La Presse Anarchiste

Au travail

Après cinq ans de silence for­cé, les Temps nou­veaux ont repris leur place dans la lutte pour l’émancipation humaine.

Peut-être, à mon avis, l’ont-ils reprise trop tôt, et avant d’être com­plè­te­ment équipés.

Nous aurions dû orga­ni­ser notre cor­res­pon­dance de façon à avoir un mou­ve­ment social mon­dial inté­res­sant. Nous aurions dû orga­ni­ser la vente au numé­ro, de façon à ne pas être for­cés de mettre un prix d’exemplaire et d’a­bon­ne­ment qui peut être une entrave à notre développement.

J’au­rais pré­fé­ré que tout un tra­vail d’or­ga­ni­sa­tion eût été com­men­cé avant de ris­quer l’ap­pa­ri­tion. Mon avis n’a pas pré­va­lu. Il nous reste donc à faire après, ce qui n’a pas été fait avant.

Com­men­çons par orga­ni­ser la vente au numé­ro : par les libraires, elle est trop oné­reuse, mais les cama­rades peuvent suffire.

À tous ceux qui pensent comme nous, à tous ceux qui pensent que la revue peut faire de bonne besogne, nous deman­dons d’organiser dans leur loca­li­té un petit grou­pe­ment de cama­rades pen­sant comme eux, ne seraient-ils que trois ou quatre pour commencer.

Ces cama­rades nous pren­draient le nombre d’exemplaires dont ils juge­raient pou­voir se charger.

Ces exem­plaires, ils les dis­tri­bue­raient gra­tis, ou les ven­draient au prix fort, ou à prix réduit, comme ils juge­raient bon. Mais ces exem­plaires seraient payés à l’Administration au prix fort, sauf une remise de 30% (que les numé­ros soient ven­dus ou dis­tri­bués). Comme Pier­rot l’ex­pli­que­ra dans un pro­chain numé­ro au sujet des sous­crip­tions, l’en­voi gra­tuit de numé­ros est assez effi­cace, mais oné­reux ; nous ne pou­vons le pra­ti­quer que sur une petite échelle.

Il y a encore d’autres moyens : les indi­vi­dus peuvent faire ce que nous avons dit au sujet des groupes, c’est-à-dire prendre plu­sieurs numé­ros à leur compte. Et tous ces moyens, employés ensembles, l’un aidant l’autre, peuvent don­ner des résul­tats appré­ciables, si cha­cun dans son coin, veut s’y employer dans la mesure de ses forces.

D’autant plus que, ayant pris l’ha­bi­tude de se réunir les cama­rades peuvent, dans la vie cou­rante, trou­ver à employer leur activité.

Nos gou­ver­nants, loin de prendre des mesures en vue d’empêcher les spé­cu­la­teurs d’a­mas­ser de scan­da­leuses for­tunes en affa­mant la popu­la­tion, les favo­risent, au contraire, par une poli­tique insen­sée de pro­tec­tion à outrance. Mais le public, assez mou­ton­nier jus­qu’i­ci, com­mence à mon­trer les dents, et semble vou­loir se pro­té­ger lui-même. Voi­là déjà une occa­sion pour les anar­chistes de se mêler à ces mouvements.

S’y mêler indi­vi­duel­le­ment, c’est bien ; mais s’entendre entre soi, aupa­ra­vant, c’est encore mieux ; de là, l’u­ti­li­té des petits grou­pe­ments de cama­rades. On est beau­coup plus fort lors­qu’on agit de concert.

Pour­quoi la révo­lu­tion russe, la révo­lu­tion alle­mande, la révo­lu­tion hon­groise ont-elles échoué,  — quant à ce que devait être leur but, tout au moins — c’est que les révo­lu­tion­naires n’é­taient pas grou­pés, man­quaient de cohé­sion. Des groupes « orga­ni­sés » de citoyens auraient dû se sub­sti­tuer à la machi­ne­rie poli­tique et éco­no­mique bour­geoise ; tan­dis que, comme dans les révo­lu­tions poli­tiques, ce sont des indi­vi­dus qui se sont empa­rés du pou­voir ! Viciées dès le début, ces révo­lu­tions devaient avorter.

Si nous ne vou­lons pas, encore une fois, démon­trer notre impuis­sance lorsque se pré­sen­te­ront les occa­sions d’a­gir, se grou­per doit être notre pre­mière besogne. Se grou­per, non pas pour dis­cu­ter à perte de vu mais pour faire de la besogne, chaque fois qu’elle se pré­sente, pour la sus­ci­ter au besoin.

Pour me résu­mer, en atten­dant de réa­li­ser un pro­gramme assez ambi­tieux, étant don­née la situa­tion que les cama­rades, pour com­men­cer, se mettent en rela­tion avec nous, qu’ils nous fassent savoir ce qu’ils peuvent faire pour la revue. Nous ver­rons, par la suite, com­ment élar­gir notre action.

[/​J. Grave/]

La Presse Anarchiste