La Presse Anarchiste

La rue

Chan­tier du badaud, du flâneur,
Pas­sage pour le travailleur :
Telle m’est tou­jours apparue
La rue.

Misère et plai­sir se mêlant,
Cha­cun s’en va la traversant :
L’ou­vrier, la nonne ou la grue,
La rue.

On peut l’a­bor­der sans détours,
Excep­té, pour­tant, cer­tains jours,
Lors­qu’elle est pleine de cohue,
La rue.

Elle est le refuge et le lot
Du clo­chard et du camelot,
Clien­tèle sans cesse accrue,
La rue.

Il y cir­cule des autos,
Des camions et des motos
Elle pos­sède sa verrue,
La rue.

On y connait des mercantis,
On y jette des confettis ;
On l’aime, vaste ou exiguë,
La rue.

C’est un ter­rain d’illusions,
Le théâtre des passions,
Où l’on mani­feste, où l’on tue,
La rue.

Vous n’êtes qu’un béotien,
Pas poète, et n’en­ten­dez rien,
Si vous trou­vez trop qu’elle pue,
La rue !

L. Rigaud

La Presse Anarchiste