La Presse Anarchiste

Pratique quotidienne de la lutte des classes

Les mili­tants ouvriers sont quo­ti­dien­ne­ment confron­tés à un pro­blème cru­cial : com­ment avoir une pra­tique révo­lu­tion­naire dans la vie de tous les jours ? Dans les usines, nous enten­dons presque chaque jour le slo­gan de la C.G.T., « la riposte s’im­pose », de la C.F.D.T., « l’ac­tion, c’est plus sûr» ; dans la rue, ce sont les appels à l’ac­tion des trots­kystes, des maoïstes, des socia­listes uni­fiés, etc. Mal­gré leurs appels, aucune de ces ten­dances du mou­ve­ment révo­lu­tion­naire n’a pu mobi­li­ser les masses ; seuls les syn­di­cats y par­viennent quoique cela ne se fasse que très par­tiel­le­ment et sur des objec­tifs limités.

Que pré­co­nisent les anar­cho-syn­di­ca­listes et syn­di­ca­listes révolutionnaires ?

Par notre mani­feste, nous appe­lons à la lutte de classes d’ac­tion directe et révo­lu­tion­naire et pré­ci­sons que l’ac­tion syn­di­ca­liste est à la fois la lutte reven­di­ca­tive pro­pre­ment dite – c’est-à-dire la lutte pour l’a­mé­lio­ra­tion immé­diate de nos condi­tions d’exis­tence – ain­si que l’ac­tion sociale qui doit se char­ger de toutes les facettes de la vie de l’in­di­vi­du (loge­ment, trans­port, impôts, etc.). Or, tous les révo­lu­tion­naires orga­ni­sés en avant-gardes, grou­pus­cules, par­tis, essaient de sépa­rer ces deux types d’ac­tion qui sont les deux volets com­plé­men­taires et indi­vi­sibles de l’ac­tion syn­di­ca­liste authentique.

Leur but ? désar­mer les syn­di­cats de façon à les atta­quer pour leur inef­fi­ca­ci­té et s’en ser­vir dans leur pro­pa­gande de cha­pelle ; leurs slo­gans, seule l’A.J.S., seule la Ligue com­mu­niste…, rap­pellent sans cesse qu’ils sont, selon eux, les seuls et uniques à envi­sa­ger la lutte de classes sur toutes les facettes de la condi­tion ouvrière. Nous savons, nous qui sommes sur les lieux de tra­vail, dans les H.L.M. ou dans les deux der­niers étages des immeubles anciens de Paris com­bien leurs pré­ten­tions sont erro­nées et men­son­gères. Nous ne pou­vons attendre autre chose d’in­di­vi­dus qui ne connaissent ni mani­velles, ni planches à des­sin, ni même oscil­lo­scopes… En clair, ils ont sur­tout peur que les tra­vailleurs les com­prennent trop bien et les com­battent en tant qu’obs­tacles à leur éman­ci­pa­tion, et en ce sens là ils ont rai­son. Nous pen­sons, quant à nous, que cette méthode ne vise sur­tout qu’à empê­cher la classe ouvrière d’ac­qué­rir ses propres capa­ci­tés auto­ges­tion­naires et qu’à jus­ti­fier l’exis­tence des par­tis poli­tiques. Les ouvriers savent très bien que, quel que soit le par­ti au pou­voir — « C’est tou­jours les mêmes ! » — ils seront exploi­tés de la même façon, au nom de la gran­deur natio­nale, et oppri­més par la même armée, les mêmes gen­darmes. Les par­tis poli­tiques, tout comme les avant-gardes mar­xistes-léni­nistes, dési­rent en fait chan­ger les musi­ciens… mais pas la musique.

En uti­li­sant leurs méthodes d’ac­tion, ils n’ar­rivent qu’à muti­ler les syn­di­cats dans leurs luttes sans rien don­ner en contre­par­tie, et si aujourd’­hui les tra­vailleurs des usines, comme ceux des champs, connaissent les syn­di­cats tels qu’ils sont, bureau­cra­tiques, bête­ment réfor­mistes et com­plè­te­ment ou par­tiel­le­ment liés à un par­ti poli­tique, la faute en revient à ceux qui limitent l’en­ver­gure de l’ac­tion syn­di­cale. Aujourd’­hui, com­mu­nistes, trots­kystes, maoïstes et socia­listes uni­fiés en inju­riant comme ils le font les orga­ni­sa­tions ouvrières, ou flat­tant leur immo­bi­lisme comme le fait le P.C.F., ne font que confir­mer leurs agis­se­ments des­truc­tifs contre les ten­ta­tives de la classe ouvrière d’être elle-même.

