrier est de faire du travail manuel le pivot essentiel de la production, et par conséquent de l’organisation du monde ; il semble dédaigner de faire une place au travail intellectuel qui, cependant, avec le machinisme actuel, devient l’élément prépondérant dans la production et dans la direction de la production.
Que les techniciens, en s’organisant, entrent dans la bataille, que deviendra la dictature du prolétariat ouvrier ?
Je crois que la lutte des classes va prendre une physionomie qui n’est pas prévue, et le mouvement social va sortir de la forme étriquée que lui donnait le seul mouvement ouvrier ; le prolétariat manuel n’aura plus le monopole de l’émancipation du monde.
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Dans le numéro de juillet, le docteur L.M.L. soulevait la question de la concurrence industrielle du Japon. Et il disait : « Le Jap n’a pas tous les besoins de l’ouvrier européen… et il faudra un temps considérable pour que ce peuple arrive à acquérir les mêmes besoins que nous. »
Le ministre anglais du ravitaillement, dans une déclaration, parue dans le journal du 13 juillet dit :
« II y a de par le monde un mouvement constant vers une amélioration des conditions matérielles de la vie. Un rapport que je recevais récemment indiquait qu’au Japon, par exemple, la classe ouvrière avait maintenant, au point de vue nourriture et confort, des besoins qui lui étaient inconnus il y a quelques années. »