La Presse Anarchiste

L’inné et l’artificiel chez l’individu

Les sci­ences abstraites ou les con­cep­tions sociales recon­nues et enseignées pro­duisent des don­nées divers­es adap­tées aux formes des pou­voirs qui s’en réclament.

Elles ne sauraient donc pré­ten­dre être admis­es en leur intégrité.

Des théories émis­es par les écoles nées de ces diver­gences, l’in­di­vidu con­scient ne doit tenir compte que des idées rationnelles qui peu­vent y être inclus­es ; mais il se doit à lui-même d’en pouss­er le développe­ment suiv­ant son pro­pre con­cept et non d’ac­cepter les con­clu­sions imposées par les rhé­teurs des­dites écoles.

Ces divers­es philoso­phies ne sont, en réal­ité, que les images orig­inelles, sous forme abstraite, des croy­ances ou des morales qui régis­sent les sociétés.

S’at­tarder aux vaines dis­cus­sions de ces principes, c’est se détourn­er de la libre recherche de la vérité. Ne lais­sons pas notre esprit se figer sur un dogme quel­conque, mais tenons-le con­stam­ment en éveil. L’évo­lu­tion de la pen­sée de l’être con­stitue la véri­ta­ble base du pro­grès humain.

Loin des vaines pal­abres des écoles, l’in­di­vidu doit lui-même don­ner libre cours à son intel­lect, à ses idées.

Il est en l’être humain des sen­sa­tions et des sen­ti­ments pure­ment naturels. Leur développe­ment con­stitue la vie même. Les sen­sa­tions s’ex­téri­orisent instinc­tive­ment par des besoins à sat­is­faire ; sans leur plein développe­ment, l’in­di­vidu s’a­t­ro­phie. De même, l’être moral cesse de vivre réelle­ment si ses sen­ti­ments naturels sont empêchés, régle­men­tés, s’il ne peut nor­male­ment et libre­ment les exprimer sous forme d’idées.

Une société basée sur l’au­torité tend con­stam­ment, par son essence même, à opprimer l’être naturel et, pour ce, elle régle­mente, elle empêche sa libre expan­sion ; elle s’y oppose même en inculquant à l’in­di­vidu, sous forme d’é­d­u­ca­tion imposée, des sen­ti­ments pure­ment arti­fi­ciels. Ces entités, ne sont que des créa­tions abstraites ayant pour but unique la main­mise sur les cerveaux, en vue du main­tien des pou­voirs illogique­ment établis.

Nous devons donc con­sid­ér­er en nous-mêmes deux être dis­tincts : le naturel, que l’au­torité, par ses dogmes, s’ef­force de restrein­dre, d’é­touf­fer ; et l’ar­ti­fi­ciel, que la même autorité tente de dévelop­per et d’im­pos­er à l’in­di­vidu, mal­gré la nature même.

Tout sen­ti­ment ne peut qu’être le fruit d’une de ces deux con­cep­tions. Il est donc néces­saire pour l’homme con­scient de rechercher en toute pen­sée, en tout acte, s’il est con­sen­ti naturelle­ment, libre­ment, pour le développe­ment même de son exis­tence ou s’il n’est qu’im­posé par l’é­d­u­ca­tion, les préjugés, et con­traire, par cela même, à sou libre essor vers le mieux-être.

Vivre sa vie naturelle, laiss­er se dévelop­per ses sen­ti­ments, les libre­ment exprimer, don­ner la néces­saire sat­is­fac­tion à ses désirs, con­naître et con­tenter tous ses besoins nor­maux, tant intel­lectuels que physiques, c’est ain­si réelle­ment vivre.

Tous les sys­tèmes clas­siques ou en vogue, toutes les écoles offi­cielles osant se réclamer de la philoso­phie ne sont, en réal­ité, que des théories odieuse­ment tron­quées, se dérobant aux logiques con­clu­sions et ne ten­tant que d’ex­pli­quer, de jus­ti­fi­er les dogmes, ou les morales sur lesquels repose l’Autorité.

Seule l’A­n­ar­chie, néga­trice de toute con­trainte de tout, dogme, de toute emprise morale, est la rationnelle fin vers laque­lle tend fatale­ment toute philoso­phie sincère, pour­suiv­ant, sans réti­cence intéressée, le développe­ment de ses conceptions.

L’Au­torité atro­phie les corps, déforme les cerveaux ; son unique but, est d’an­ni­hiler les justes et logiques con­cep­tions de l’être naturel et de lui incul­quer de mon­strueuses con­ven­tions imposées sans exa­m­en. Ten­tant de trans­former l’in­di­vidu en un incon­scient agré­gat d’un organ­isme oppres­sif et odieux, elle le con­duit à son pro­pre suicide.

L’a­n­ar­chiste, irré­ductible adver­saire des lois et morales imposées, com­prend l’il­lo­gisme, l’emprise mor­bide de l’é­d­u­ca­tion offi­cielle des Pou­voirs. Il sait que toute Autorité, quel que soit son principe, est étran­gleuse de libre ini­tia­tive et nuis­i­ble an naturel développe­ment de l’être physique et intellectuel.

Il sait égale­ment que, seule, l’A­n­ar­chie n’aspire qu’a la libre expres­sion de la nature et à faire de l’homme un être con­scient, vivant nor­male­ment et pleine­ment sa vie. 

Albert Sou­bervielle