La Presse Anarchiste

Grève dans les P.T.T.

Si nous devions tra­duire par un seul mot le sen­ti­ment géné­ral des pos­tiers d’Or­ly centre de tri, au sujet de l’an­née d’ac­tion syn­di­cale écou­lée, nous dirions : DECEPTION !

Décep­tion car en deux occa­sions bien pré­cises (mars et octobre-novembre), le per­son­nel a fait preuve d’une grande com­ba­ti­vi­té et d’une grande uni­té et c’est jus­te­ment dans ces moments-là qu’il a essuyé les plus gros échecs…

Le Comi­té de base consi­dère, cepen­dant, que ces échecs ne sont pas néga­tifs : ils contiennent en eux-mêmes de pré­cieux ensei­gne­ments. C’est en ana­ly­sant les causes que les effets pour­ront être mieux connus, donc contrôlés.

Cette ana­lyse faite, il nous sera plus facile d’ex­pri­mer notre opi­nion sur l’ac­tuel mouvement.

200.000 grévistes

À pre­mière vue, 200.000 pos­tiers dans la même grève signi­fie que les reven­di­ca­tions avan­cées sont effec­ti­ve­ment mobilisatrices.

Un mois plus tard, alors qu’au­cune de ces reven­di­ca­tions n’a eu un com­men­ce­ment d’a­bou­tis­se­ment, cette évi­dence n’en est plus une !

EST-CE LA FAUTE DES 200.000 POSTIERS ? ONT-ILS ÉTÉ CONSULTÉS POUR ABANDONNER SANS RAISON CETTE GRÈVE GÉNÉRALE ?

Pre­mière contra­dic­tion entre la volon­té uni­taire du per­son­nel et la stra­té­gie diver­gente des cen­trales syn­di­cales après le 30 octobre.

Du ter­rain « grève géné­rale des P.T.T. », l’ac­tion est rame­née à la grève de branche « bureaux-gares et gros centres de tri ». Notre com­ba­ti­vi­té, cepen­dant, n’en est pas enta­mée. Au contraire, nos reven­di­ca­tions par­ti­cu­lières sont si impor­tantes et le moment si pro­pice à l’ac­tion que le per­son­nel était déci­dé à dur­cir le mou­ve­ment. La grève n’é­tait plus un but en elle-même (comme elle l’est trop sou­vent), mais le moyen choi­si pour aller jus­qu’au succès !

Le style de grève tour­nante éta­lée sur toute une semaine est effi­cace. Dur­cir l’ac­tion vou­lait donc dire renou­ve­ler cette for­mule autant de fois que cela serait néces­saire, sans pertes de temps inutiles et sur­tout pen­dant la « période » de fin d’an­née ! Ain­si, l’ad­mi­nis­tra­tion aurait sup­por­té une gêne maxi­mum (impos­si­bi­li­té de résor­ber le tra­fic d’une grève à l’autre d’où effet de boule de neige…); alors que le per­son­nel ne sup­por­tait qu’un mini­mum de rete­nues sur son salaire.

À par­tir d’une telle réso­lu­tion, on n’a pas besoin d’un mois pour repar­tir. Dès la reprise, le 28 novembre, les assem­blées géné­rales du per­son­nel auraient pu déci­der de la recon­duc­tion de la grève… le reste n’é­tait que coordination.

« D’ac­cord, cama­rades », nous a assu­ré Le Guern la féde C.G.T.

« D’ac­cord ! » nous a répé­té Pre­vost de la région pari­sienne C.F.D.T.

Mais deux syn­di­cats d’ac­cord avec le même per­son­nel ne sont pas néces­sai­re­ment d’ac­cord entre eux.

Leur réunion tar­dive du 11 décembre est là pour démon­trer ce théo­rème de la divi­sion syndicale !

UNE NOUVELLE FOIS, LA CONTRADICTION ENTRE L’UNITÉ À LA BASE ET LA DIVISION DES SOMMETS « REPRÉSENTATIFS », A ÉCLATÉ.

À la lumière de ces ensei­gne­ments, cha­cun réagit à sa façon. Cer­tains (ils sont nom­breux) en tirent une conclu­sion que nous pour­rions appe­ler « défai­tiste » : « on s’est fichu de nous, la pro­chaine fois je ne sor­ti­rai pas ! ».

Au Comi­té de base, nous ne pen­sons pas qu’une telle démarche indi­vi­duelle soit posi­tive. La solu­tion de rechange à une démis­sion syn­di­cale ne peut être trou­vée dans l’i­nac­tion indi­vi­duelle sans, qu’en fait, celle-ci jus­ti­fie celle-là.

D’autres cama­rades, tous aus­si écœu­rés, sor­ti­ront quand même : 

« Parce qu’il est impen­sable de bos­ser pen­dant que des copains font la grève ! ».

« Parce que les reven­di­ca­tions sont justes ! »

« Parce que tout échec de grève est une vic­toire patronale ! »

Si cette posi­tion parait plus convain­cante, elle souffre d’une insuf­fi­sance com­mune à la pré­cé­dente démarche : elle n’ap­porte abso­lu­ment aucune cor­rec­tion aux erreurs pas­sées res­pon­sables de l’é­cœu­re­ment d’aujourd’hui.

Faute de cela, il n’y a pas de rai­son que ces erreurs ne se renou­vellent pas, toujours !

Oui, les reven­di­ca­tions sont impor­tantes. Trop par rap­port aux maigres pers­pec­tives de lutte qui nous sont pro­po­sées sans consultation.

Que faire ?

Nous nous retrou­vons dans les mêmes condi­tions qu’a­vant la grève d’oc­tobre 1970 : recom­men­ce­rons-nous les mêmes erreurs ?

Le Comi­té de base d’Or­ly C.T. est convain­cu que si nous aban­don­nons encore une fois la direc­tion de notre grève à des cen­trales syn­di­cales anta­go­nistes, les mêmes causes pro­dui­ront les mêmes effets néfastes !

Au contraire, si nous conve­nons, une fois pour toutes, que per­sonne ne peut défi­nir, mieux que les inté­res­sés eux-mêmes, les reven­di­ca­tions et les moyens pour les faire abou­tir, nous nous don­ne­rons les seules chances de succès :
– POUVOIR DE DÉCISION AUX ASSEMBLÉES GÉNÉRALES DU PERSONNEL.
– COORDINATION PAR COMITÉS DE GRÈVES ÉLUS PAR LES A.G.
– LA DIRECTION DE LA GRÈVE À CEUX QUI LA FONT !

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