La Presse Anarchiste

L’Oasis

C’est vrai, votre lumière vibre à l’in­fi­ni et vos pal­miers s’é­ventent et se saluent avec des grâces, et der­rière les dunes on voit s’en­fon­cer et tan­guer les cara­vanes du désert. Voi­ci la mer vio­lette qui som­meille dans une vasque d’ambre et les mina­rets blancs et les nuits qui ruis­sellent d’étoiles.

Nous connais­sons aus­si le charme de votre non­cha­lance et de votre sen­sua­li­té, de votre sagesse et de votre verbe, Orient ! Mais quelle ran­çon que l’a­néan­tis­se­ment au sein des choses !

Nous venons de l’Oc­ci­dent, nous autres. Nous, n’a­vons pas encore oublié la glèbe natale, la tré­pi­da­tion de nos villes de fer, nos pay­sages de brume et de neige. Des voix qui ne sont point les vôtres nous pour­suivent. Et nous sommes faits pour l’ef­fort tenace, pour les strictes dis­ci­plines, car notre per­son­na­li­té, c’est une labo­rieuse différenciation.

Par­don­nez-nous l’or­gueil que nous avons de vou­loir être nous-mêmes d’abord.

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L’Oa­sis est née de cet orgueil.

Entre­prise peut-être témé­raire que la for­ma­tion de ce groupe dans la ville d’A­lexan­drie, si l’on songe à cet empo­rium étrange dont l’ac­ti­vi­té gra­vite autour de la déesse aux yeux ban­dés qui fait et défait les for­tunes. Ah ! ce n’est point ici que les pen­sées tour­billonnent, que les ten­ta­tives d’art dressent de mul­tiples mirages pour vous séduire. C’est contre la tor­peur et, s’il faut le dire, contre un cer­tain dédain nar­quois qu’il fal­lait lut­ter dans une ville qui fut la cité des néo-platoniciens.

Entre­prise sin­gu­liè­re­ment favo­ri­sée, si l’on songe à ce car­re­four du monde où se mêlent tant de peuples et tant de religions.

L’Oa­sis se don­nait la tâche spé­ciale d’é­tu­dier les carac­tères de l’âme fran­çaise contem­po­raine ; mais elle ouvrait lar­ge­ment son champ d’in­ves­ti­ga­tions, accueillait toutes les dépo­si­tions, étant per­sua­dée que les peuples ont inté­rêt à se connaître et que la paix uni­ver­selle est a ce prix.

Un jeune public enthou­siaste répon­dit d’a­bord à l’ap­pel. Le groupe de GRAMMATA nous appor­ta une aide pré­cieuse. Des confé­rences furent faites dont la série fut mal­heu­reu­se­ment trop tôt inter­rom­pue. Mais c’est pour pro­lon­ger, ren­for­cer et aus­si pré­ci­ser l’ac­tion de ces cau­se­ries que paraissent, aujourd’­hui, de par la volon­té du groupe : LES CAHIERS DE L’OASIS.

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Ceux qui assument la tâche de rédi­ger cette revue déclarent, d’a­bord, qu’aux prises avec les innom­brables pro­blèmes de l’art et de la pen­sée, ils ne par­le­ront qu’en leur nom per­son­nel. Ce n’est pas qu’ils songent à impo­ser leurs pré­fé­rences, leurs conclu­sions au public de l’Oa­sis ou d’ailleurs. Mais ils estiment qu’une revue, pour vivre, doit choi­sir sa nour­ri­ture et reje­ter sans hési­ta­tion ce qu’elle ne peut s’as­si­mi­ler, comme tout être vivant, comme eux-mêmes.

Ils pensent que l’homme ne peut plus se refu­ser à l’é­tude des faits sociaux, s’il veut com­prendre son temps et que l’ar­tiste, en par­ti­cu­lier, parce qu’il est homme, s’il veut faire œuvre belle et neuve, c’est dans la vie de son époque qu’il doit plonger.

Ils pensent que c’est, consi­dé­rés dans leur dépen­dance mutuelle, que l’art, l’homme et la socié­té prennent une signi­fi­ca­tion défi­ni­tive et des aspects harmonieux.

Ils pensent enfin que la Vie, créa­tion inces­sante, est tour­née vers l’a­ve­nir où se pro­jette un idéal de jus­tice et de liber­té, seul capable de sus­ci­ter leur enthou­siasme. Et c’est à côté des bâtis­seurs de l’a­ve­nir qu’ils vien­dront, modes­te­ment, mais réso­lu­ment, prendre leur place.

La Rédac­tion

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