Pour nous, anar­cho-syn­di­ca­listes et syn­di­ca­listes révo­lu­tion­naires, aucun pro­blème n’est étran­ger au syn­di­cat ; il doit exer­cer son action sur tous les sec­teurs de la lutte ouvrière : éco­no­mique, poli­tique et social. Ce qui ne veut pas dire que nous vou­lons que les syn­di­cats deviennent des organes poli­tiques au sens vul­gaire, autre­ment dit qu’ils se pro­noncent et par­ti­cipent à l’ac­tion par­le­men­taire et gou­ver­ne­men­tale, mais que face aux déci­sions antiou­vrières et anti­pay­sannes des struc­tures éta­tiques, en toute indé­pen­dance et auto­no­mie, ils opposent à la réac­tion et au tota­li­ta­risme la force contes­ta­taire et construc­tive des tra­vailleurs. Aus­si l’Al­liance demande à tous ses mili­tants syn­di­qués d’être les plus actifs dans leur syn­di­cat, de déve­lop­per en leur sein l’i­dée que le syn­di­cat est l’or­ga­ni­sa­tion essen­tielle de la classe ouvrière, d’être les plus com­ba­tifs des délé­gués du per­son­nel — et si pos­sible, les meilleurs —, de se dres­ser face au réfor­misme et aux frac­tions poli­tiques syn­di­cales de toute leur vigueur, sans pour autant que leur oppo­si­tion ne soit que néga­tive mais au contraire la plus construc­tive possible.

Les mili­tants de l’Al­liance refu­se­ront tou­jours l’ac­tion « kami­kase » pra­ti­quée par les maoïstes ou l’ac­ti­vi­té « parois­siale » des autres mar­xistes-léni­nistes. Il ne s’a­git pas d’a­gir pour agir, mais d’être tou­jours sur le ter­rain de la lutte de classes dans la pers­pec­tive de l’é­man­ci­pa­tion des tra­vailleurs par eux-mêmes. Pour cela, les mili­tants de l’Al­liance défen­dront l’i­dée de l’ac­tion directe, c’est-à-dire toute forme d’ac­tion exer­cée direc­te­ment par les tra­vailleurs eux-mêmes sans inter­mé­diaires, tels que par­tis poli­tiques, pra­tique par­le­men­taire, etc. Ils seront aus­si les pre­miers des « réfor­mistes », sans pour cela qu’au­cune des réformes reven­di­quées ne puisse ser­vir le capi­ta­lisme à sur­mon­ter ses contra­dic­tions, ni à l’ad­mi­nis­trer mieux que les bour­geois eux-mêmes. Il s’a­git d’ou­vrir des brèches quand cela amé­liore dans les faits et dura­ble­ment la condi­tion ouvrière. Aux exal­tés qui s’op­posent à cette forme d’ac­tion quo­ti­dienne, nous leur deman­dons d’al­ler dans les usines pro­po­ser aux ouvriers d’a­ban­don­ner la lutte pour les qua­rante heures ou de renon­cer aux congés payés, par exemple.

Les mili­tants de l’Al­liance pra­ti­que­ront tou­jours et par­tout l’ac­tion révo­lu­tion­naire, à savoir :
– tout ce qui bou­le­verse les struc­tures sociales et men­tales actuelles dans le sens de la soli­da­ri­té et de l’é­man­ci­pa­tion natio­nale et inter­na­tio­nale des tra­vailleurs, seule voie au socia­lisme authentique,
– tout ce qui tend à créer des rap­ports de soli­da­ri­té et de réci­pro­ci­té dans le sens de la liber­té et de l’égalité.

L’ac­tion des mili­tants de l’Al­liance ne vise pas à noyau­ter les syn­di­cats mais à faire entendre leur voix, à faire en sorte que nos orga­ni­sa­tions rede­viennent de véri­tables confé­dé­ra­tions d’ac­tion directe et révo­lu­tion­naire. C’est en ce sens, et ce sens seule­ment, que la classe ouvrière rede­vien­dra socia­liste et révo­lu­tion­naire. Tous ceux qui s’op­posent à ce que les tra­vailleurs des usines et des champs prennent conscience de leurs facul­tés construc­tives et orga­ni­sa­trices dans une voie socia­liste et liber­taire n’as­pirent qu’à la domi­na­tion, au pou­voir, aux privilèges.

L’ex­pé­rience de l’U.R.S.S. est tou­jours pré­sente dans l’es­prit des tra­vailleurs pour qu’ils ne tombent pas dans le miroir aux alouettes des mar­xistes-léni­nistes et des réfor­mistes, mais qu’ils luttent afin que la classe ouvrière se donne les moyens de vaincre le capi­tal et de bâtir la socié­té sans classes ni État. Fai­sons nôtre la devise de la Pre­mière Inter­na­tio­nale : « l’é­man­ci­pa­tion des tra­vailleurs sera l’œuvre des tra­vailleurs eux-mêmes ». Ou ne sera pas.

Région pari­sienne de l’Alliance

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