La Presse Anarchiste

Dans notre courrier

[(Suite à la paru­tion du notre n°13, le cama­rade H. Rüdi­ger de la S.A.C. (Anar­cho-sndi­ca­listes de Suède) nous avait envoyé un mot concer­nant l’article rela­tif à la « Beat Gene­ra­tion » (La Révolte de la Jeu­nesse), dans lequel il disait, à pro­pos du phé­no­mène plus spé­ci­fi­que­ment sué­dois, que « ces phé­no­mènes sont inté­res­sants, nais il est dif­fi­cile de les inter­pré­ter et d’en tirer des conclusions…»

À cela, nous répon­dions en deman­dant au cama­rade de rédi­ger ce qu’il pen­sait, lui, de ce pro­blème. En tant qu’anarcho-syndicaliste, et aus­si en tant qu’habitant de la Suède (où, rap­pe­lons-le, de vio­lentes mani­fes­ta­tions de jeunes eurent lieu, ces der­nières années, à plu­sieurs reprises et en plu­sieurs endroits. À Stock­holm notamment.).

Nous rece­vons, in extre­mis, une lettre de lui, d’où nous extra­yons les pas­sages suivants : )]

(…) « Il est vrai, il faut étu­dier le pro­blème de la jeu­nesse, et nous le fai­sons d’une façon per­ma­nente. Il n’y a aucune théo­rie offi­cielle ou défi­ni­tive pour expli­quer ces faits [[« Ces faits » : « Je ne pense pas seule­ment à cer­taines formes d’agressivité qui se sont pro­duites, mais aus­si au nou­veau « style de vie » des jeunes, à des pro­vo­ca­tions inno­centes et à l’indifférence poli­tique et sociale, au mépris des idées, etc. »]], et aucun remède abso­lu et sûr.

Maté­riel­le­ment : les appar­te­ments des familles sont trop petits ; les jeunes gagnent bien et ne savent pas quoi faire de leur argent ; éthi­que­ment : c’est une jeu­nesse sans idées, sans idéal social. Mais, comme il est natu­rel, elle est pleine de vita­li­té, comme les jeunes tou­jours. Ils font leur « révo­lu­tion sans idées », ils ont un besoin (natu­rel et jus­ti­fié) de se sépa­rer des adultes, de trou­ver un autre « style ». À tout prix. Un style sans contenu.

Puis, il y a une autre chose : la fin, l’effondrement de toutes les idéo­lo­gies. Les jeunes n’aiment plus les « grandes idées » qui ont appor­té trop de mal­heurs à l’humanité. C’est aus­si vrai. Mais leur rébel­lion est pure­ment maté­ria­liste, parce que le vide rem­place les idéologies.

Je ne veux pas essayer de par­ler des remèdes. C’est très dif­fi­cile. Il y a mille remèdes, et c’est tou­jours indi­vi­duel. Il faut de la patience et ne pas accu­ser ou condam­ner. Le salut peut seul venir de la jeu­nesse elle-même.

Je pense aus­si que l’appel à la lutte sociale, conçue éco­no­mi­que­ment, a per­du son sens pour cette jeunesse.

Voi­là quelques idées. Mais c’est tout à fait per­son­nel et je n’ai aucun pro­gramme, ni rien. Il faut être modeste. Je tâche de voir une espèce de libé­ra­tion aus­si dans la nou­velle atti­tude des jeunes – la libé­ra­tion du joug des « grandes idées ». Mais c’est une liber­té vide de sens. Il faut poser la ques­tion de Nietzsche : il n’est pas inté­res­sant wovon (de quoi) je suis libre, mais wozu, c’est-à-dire ce que je veux faire de ma liber­té, con contenu. (…)

La Presse Anarchiste