La Presse Anarchiste

Chronique juridique

Chaque numé­ro de notre jour­nal com­por­te­ra un article trai­tant de la juri­dic­tion sociale et en par­ti­cu­lier du fonc­tion­ne­ment des conseils de prud’­hommes qui servent de moyen de recours aux tra­vailleurs dans les conflits par­ti­cu­liers qui les opposent aux employeurs : paie­ment de salaire, heures sup­plé­men­taires, indem­ni­tés de congés payés, indem­ni­té pour rup­ture de contrat, indem­ni­té de pré­avis, etc. Tout d’a­bord pour com­prendre le fonc­tion­ne­ment de cette juri­dic­tion nous allons en exa­mi­ner la nature. Le conseil des prud’­hommes est com­po­sé pari­tai­re­ment de repré­sen­tants élus ouvriers et employeurs, ils ont à juger des affaires dépo­sées au secré­ta­riat (pour Paris des employés de la pré­fec­ture de Paris) qui assument les fonc­tions de répar­tir les affaires aux dates où se réunit le conseil, tou­jours pour Paris une fois par semaine ; la pre­mière com­pa­ru­tion à laquelle l’employeur est invi­té à venir est une ten­ta­tive de conci­lia­tion. (Rien ne lui fait obli­ga­tion de se déran­ger.) S’il est pré­sent deux conseillers, l’un employeur l’autre ouvrier, ten­te­ront de conci­lier les deux par­ties ; en géné­ral, s’il y a conci­lia­tion ce sera tou­jours une cote mal taillée, donc pré­ju­di­ciable au tra­vailleur. Pre­mier point qui démontre bien que fonc­tion­nant d’une façon pari­taire le tri­bu­nal des prud’­hommes dans son esprit tente de mini­mi­ser les fautes patro­nales, tou­jours le deman­deur doit appor­ter la preuve du pré­ju­dice qui lui a été cau­sé, alors qu’en droit com­mun (tri­bu­nal cor­rec­tion­nel) c’est l’ac­cu­sé qui doit faire la preuve qu’il est inno­cent des faits qui lui sont repro­chés. Deux poids, deux mesures ; de même en droit com­mun la loi punit la réci­dive par des peines aggra­vées, lorsque le même délit est com­mis dans une période de cinq années sui­vant le pre­mier. Il n’en est rien en ce qui concerne la juri­dic­tion prud’­ho­male. Nous y revien­drons quand nous abor­de­rons le fonc­tion­ne­ment du bureau géné­ral (bureau de juge­ment du conseil). En droit com­mun quand la vic­time d’un pré­ju­dice quel­conque porte plainte, le Par­quet déclenche une com­mis­sion roga­toire, c’est-à-dire enquête et recherche celui ou ceux contre qui la vic­time a por­té plainte. Il n’en est mal­heu­reu­se­ment pas de même pour les infrac­tions au code du tra­vail dont sont vic­times les tra­vailleurs, par exemple lors d’une faillite c’est aux tra­vailleurs de retrou­ver le ou les res­pon­sables de la socié­té dont le bilan a été dépo­sé et qui ont mis la clé sous la porte la plu­part du temps, il ou ils n’ont pas lais­sé d’a­dresse et, mieux, leurs biens sont juri­di­que­ment à l’a­bri étant au nom de leur épouse ou d’un quel­conque membre de la famille. Là encore les tra­vailleurs doivent agir par eux-mêmes, dépis­ter l’employeur en fuite, de même pour les créances ou le maté­riel qui peut être dis­si­mu­lé et ain­si sous­traits au liqui­da­teur. Pas plus qu’il ne faut oublier que seuls les salaires dus dans le mois qui pré­cède le dépôt de bilan sont super­pri­vi­lé­giés c’est-à-dire pas­se­ront avant le fisc et la S.S. dans la mesure où le liqui­da­teur pour­ra réa­li­ser de l’argent par recou­vre­ment de créances (s’il y en a) ou par la vente de maté­riel ou biens que la socié­té pour­rait avoir. Dans la mesure où ces condi­tions favo­rables sont réunies il se sera pas­sé une année avant que les tra­vailleurs puissent per­ce­voir une par­tie des salaires impayés. La mal­hon­nê­te­té patro­nale péna­lise seule­ment les sala­riés ; jus­tice de classe bour­geoise au ser­vice de cette même bour­geoi­sie, exemple entre tant d’autres de ce qu’a­mène aux tra­vailleurs l’in­té­gra­tion d’un orga­nisme de défense dans les rouages de l’É­tat ; le pro­chain article aura trait au fonc­tion­ne­ment du bureau géné­ral (bureau de jugement).

R. Hoyez

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