La Presse Anarchiste

La fête de Noël

Noël est la fête de famille. C’est le jour de la nais­sance de Jésus. Pour accré­di­ter la tra­di­tion, il est enten­du que Jésus naquit le 25 décembre.

Selon les « textes sacrés », ce fut dans une ville de la Gali­lée que Jésus fut conçu. Dans cette ville, Naza­reth, vivait une femme du nom de Marie, mariée avec le char­pen­tier Joseph ; tous les deux étaient de sang royal, car ils des­cen­daient de la mai­son de David.

Il était néces­saire qu’ils fussent de lignée royale ; les ver­tus attri­buées au couple ne se seraient certes pas ren­con­trées dans un sang… qui ne fut pas « bleu ».

Pour don­ner a ces ver­tus plus de res­plen­dis­se­ment, une splen­deur plus écla­tante, cette femme conçut un fils qui n’é­tait pas de son mari. Ce qui dora d’un or irré­pro­chable le bla­son de la famille. Et le motif de cette dorure appa­raît clai­re­ment : la fécon­da­tion de Marie fut opé­rée par le saint-esprit… Du moins c’est ce qu’af­fir­ma l’ange Gabriel lors­qu’il ren­dit visite à Marie : « Le Saint-Esprit vien­dra sur toi et la puis­sance du Très Haut te cou­vri­ra de son ombre. C’est pour­quoi le saint enfant qui naî­tra de toi sera appe­lé Fils de Dieu. (Luc, I, 33).»

Nous ne pou­vons dou­ter du fait : d’au­tant plus que Jean, dans son évan­gile, cha­pitre I, 32, affirme caté­go­ri­que­ment : « J’ai vu l’Es­prit des­cendre du ciel comme une colombe et s’ar­rê­ter sur lui ». Au ver­set 34 il ren­ché­rit : « Et j’ai vu et j’ai ren­du témoi­gnage qu’il est le Fils de Dieu ». Au ver­set 46, un autre témoi­gnage s’a­joute à celui de Jean : « Phi­lippe ren­con­tra Natha­naël et lui dit : « Nous avons trou­vé celui de qui Moïse a écrit dans la loi et dont les pro­phètes ont par­lé, Jésus de Naza­reth, fils de Joseph ».

Jésus lui-même four­nit tant de preuves à Natha­naël, que celui-ci ne dou­ta plus et dit : « Maître, tu es le Fils de Dieu, tu es le Roi d’Is­raël » .(v. 49).

Quant au jour exact de sa nais­sance, bien que l’é­glise catho­lique la fixe au 25 décembre, il n’est pas irré­fu­ta­ble­ment démon­tré que ce soit exact.

Cer­tains, selon Bos­si, l’ont figé au 1, 6, 8 ou 10 jan­vier ; au 19 ou 20 avril ; au 20 ou 25 mars. Les évan­giles sont muets à cet égard.

Mathieu com­mence son évan­gile par une généa­lo­gie de Jésus. Par­tant d’A­bra­ham, qui engen­dra Isaac, qui engen­dra Jacob, qui engen­dra Juda, etc., il arrive à Mat­than, qui engen­dra un autre Jacob, lequel engen­dra Joseph, époux de Marie, de laquelle est né Jésus « qui est appe­lé Christ » (v. 16). Pas un mot sur la date de la naissance.

Luc parle d’a­bord du vieux Zac­cha­rie auquel un ange annonce que sa femme Isa­belle lui enfan­te­ra un fils qui s’ap­pel­le­ra Jean (I., 13).

Six mois après qu’I­sa­belle — déjà avan­cée en âge — eut conçu, voi­ci que le même ange — Gabriel — part pour Naza­reth pour annon­cer à la femme de Joseph qu’elle sera fécon­dée par le saint-esprit.

Et l’é­van­gé­liste, après s’être com­plai­sam­ment éten­du sur les pro­diges qui ont mar­qué l’ac­cou­che­ment de la Vierge et accom­pa­gné toute la vie de Jésus, ter­mine son évan­gile sans le moindre ren­sei­gne­ment sur la date posi­tive de la nais­sance du per­son­nage extra­or­di­naire pré­sen­té comme fils de Dieu.

De son côté, Marc n’ap­porte rien de nou­veau. Il ne s’oc­cupe de Jésus qu’à par­tir du moment où, venant de Naza­reth. il est bap­ti­sé par Jean-Bap­tiste dans le Jour­dain, à l’oc­ca­sion de quoi les cieux s’ouvrent et l’es­prit des­cend sur lui comme une colombe, en même temps qu’une voix céleste s’é­crie : « Tu es mon fils bien-aimé, en qui j’ai mis toute mon affec­tion » (I : 9, 10 et 11).

Quant au jour et à l’an­née de la nais­sance de Jésus, silence complet !

L’é­van­gile de Jean n’est pas plus expli­cite à ce sujet. Il com­mence alors que le Mes­sie compte déjà pas­sa­ble­ment d’années.

