La Presse Anarchiste

Pour ouvrir le dossier de la Révolution espagnole

Il est impos­si­ble de com­pren­dre la révo­lu­tion espag­nole en ouvrant une étude au 18 juil­let 1936, il serait égale­ment arti­fi­ciel d’expliquer cette révo­lu­tion en com­mençant avec la péné­tra­tion des idées social­istes en général et anar­chistes en par­ti­c­uli­er à la fin du siè­cle dernier.

Le cama­rade Atchenko a mon­tré dans « Rava­chol » n°1 com­ment toute étude du mou­ve­ment de Makhno en Ukraine devait se référ­er à la tra­di­tion plusieurs fois cen­te­naire des cosaques libres du Dniepr. Ces cosaques rebelles à toute autorité, éta­tique, féo­dale ou cléri­cale, refu­sait toute sépa­ra­tion de classe, tout racisme, tout nation­al­isme, pra­ti­quaient la col­lec­tivisme, l’auto-organisation et se livraient à des activ­ités guer­rières, révo­lu­tion­naires se traduisant notam­ment par des expro­pri­a­tiens. – En dernière analyse l’apport orig­i­nal et décisif de l’anarchisme et de Makhno sem­ble être la sub­sti­tu­tion de l’athéisme à la vague reli­giosité ortho­doxe des cosaques zaperogues. – 

« L’ouvrage “par­fait”, exhaus­tif, sur le makhno­visme devrait compter trois par­ties dont l’ordre et les titres seraient les suivants :

  1. His­toire de l’Ukraine : le tra­di­tion cosaque
  2. L’Anarchisme théorique et son influ­ence sur le makhnovchtchina.
  3. Makhno, le makhno­visme et la makhnovitchtchi­na (1917 – 1921)

Alors seule­ment on pour­ra con­sid­ér­er le sujet non pas comme épuisé mais comme cor­recte­ment traité. »

(« Nestor Makhno et la tra­di­tion cosaque » — « Rava­chol » n°1 )

Puisque, comme l’a dit Reclus « la géo­gra­phie fait l’histoire », la pre­mière par­tie d’un tel ouvrage devrait être d’abord géo­graphique. Elle mon­tr­erait peut-être com­ment les con­di­tions naturelles de la steppe ont influé de façon ana­logue des sociétés antérieures à l’Ukraine cosaque.

Pour la révo­lu­tion espag­nole il faudrait procéder de façon sim­i­laire. Rechercher les con­ti­nu­ités géo­graph­ico-his­toriques ibériques « ver­ti­cales » si l’on peut dire, avant les analo­gies « hor­i­zon­tales » avec les phénomènes con­tem­po­rains des autres pays (Fas­cismes, Fronts populaires…).

Sans faire inter­venir les éter­nelles sor­nettes sur 1’âme et le car­ac­tère espag­nols, il con­vient de voir que la révo­lu­tion de 1936 s’inscrit dans la ligne d’une tra­di­tion con­stante et très ancienne.

D’une part le soulève­ment de Fran­co s’apparentait beau­coup moins au fas­cisme pro­pre­ment dit, de style mus­solin­ien ou hit­le­rien, qu’au sys­tème ibérique des « pro­nun­ci­amien­tos » mil­i­taires. Com­ment expli­quer l’élan de ce mou­ve­ment sans remar­quer qu’à bien des égards il s’agissait de la dernière guerre carliste ? Les volon­taires carlistes : les « Requetes » étaient deux fois plus nom­breux (80.000) que les fas­cistes (pha­langistes 40.000). Non seule­ment absence d’un par­ti fas­ciste de masse, mais main­tien au pre­mier plan des forces réac­tion­naires sécu­laires : cléri­cale et monar­chiste. L’appareil autori­taire et cen­tral­isa­teur, qui au cours de l’histoire a ten­té de lamin­er une à une toute lib­erté, se recon­stru­it, et l’idée obscu­ran­tiste et total­i­taire – en un mot typ­ique­ment chré­ti­enne – de croisade est a nou­veau à l’œu­vre. L’Es­pagne est le seul pays où la croisade-recon­quête ait « réus­si» ; exerçant ses rav­ages jusqu’à la ruin­er défini­tive­ment depuis le XIIIe siè­cle. Et le mou­ve­ment de Fran­co, par con­tin­u­a­tion, sera bap­tise « Croisade Nationale ».

Symétrique­ment l’ampleur de la résis­tance antifran­quiste doit beau­coup aux fac­teurs géo­graphiques-his­toriques : dis­per­sion périphérique des zones vitales en com­mu­nautés très indi­vid­u­al­isés et cen­trifuges : Pays Basque et Asturies, Cat­a­logne et lev­ant. À ce moment a joué forte­ment la ten­dance naturelle à la décen­tral­i­sa­tion, à l’autonomie, a l’auto-gestion des régions, mais aus­si des villes, des corps de méti­er, des vil­lages paysans. Com­ment par­ler de révo­lu­tion en Espagne sans la reli­er aux efforts des « Munici­p­ios Libres » (Municipes libres), des « Com­muneros » (Com­muneux), des « Ger­ma­nias » (Fra­ter­nités), des « Remen­sas » (Remue­ments) pour affirmer au cours des siè­cles leurs droits, leurs « fueros ». Rock­er dans « Nation­al­isme et Cul­ture » (Chapitre VI) sig­nale que le syn­di­cal­isme espag­nol remonte au moins à l’époque mau­resque. Même les mots d’ordre les plus révo­lu­tion­naires au XXe siè­cle comme la col­lec­tivi­sa­tion des ter­res avaient en Espagne des racines pro­fondes. Un Joaquin Cos­ta pou­vait dès le fin du XIXe siè­cle dans un volu­mineux ouvrage étudi­er « Le Col­lec­tivisme agraire en Espagne » et son expéri­ence mil­lé­naire tou­jours renouvelée.

En con­clu­sion pour para­phras­er Atchenko nous ne pou­vons qu’exprimer le vœu que tout ouvrage exhaus­tif sur la dévo­lu­tion espag­nol soit artic­ulé en trois par­ties ain­si définies :

  1. Géo­gra­phie et his­toire de l’Espagne : la tra­di­tion libertaire
  2. L’Anarchisme et son influ­ence en Espagne : l’Internationale, l’Alliance et le C.N.T.-F.A.I.
  3. La Révo­lu­tion espag­nole 1936 et ses réal­i­sa­tions : col­lec­tivi­sa­tions agraires et industrielles.

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