[(Nous publions ci-dessous un article de nos camarades d’Espagne, qui ont tenu à s’unir à nous pour commémorer la Commune de Paris.
Les camarades de l’Alliance tiennent à réaffirmer solennellement, en cette occasion, qu’ils ne sauraient esquiver leurs responsabilités d’internationalistes, et qu’ils ne sont pas sans savoir que l’unité des luttes ouvrières et révolutionnaires ne peut se fonder que sur une pratique internationaliste efficace.
A los trabajadores de Espana en lucha, a nuestros compañeros de siempre, mandamos nosotros, militantes de la Alianza Sindicalista de Francia, nuestro fraternal saludo revolucionario.
Estamos a su lado, respaldandonos juntos, iremos hasta nuestra emancipaciôn integral !
Salud.)]
En évoquant le soulèvement du peuple de Paris en 1871, nous pourrions mettre l’accent sur ses causes, sur la critique de ses faits, sur les effets de son action ou sur la cruelle répression s’abattant sur les Communards. Mais, bien que tout cela soit très important et doive être mentionné pour dresser un panorama, ce que la Commune continue de représenter en tant qu’expérience stimulante pour le progrès social et humain présente, pour nous, plus d’intérêt en ce moment.
Ce peuple de Paris qui n’avait pas été vaincu et qui, pour se défendre contre les Allemands, acheta 250 canons par collecte populaire, et qui, de plus, refusait le désastre de Sedan et les capitulations imposées par Bismarck, se souleva contre l’Assemblée réunie à Versailles ; entre autres raisons :
1° parce qu’il se rend compte, lors de la constitution du gouvernement de Versailles, que celui-ci refuse d’écouter les Parisiens, et parce que l’Assemblée laissait sans solde la garde nationale et sans travail les ouvriers ;
2° parce que les Versaillais décidèrent une politique de reddition sans consulter le pays et sans tenir compte de Paris qui avait pourtant son mot à dire de droit. De même, ce qui joua un rôle important ce fut le désir ardent des Parisiens de se déclarer contre l’empereur Bonaparte qui avait opprimé la nation et les hommes les plus éminents de Paris, en particulier.
L’accumulation de ces causes s’enchaînant, Paris se jeta dans la rue, prêt à lutter pour sa liberté et avec le désir profond de transformer les structures hétérogènes, ceux-ci surent s’unir face à Versailles représentant la capitulation et l’impérialisme avec son injustice et autres abus.
Donc, malgré ce qui les séparait, les groupes surent se fédérer et mettre en place une organisation communale qui culmina dans des faits réellement plausibles, tels que : proclamation de la journée de huit heures ; la terre aux paysans ; les ateliers et les outils de travail aux ouvriers ; la richesse au service de tous ; l’éducation libre et généralisée ; plus de chômage pour les pauvres, plus de privilèges pour les riches, sinon la jouissance pour tous les citoyens. Et tout cela sanctionné par un Conseil de la Commune au sein duquel étaient représentés tous les groupes politiques et où les représentants étaient élus par le vote libre et direct du peuple.
Il est vrai que Paris, avec ses projections revendicatives, ne pouvait se défendre longtemps contre les armées françaises qui, appuyées par des bataillons allemands, assiégeaient la ville, l’isolant du reste de la nation. Les combats furent sanglants, et l’inhumaine répression qui s’ensuivit, avec plus de trente milles assassinés et des milliers de déportés et de prisonniers, constitue le bilan d’une résistance héroïque. Malgré cela, l’action de la Commune dans sa capacité organisatrice et les perspectives qu’elle ouvrit dans diverses directions put changer de nombreuses choses et ouvrir des horizons d’espoir.
Un siècle après ce 18 mars qui vit le soulèvement du peuple de Paris contre la capitulation et le despotisme, nous pouvons constater que certaines des revendications et initiatives de la Commune de 1871 sont devenues réalité et que d’autres sont en voie de réalisation : journée de huit heures, éducation généralisée, repos et vacances pour les ouvriers et, surtout, le sentiment de la liberté qui n’a cessé de se manifester depuis lors et qui va détruisant les structures rigides d’hier. Mais, les aspirations de la Commune qui ne sont pas encore satisfaites ne sont pas minimes : fédération des groupes et des peuples, égalité des possibilités pour tous, démocratie directe, justice et paix universelles.
Jugeant ce bilan, nous devrions voir dans la Commune le flambeau de la liberté qui doit éclairer notre chemin vers le progrès politique et humain, et aussi la lumière qui doit nous indiquer les erreurs et déviations qu’elle ne sut éviter et desquelles furent victimes d’autres peuples dans des mouvements postérieurs. Les facteurs qui affaiblirent l’action de la Commune, et qui ont continué de dégrader d’autres événements révolutionnaires depuis lors, furent l’esprit de chapelle des groupes participant à cette geste de 1871 et leur manque de cohésion et de responsabilité.
Si, parmi les hommes courageux et se donnant à leur cause, nous prenons comme symbole Varlin, ouvrier internationaliste qui offrit sa vie en holocauste à la liberté, c’est précisément parce qu’il lutta en faveur de l’émancipation des hommes et de la justice universelle. Il voulait la fédération des peuples, la liberté des opprimés, le bien-être pour tous. Sa figure est pour nous l’étendard de la Commune et du désir ardent de justice que tous les hommes devraient ressentir.
À côté de notre admiration pour ces héros de la liberté et considérant les projets de la Commune qui ne sont pas encore réalisés, nous devons tenir compte des énormes changements de fond et de surface que voit notre siècle : nous sommes plus d’un milliard d’hommes sur terre ; la science et la technique se sont développées dans un rapport de cent pour un approximativement ; la famille paysanne — qui prédominait en 1871 — a été réduite à un quart, ou moins, de la population dans les pays industrialisés ; les travailleurs de l’administration et des services dépassent en nombre les producteurs ; l’instruction, les moyens de communication et les techniques de diffusion ont atteint des dimensions qui ne furent jamais imaginées. Ainsi, nous voyons que le cadre de notre vie a énormément changé, et nous devons lui adopter nos rapports si nous voulons sortir de l’injustice et du mal-être régnant.
Également à ce propos, la Commune nous offre une solution théorique quand elle proclame dans son décret du 19 avril : « Nous voulons créer une politique d’expérimentation, positive et scientifique ». C’est-à-dire une politique expérimentale s’opposant aux structures rigides, une politique positive face aux abstractions, et scientifique face au dogmatisme fomentateur des rivalités et des guerres.
Si nous nous en tenons à cette projection de la Commune, les changements techniques n’ont en rien changé notre objectif fondamental ; car l’action solidaire qui se rapporte aux faits scientifiques et à l’expérimentation ouverte doit nous conduire inévitablement à la coopération rationnelle et solidaire.
Pour apprendre de ses initiatives et rectifier les pas équivoques que nous indique l’histoire, nous rendons hommage à la Commune et nous sommes prêts à œuvrer toujours et sans cesse à l’émancipation des peuples.
Movimiento de Coordinación Sindical
Espagne – Mars 1971