La Presse Anarchiste

La Commune d’hier à aujourd’hui

Les com­mé­mo­ra­tions de la Com­mune ne man­que­ront pas. Du P.C.F. aux intel­lec­tuels bour­geois, en pas­sant peut-être — qui sait ? — par la très gou­ver­ne­men­tale télé­vi­sion, on évo­que­ra l’at­ten­dris­sante et tra­gique épo­pée. Mais il ne suf­fit pas pour nous de dire que « les com­mu­nards mon­tèrent à l’as­saut du ciel », il s’a­git d’en tirer les leçons.

1871 : Mal­gré la répres­sion poli­cière sous l’Em­pire, les tra­vailleurs s’organisent.

Le 18 mars, c’est l’in­sur­rec­tion armée ! Mais Engels aura beau dire : « La dic­ta­ture du pro­lé­ta­riat, c’est la Com­mune de Paris », les com­mu­nards de 1871 vou­laient, eux, détruire l’É­tat, bri­ser la machine bureau­cra­tique et mili­taire, et non la faire pas­ser dans leurs mains.

La Com­mune eut certes ses fai­blesses, ses insuf­fi­sances, ses erreurs… qui lui furent fatales. La révo­lu­tion bol­che­vique eut Crons­tadt, qui ne fut pas seule­ment un drame, mais bel et bien l’é­chec d’une révo­lu­tion et la fin des Soviets.

Avec l’ex­pé­rience sta­li­nienne, nous voyons à quel point la lutte achar­née des Com­mu­nards pour une cause vite déses­pé­rée prend de l’im­por­tance dans l’his­toire du mou­ve­ment ouvrier. Ce n’est pas une que­relle de pure forme entre mar­xistes et fédé­ra­listes, mais deux concep­tions de l’é­man­ci­pa­tion des tra­vailleurs qui, à ce stade, s’opposent.

Certes, iso­lée de la pro­vince, la Com­mune de Paris ne pou­vait rien sur­tout quand oubliant ses diver­gences la bour­geoi­sie inter­na­tio­nale venait en aide aux Ver­saillais : Bis­marck libère 100.000 pri­son­niers pour mater les communards.

Il man­quait à la Com­mune une orga­ni­sa­tion qui, recon­nais­sant les ten­dances au socia­lisme nais­sant, aurait, sur une base fédé­ra­tive, été capable de coor­don­ner les luttes. Il fal­lait cette orga­ni­sa­tion capable de fédé­rer les com­munes de France.

Ce que nous devons en revanche dénon­cer c’est cette opi­nion per­fi­de­ment répan­due par les adver­saires véri­tables de la Com­mune, bour­geois ou sta­li­niens, selon laquelle celle-ci mou­rut de la mul­ti­pli­ci­té de ses ten­dances. Au contraire, la Com­mune de 1871 fut la démons­tra­tion vivante et exal­tante de la démo­cra­tie ouvrière. Blan­quistes, anar­chistes, inter­na­tio­na­listes et autres coopé­rèrent à la construc­tion de la Com­mune. On constate d’ailleurs qu’aux moments les plus cru­ciaux, les majo­ri­tés et mino­ri­tés pas­sèrent au tra­vers des ten­dances. Dans ce domaine, la Com­mune donne un exemple.

Les filles de la Com­mune, ce furent d’a­bord les com­munes rurales d’A­ra­gon qui en 1936 pra­ti­quèrent la ges­tion directe de l’a­gri­cul­ture et réus­sirent même à éli­mi­ner la mon­naie ! Ce fut la révo­lu­tion hon­groise de1956, et plus près de nous les « évé­ne­ments » actuels de Pologne.

En 1956, en Hon­grie, tout un peuple se révolte contre l’ex­ploi­ta­tion de la bureau­cra­tie sta­li­nienne ; les ouvriers hon­grois se battent pour ins­tau­rer un véri­table socia­lisme tan­dis que la presse réac­tion­naire et les bureau­crates sta­li­niens s’ac­cordent pour ne voir dans cette révo­lu­tion qu’une réac­tion natio­na­liste et de petits-bourgeois.

Ensemble, ils ont sali la révo­lu­tion hon­groise qui était irré­cu­pé­rable pour les uns comme pour les autres. En véri­té, mal­gré le joug sta­li­nien et les bour­rages de crâne, les Hon­grois ont redé­cou­vert spon­ta­né­ment les formes natu­relles de lutte de la « Com­mune de Paris » et ont mon­tré aux tra­vailleurs la voie du socia­lisme. Il est bon de com­pa­rer les aspi­ra­tions des com­mu­nards et les reven­di­ca­tions des conseils ouvriers hongrois.

En 1871, les usines aban­don­nées sont remises aux asso­cia­tions ouvrières. En Hon­grie la ges­tion directe des usines par les conseils ouvriers est à l’ordre du jour.

Sous la Com­mune le trai­te­ment des fonc­tion­naires de l’ad­mi­nis­tra­tion et du gou­ver­ne­ment ne doit pas dépas­ser le salaire d’un ouvrier. Les Hon­grois demandent l’é­cra­se­ment de la hié­rar­chie des salaires.

En 71, l’ar­mée per­ma­nente ins­tru­ment de la bour­geoi­sie est rem­pla­cée par l’ar­me­ment du peuple. En Hon­grie, en 1956, on crée les milices ouvrières.

Les com­mu­nards veulent une fédé­ra­tion des com­munes de France. En Hon­grie les conseils ouvriers s’op­posent à la recons­truc­tion d’un nou­veau pou­voir bureau­cra­tique et, en se fédé­rant, s’ap­prêtent à assu­mer l’or­ga­ni­sa­tion du pays.

On n’a pas le droit de célé­brer en France la Com­mune de Paris quand on a lais­sé écra­ser dans le sang la révo­lu­tion hon­groise et quand on se tait — ou presque — devant les « évé­ne­ments » de Pologne !

Ne nous trom­pons pas, l’an­ni­ver­saire de la Com­mune ce n’est pas seule­ment une médaille que l’on astique ni un dra­peau noir ou rouge que l’on pro­mène devant le mur des Fédé­rés ; c’est une lutte inces­sante que la bour­geoi­sie réprime avec son État, ses curés en civil et ses flics ; c’est la lutte de tous les jours, ingrate et beso­gneuse avec de temps en temps ses juin 36, mai 68, ses Espagne, ses Hon­grie et ses Pologne.

Ce que les tra­vailleurs hon­grois et polo­nais ont décou­vert spon­ta­né­ment mal­gré l’emprise du sta­li­nisme, les tra­vailleurs fran­çais peuvent le retrou­ver à leur tour.

Il nous appar­tient à nous, mili­tants anar­cho-syn­di­ca­listes, d’a­gir pour que cela soit.

Agir avec notre classe, là où elle est orga­ni­sée et par­ti­cu­liè­re­ment dans les syn­di­cats puisque c’est par là que passe encore l’es­sen­tiel de la lutte des classes.

Fina­le­ment, la répres­sion de M. Thiers, les chars russes, et dans une moindre mesure les accords Mati­gnon et les accords de Grenelle,

« Tout ça n’empêche pas, Nico­las, qu’­la Com­mune n’est pas morte ! »

B. Bol­zer – S. Mahé.

Groupe de Nantes

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