De manière que les quatre évan­giles ne nous four­nissent aucune infor­ma­tion sur les détails d’un fait aus­si impor­tant que la nais­sance d’une per­son­nage mer­veilleux entre tous ceux qui appa­rurent dans le monde, comme le fut Jésus conçu par l’œuvre et la grâce du saint-esprit.

Ici, il convient d’a­jou­ter que les évan­giles, comme les autres livres sacrés du chris­tia­nisme ne méritent aucune foi en tant que docu­ments authen­tiques de la véri­té chré­tienne, étant don­né les diver­gences qu’ils pré­sentent sur des faits où l’u­na­ni­mi­té des spec­ta­teurs et des audi­teurs devrait être évi­dente, quand bien même l’ex­po­si­tion en serait dif­fé­rente et en har­mo­nie avec le style et le carac­tère de cha­cun des auteurs de ces livres.

La cri­tique conclut même de son ana­lyse que la des­crip­tion de ces faits a été faite des siècles après qu’ils se sont pas­sés.

Les dates de la nais­sance de Jésus pré­sen­tant une telle varié­té : les uns lui assignent dif­fé­rents jours de jan­vier, d’autres divers jours d’a­vril ou de mars — et c’est arbi­trai­re­ment que l’É­glise l’a fixée au 25 décembre — les évan­giles ne s’y réfé­rant pas et ne s’oc­cu­pant de Jésus qu’à par­tir d’un cer­tain âge — ces livres ne concor­dant pas entre eux sur des choses qu’ils ne pour­raient ou devraient tenir cachées, si elles étaient exactes — on a le droit d’af­fir­mer que l’exis­tence humaine du héros chré­tien est bien dou­teuse et d’ad­mettre que Jésus est une fic­tion qu’on ne peut guère consi­dé­rer qu’à titre de symbole.

Mais pour­quoi l’é­glise catho­lique fixa-t-elle le 25 décembre comme date de la nais­sance du Christ ?

Recu­lons dans le pas­sé et nous aurons la réponse à cette question.

Le rite védique célé­brait tous les ans la nais­sance d’A­gni (le feu) à la date du 25 décembre, au sol­stice d’hi­ver. À par­tir de cette date, le Soleil, qui parais­sait décroître de plus en plus, renaît et ramène la vie avec lui, dans sa marche vers l’é­qui­noxe du Prin­temps. On peut ima­gi­ner la ter­reur qui s’emparait des peuples de ces temps-là lors­qu’ils remar­quaient que jus­qu’au sol­stice d’hi­ver, les jours se rape­tis­saient de plus en plus, que la tem­pé­ra­ture s’a­bais­sait tou­jours plus et que tou­jours plus le ciel se cou­vrait de nuées. On aurait dit que le soleil allait mourir.

Mais, dès après le 25 décembre, les jours recom­men­çaient à croître. Ce retour du soleil rem­plis­sait, sans doute, d’im­mense joie les peuples croyants, qui fêtaient cette résur­rec­tion de l’astre et son ascen­sion triom­phante dans l’espace.

Étant don­né le rap­port intime qui existe entre le feu et le soleil, tout sym­bo­lisme ayant trait au pre­mier convient au second, les peuples saluaient le retour de l’astre avec de grandes mani­fes­ta­tions de joie, les céré­mo­nies aux­quelles elles don­naient lieu fai­sant autant allu­sion au feu qu’à l’astre.

Dans l’Inde, les ini­tiés se réunis­saient sur la cime d’une mon­tagne ; ils allu­maient le feu au moyen de la Svas­ti­ka ; dès que s’é­le­vait la pre­mière flamme, ils enton­naient des hymnes de joie et d’hom­mage au Soleil et à Agni. Ils choi­sis­saient pour la céré­mo­nie un moment où, dans le ciel, nais­sait une étoile dont l’ap­pa­ri­tion mar­quait la renais­sance ou retour appa­rent du Soleil — fait qui se pro­dui­sait le 25 décembre ; cette étoile obéis­sant aux éter­nelles lois sidé­rales qui régissent les astres parais­sait au moment où le Soleil semble reve­nir sur ses pas pour don­ner la vie aux êtres de la Terre. Dès que les prêtres aper­ce­vaient l’é­toile dont il s’a­git, ils annon­çaient au peuple que grâce à leurs prières, le Père Céleste, Savis­tri, consen­tait à nou­veau à rame­ner… la Vie sur la Terre et la cha­leur chez les êtres…

Dès que dans la Svas­ti­ka jaillis­sait une flam­mette ― un enfant — elle enflam­mait la paille, les herbes sèches où elle tom­bait (figu­ra­ti­ve­ment : était dépo­sée).

