[[Consulter l’en-dehors à partir du numéro 170.]]
Chapitre III. ― Période fouriériste (suite)
Le groupe de Pensylvanie (suite).
Le PEACE UNION SETTLEMENT était situé dans le comté de Warren et comptait 10.000 acres (plus de 4.000 ha.) de terre. Cette colonie fut fondée par un certain Andreas Bernardus Smolnikar, professeur autrichien d’études et de critiques bibliques, lequel considérait comme sa mission spéciale d’établir la paix universelle sur la terre. Les colons étaient presque exclusivement des Allemands ; ils abandonnèrent l’expérience après une lutte brève, mais acharnée, contre le sol ingrat.
Le SOCIAL REFORM UNITY fut fondé par un groupe fouriériste de Brooklyn. Le « domaine », de 2.000 acres (800 ha.) de superficie se trouvait également dans le comté de Pike. La terre leur fut vendue à raison de doll. 1,25 par acre, mais le tout leur fut laissé pour 100 dollars, soit 5 cents (1 fr. 25) l’acre (les 40 ares). Ils rédigèrent et publièrent une « constitution », très étudiée, dont ils ne firent d’ailleurs aucun usage. La stérilité du sol, leur inexpérience en matière agricole, leur extrême pauvreté les conduisirent après peu de mois à la dissolution de l’Association.
La LERAYSVILLE PHALANX naquit d’une façon curieuse. Non loin d’un village du nom de Leraysville, dans le comté de Bradford, se trouvaient 7 fermes attenant l’une à l’autre. Les propriétaires étaient tous des svédenborgiens et le plus influent parmi eux était leur pasteur, le Dr Lemuel. C. Belding.
Lorsque la marée du fouriérisme atteignit ce petit troupeau, le Dr Belding et ses amis résolurent de fondre leurs sept fermes en un « domaine » unique. Au cours d’une cérémonie impressionnante, ils abattirent les barrières de séparation et chacun des propriétaires remit sa ferme à la Phalange en échange d’actions en représentant la valeur. Aux sept pionniers originaux, se joignirent de nouveaux membres, parmi lesquels des médecins, des ecclésiastiques, des avocats et un certain nombre d’artisans. Les commencements de la colonie donnèrent beaucoup d’espérances, mais des divergences de vues s’élevèrent bientôt entre les sept fermiers du début et les nouveaux venus, si bien qu’après huit mois de durée, l’Association fut dissoute.
Le groupe new-yorkais.
La partie ouest de l’état de New-York fut pendant un certain temps un foyer ardent de fouriérisme. Il n’y avait guère un village ou un hameau du comté de Genesee, d’où Brisbane était natif — et des comtés avoisinants de Monroe et d’Ontario — qui ne renfermât un ou deux groupements fouriéristes. Brisbane consacra beaucoup de son temps à la propagande des principes de l’Association dans cette région ; quelques réunions bien suivies eurent lieu à Batavia, à Rochester, et des phalanges furent organisées sur une grande échelle.
Noyes décrit 7 des expériences qui émanèrent de ce mouvement dont l’histoire est presque identique. Elles furent toutes entreprises avec un grand enthousiasme et peu de préparation, eurent une courte existence et causèrent de lourdes pertes financières à leurs fondateurs.
Les phalanges les plus importantes de l’état de New-York furent The Clarkson Phalanx, Sodus Bay Phalanx, The Bloom-Field Association et The Ontario Union.
Ces quatre communautés eurent une origine commune ; leur fondation ayant été décidée à une assemblée générale tenue à Rochester en août 1843. Elles étaient situées sur les rives du lac Ontario, à peu de distance les unes des autres. Elles nombraient ensemble un millier de membres et le capital placé dans ces quatre entreprises totalisait 100.000 doll. (2.500.000 fr.). Leur existence moyenne fut d’un peu moins d’une année.
Ce groupe de Phalanges présente ceci de remarquable qu’elles se fédérèrent, et leur fédération prit le nom de « Union industrielle américaine ». Son administration fut assumée par un conseil constitué par des représentants des phalanges adhérentes à la Fédération. Le conseil se réunit une seule fois en mai 1844, adopta des résolutions en vue d’une conduite uniforme des affaires de la Fédération, organisa un système d’échanges de produits entre les Phalanges. Mais ces résolutions n’entrèrent jamais en application.
