La Presse Anarchiste

Grève à « Jeune Afrique »

Les tra­vailleurs de l’heb­do­ma­daire pro­gres­siste « Jeune Afrique » ont déci­dé le 11 mars, la grève illi­mi­tée avec occu­pa­tion des locaux, pour pro­tes­ter contre le licen­cie­ment de 18 des leurs.

Fin décembre, pour cause d’ir­ren­ta­bi­li­té de l’a­te­lier de com­po­si­tion, la direc­tion annonce un licen­cie­ment pro­chain de sept ouvriers de cet ate­lier. Afin d’exa­mi­ner la vali­di­té des argu­ments patro­naux, ces tra­vailleurs chargent plu­sieurs d’entre eux de se réunir en com­mis­sion d’en­quête et de recher­cher les causes de cette non-rentabilité.

Cette com­mis­sion dépose à la direc­tion un docu­ment de 14 pages, dans lequel, à l’aide de faits indis­cu­tables, était démon­tré que les tra­vailleurs n’é­taient pas res­pon­sables des erreurs de gestion.

Depuis moins de deux ans, un nou­veau direc­teur a été nom­mé par la Socié­té « Presses afri­caines asso­ciées » : M. Ben Yah­med. Il en résulte une désor­ga­ni­sa­tion interne de l’heb­do­ma­daire édi­té par les P.A.A., que l’on en juge :

« En réa­li­té, disent les cama­rades de “J. A.”, nous fai­sons trois canards pour n’en sor­tir qu’un : les copies que la rédac­tion donne dorment sur le bureau du direc­teur, aucun texte n’est cali­bré, des articles — dont un tiers seule­ment figu­re­ra dans le jour­nal — sont com­po­sés sans plan­ning, par­fois sans pou­voir être cor­ri­gés. Les pre­miers jours de la semaine, il n’y a pra­ti­que­ment pas de tra­vail, mais à par­tir du jeu­di ou du ven­dre­di. Nous sommes obli­gés de faire des heures sup­plé­men­taires pour bou­cler la publication.

« En outre le direc­teur artis­tique confond maquette et let­trisme, pour lui le texte n’est qu’un pré­texte ; ses maquettes sont refaites à tous les stades de la fabri­ca­tion, jus­qu’en oza­lid, jugez du prix. La mai­son a refon­du des tonnes de plomb com­po­sées pour rien. S’il y a irren­ta­bi­li­té et incom­pé­tence ce n’est pas dans les ate­liers et les ser­vices qu’il faut les cher­cher ! Ce sont les res­pon­sables qui essaient de nous faire payer leurs erreurs ! »

Les gré­vistes ont le sou­tien de la F.F.T.L. (C.G.T.) du S.N.J., de F.O. et l’ap­pui de la C.F.D.T. Il est anor­mal que des tra­vailleurs soient sanc­tion­nés pour des fautes pro­fes­sion­nelles qui ne leur sont pas impu­tables. Voi­là encore une preuve du désordre orga­ni­sé du capital !

Après avoir vu les conclu­sions de la com­mis­sion d’en­quête, la direc­tion a fait une fuite en avant et décide de fer­mer l’a­te­lier de composition.

18 tra­vailleurs se trouvent ain­si sans tra­vail, dont 16 syn­di­qués et 6 délé­gués du per­son­nel et 2 du C.E. C’est alors que les cama­rades de « J.A. » ont déci­dé la grève. La direc­tion leur pro­pose alors de trans­for­mer l’a­te­lier de com­po­si­tion en coopé­ra­tive. Les gré­vistes ne tombent pas dans ce pan­neau patro­nal. Com­ment auto­gé­rer un seul ate­lier d’une entre­prise, alors que la direc­tion le rend conti­nuel­le­ment non ren­table et défi­ci­taire ? En consé­quence l’as­sem­blée géné­rale quo­ti­dienne des gré­vistes, sou­ve­raine rejette la pro­po­si­tion, et le patron de publier dans la presse bour­geoise que ses employés sont des esclaves qui refusent la liberté !

Il sem­ble­rait que ce jour­nal, s’a­dres­sant à l’in­tel­li­gent­sia afri­caine (abon­ne­ment annuel équi­va­lant en Afrique à 1.500 francs fran­çais), soit sub­ven­tion­né par des finan­ciers proches des gou­ver­ne­ments afri­cains. On a dû s’in­quié­ter de sor­ties trop abon­dantes d’argent… Les res­pon­sables ont été vite trouvés.

Sou­te­nons les cama­rades de « J.A. » dans leur lutte pour la satis­fac­tion de leur reven­di­ca­tion : que les direc­teurs conservent l’a­te­lier de com­po­si­tion et qu’ils apprennent leur travail !

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