En fonction du climat que nous décrivons dans le début de l’article quelle a été la réaction du personnel d’Orly et vis-à-vis de la grève nationale des P.T.T. de février ?
L’action proposée par les centrales était, par son côté improvisé et sa durée trop limitée, inadaptée aux buts à atteindre. Il aurait fallu pour démontrer notre détermination, dépasser les limites des 24 heures. La combativité se prouve essentiellement par l’action. Au Comité c’est ce que nous pensions et que nous proposions au personnel.
Le personnel n’a pas durci la grève. Au contraire, il a préféré exprimer sa désapprobation pour ce « mouvement » en ne le suivant pas !
Ainsi, dans les brigades de nuit, les pourcentages de grévistes ont été de 12% et 25% alors qu’ils étaient de plus de 65% et 90% en octobre-novembre derniers.
Afin que ce refus d’une action déterminée ne soit pas interprété comme un manque de combativité, ces non-grévistes ont voulu signifier par écrit le sens de leur protestation. Près de 220 d’entre eux ont dans ce but, signé une motion destinée aux trois fédérations syndicales et aux responsables syndicaux des bureaux-gares parisiens ainsi qu’à ceux des gros centres de tri de province.
Voici le texte de celle-ci :
[(Motion
Le 3 – 2‑71 et le 5 – 2‑71.
Les postiers d’Orly Centre de Tri syndiqués et non-syndiqués suivants ne participent pas à la grève actuelle pour les raisons suivantes :
- Grève décidée sans consultation préalable des intéressés.
- Déception (malgré leur combativité restée entière) à la suite de l’arrêt des actions engagées en octobre et novembre, alors que les revendications avancées n’étaient nullement satisfaites.
Le personnel considère en outre que les moyens d’action doivent être définis par lui au cours d’assemblées générales définissant une priorité et un choix dans les revendications.)]
QUE PENSER D’UNE TELLE MOTION ? QUELS EN SERONT LES EFFETS ?
À première vue, nous pourrions faire la remarque suivante : S’il arrive un jour (nous le souhaitons proche!) que la base détienne directement le pouvoir de décision et la direction des luttes, ce ne sera pas parce qu’elle se le sera approprié aux dépens de celles-ci.
Cependant, le fait qu’une telle protestation ait eu lieu et recueille l’assentiment d’une large partie du personnel montre que quelque chose a changé dans l’esprit des camarades d’Orly.
Ils ne veulent plus être des pions, des fantassins que des états-majors rivaux déplacent sur le front des luttes sociales.
Ils sentent bien, même s’ils n’arrivent pas à l’expliquer clairement, que les raisons de la pluralité syndicale sont basées sur des antagonismes d’opinions et d’intérêts particuliers de chapelle, alors qu’à leur niveau, les conditions de travail et de vie imposées à tous par l’administration, entraînent par réaction l’unité des travailleurs et le sens des intérêts communs à défendre.
Une telle démarche était impensable il y a seulement deux ans. Dans de telles circonstances on suivait ou on ne suivait pas. Il n’y avait pas d’autres alternatives ! Aujourd’hui, les camarades demandent, aux fédés, la permission de choisir les revendications et les moyens pour les faire aboutir. Demain, ils se rendront compte qu’il leur faudra aussi diriger, eux-mêmes, leur grève et la coordonner à partir de leurs lieux de travail.
Quels seront les effets immédiats de cette motion ?
Sans doute, la proximité des élections paritaires aidant, les fédés vont-elles faire un effort de consultation de la base. Nous aurons le pouvoir de réaffirmer nos revendications particulières à chacune des centrales, sans pour autant pouvoir décider effectivement de l’action. Peut-être, à partir de notre détermination actuelle. Un mouvement sera-t-il prévu dans la fourchette séparant les « municipales » de Pâques ou Pâques des grandes vacances. Mais rien n’aura changé fondamentalement !
Le seul changement notable, nous le répétons, se produit dans l’esprit de nos camarades et si, au Comité, nous en regrettons les limites actuelles, nous constatons avec satisfaction que cela va dans le sens de la prise de conscience. Dans l’édification de celle-ci, nous pensons, en toute modestie, que nous avons apporté notre pierre et que nous continuerons à l’apporter.
Le Comité de base d’Orly C.T.
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À PARIS TRI-PL 19 (plus de 1500 postiers travaillent dans ce Renault des PTT) un camarade a diffusé quelques dizaines de notre dernier bulletin.
Pour les mêmes raisons qu’à Orly centre de tri, sans doute, la grève a moins bien marché qu’à l’habitude. Le responsable CGT de ce bureau a sur ce point une explication différente de la nôtre bien sûr : « c’est la faute au Comité de base d’Orly » ! Il a le droit de penser cela ! Avait-il, pour autant le droit de menacer notre camarade ainsi : « on n’est pas des salauds ; on t’avertit à l’avance ; mais si tu rediffuses ce bulletin, nous te dénonçons à l’administration ! ».