La faillite des expériences de l’état de New-York causa un préjudice profond et durable au fouriérisme dans la région même qui avait constitué, pour un temps, sa forteresse.
Le groupe d’Ohio.
Noyes raconte l’histoire de cinq phalanges dans l’état d’Ohio. La plus importante semble être la Phalange de Trumbull, dans le comté du même nom. Elle fut fondée au début de 1844 et dura jusqu’à la fin de 1847.
Le domaine de l’Association comprenait environ 1500 acres (plus de 600 hectares) de terre en partie acheté par les fondateurs et en partie donné par quelques fermiers voisins en échange des produits de l’Association. La terre était marécageuse, engendrait la fièvre et une variété d’autres maladies ; les maisons d’habitation consistaient en logis insignifiants, surpeuplés. Le coût moyen de la vie par semaine et par personne était estimé à 40 cents (10 francs) On voit ce que fut l’existence des colons.
Malgré ces circonstances déplorables, 250 individus — hommes, femmes et enfants — dont plusieurs avaient abandonné de confortables homes, luttèrent plus de 3 ans ½ avec une énergie et une abnégation personnelle qui fit l’admiration de leurs contemporains. Mais la lutte finit par se montrer sans issue, même pour les plus enthousiastes des associés ; c’est à contre-cœur qu’ils abandonnèrent l’entreprise dont ils avaient tant espéré et pour laquelle ils avaient tant sacrifié.
L’Ohio Phalanx fut annoncée au son des trompettes, pour ainsi dire, et à un certain moment, les associés espéraient beaucoup de cette entreprise. Parmi ses fondateurs, se trouvaient E. P. Grant, Van Amringe et autres lumières du fouriérisme. 100.000 dollars furent souscrits pour la soutenir, lors d’une réunion enthousiaste au cours de laquelle sa création fut décidée.
Celte association fut fondée en mars 1844 sur un terrain d’environ 2.000 acres (1.600 hectares) près de Wheeling, dans le comté de Belmont. Elle semble avoir souffert d’une surabondance d’idées théoriques et d’un manque proportionnel d’expérience pratique. Durant la courte période de son existence, elle connut beaucoup de discussions, plusieurs scissions plus ou moins graves et subit une réorganisation radicale. Elle fut définitivement dissoute en juin 1845.
The Clermont Phalanx et The Integral Phalanx furent créées à Cincinnati et établies à peu de distance de cette dernière ville. Toutes deux vécurent sur le capital de leurs fondateurs et échouèrent. The Integral Phalanx publia une revue intitulée « Le Soc et la Serpe », consacrée aux enseignements de Fourier en général et aux affaires de la Phalange en particulier. Elle devait sortir deux fois par semaine, mais il ne semble pas avoir paru plus de deux numéros.
The Columbian Phalanx est le nom d’une autre expérience fouriériste de l’état d’Ohio. Mais on ne sait pas de détails sur l’existence de cette Association, sauf qu’elle était située dans le comté de Franklin et fondée en 1845.
Autres expériences fouriéristes.
Des autres Phalanges dont le souvenir nous a été transmis, quatre étaient situées dans le Michigan, et plusieurs se trouvaient dans l’Iowa et l’Illinois. La Phalange d’Alphadelphia, dans l’état de Michigan, fut la plus importante. Elle dura plus d’un an et publia une revue intitulée The Tocsin, dont l’animateur fut un certain Dr Schetterly, disciple de Brisbane.
Somme toute, Noyes rassembla des renseignements sur 41 Phalanges, dont il trouva description ou mention dans les papiers de Mac Donald [[Mac Donald fut le premier historien des « communautés » ou « colonies » américaines. Il visita personnellement la plupart de celles qui existaient de son temps, et nota le résultat de ses recherches et informations. Ses manuscrits ne furent pas publiés et, après sa mort, ils tombèrent dans les mains de Noyes. Son Histoire du Socialisme américain est basée en grande partie sur les notes de Mac Donald.]] ou dans les collections de The Phalanx et The Harbinger. Il en exista sans doute bien d’autres, dont il ne reste aucun souvenir. Pour apprécier la pleine importance du mouvement fouriériste aux États-Unis, il est nécessaire de se rappeler qu’en France, berceau du fouriérisme, il n’y eut que deux essais de tentés, dont un seul du vivant de Fourier.
(à suivre)