Pour l’ac­com­plis­se­ment de la céré­mo­nie on ame­nait la vache mys­tique qui repré­sen­tait le beurre dont on oignait la paille ; elle était accom­pa­gnée par l’âne por­teur du Soma, ou bois­son spi­ri­tueuse des Hin­dous, dont on ali­men­tait l’enfant ou le feu ; opé­ra­tion qui était aidée par une espèce de souf­flet en forme de dra­peau, manié par un prêtre qui agi­tait l’air de façon à ce que la flamme ne s’é­tei­gnit point. Se pla­çant, tan­dis que le feu s’al­lu­mait et pre­nait, au som­met des bran­chages cou­vrant l’au­tel, le prêtre déver­sait sur le tout le Soma et le beurre ; dès lors Agni, le feu, l’en­fant, res­tait enduit, oint, en un mot christ ; car christ signi­fie oint.

La céré­mo­nie allé­go­rique se conti­nuait, en offrant au feu le pain et le vin, sym­bole de la vie. Le feu les consu­mait et les vapeurs, en s’é­le­vant, allaient se réunir au Père Céleste.

La fête de Noël se repro­duit, avec de petites dif­fé­rences de détail, chez tous les peuples de l’hé­mi­sphère nord, le 25 décembre. Chez tous on rend un culte au Soleil et au Feu. Ces fêtes réap­pa­raissent sous un autre aspect en juin, sous l’in­vo­ca­tion, en pays catho­lique, de St-Antoine et de St-Jean ; car c’est durant ce mois qu’as­tro­no­mi­que­ment, le jour atteint sa durée maxi­mum, pour décroître ensuite, à mesure que le soleil demeure moins long­temps sur l’horizon.

Toutes les reli­gions célèbrent ces dates-là. Toutes inventent des Rédemp­teurs, parce qu’elles rendent un culte au Soleil et au Feu.

Vish­nou s’in­car­na neuf fois. Dans un de ses ava­tars, il incar­na Kri­sh­na ; sa der­nière incar­na­tion fut Bouddha.

Ces deux per­son­nages naissent d’une Vierge : la vierge Devâ­ki est la mère de Kri­sh­na et la vierge Maïa, celle de Boud­dha. La nais­sance de ces deux êtres divins a été annon­cée d’a­vance à leurs mères res­pec­tives. Les deux vierges sont fécon­dées mys­té­rieu­se­ment par le Dieu. On trouve aus­si un tyran, comme l’Hé­rode des évan­giles, qui ordon­na, comme celui-ci, de tuer tous les bébés de l’âge de Kri­sh­na, pour l’en­glo­ber dans le mas­sacre et s’en voir ain­si débarrassé.

Tous deux ont des dis­ciples ; tous deux enseignent au moyen de para­boles ; tous deux ont un traître qui les livre, à la res­sem­blance de Jésus.

Boud­dha jeû­na dans le désert comme le Christ et il fut ten­té par le démon, comme lui.

Or, ces incar­na­tions se réa­li­sèrent de nom­breux siècles avant la nais­sance de notre Christ.

Le Christ de la Perse, qui s’ap­pe­lait Mithra naquit chips une grotte et d’une vierge le 25 décembre, tout comme le nôtre, et comme ce fut le cas pour la mère de Jésus, la mère de Mithra res­ta vierge après son accouchement.

La nais­sance de Mithra est éga­le­ment annon­cée par une étoile qui se lève en Orient ; le Rédemp­teur est aus­si visi­té par les Mages.

Horus, le Rédemp­teur égyp­tien, naquit, lui aus­si, d’une vierge le 25 décembre ; la déesse de Saïs fut sa mère. Le roi d’É­gypte Ame­no­phis IV, qui fit tant pour l’ex­clu­si­visme du culte du disque solaire, béné­fi­cia du même sym­bole. Bele­nus, Attis, Bac­chus, Osi­ris, Fo, Ado­nis, etc., furent autant de rédemp­teurs nés de vierges, mou­rant le même jour que le nôtre, des­cen­dus aux enfers après leur mort, pour res­sus­ci­ter ensuite… tout comme Jésus-Christ.

De ce qui vient d’être expo­sé, on voit que Phry­giens, Celtes, Grecs, Hin­dous, Chi­nois, Ger­mains, Perses, Égyp­tiens, etc., célé­braient la fête de Noël et conce­vaient le même mythe du Feu en employant des rites sem­blables, 3.000 et quelques années avant nos prêtres, les­quels n’ont fait que trans­por­ter dans la reli­gion chré­tienne les mythes, les sym­bo­lismes et le rituel des reli­gions solaires, fal­si­fiant quelques scènes, tra­ves­tis­sant les noms, mais accom­plis­sant les mêmes céré­mo­nies, se confor­mant à cer­tains usages et cou­tumes qu’ils n’ont pu abo­lir ou même modifier.

La fête de Noël n’est qu’une preuve de plus du manque d’o­ri­gi­na­li­té du chris­tia­nisme ; elle démontre, qu’au fond, celui-ci est une reli­gion solaire. 

Ernes­to Gil

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