La Presse Anarchiste

Le coin des lecteurs

Le cama­rade Sauve, à pro­pos des élec­tions pro­chaines, nous envoie un appel aux pro­lé­taires qui serait mieux à sa place sur une affiche. Nous allons, en effet, avoir bien­tôt des élec­tions ; nous allons revoir le bat­tage élec­to­ral, assis­ter aux com­pro­mis­sions les plus démo­ra­li­santes et aux maqui­gnon­nages les plus éhon­tés. Le pis est que le vote, don­nant tout pou­voir à un délé­gué à peu près incon­trô­lable, décharge l’é­lec­teur de tout sou­ci sur la marche des affaires publiques. Après son vote, cet élec­teur se dés­in­té­resse de la vie poli­tique ; il compte sur son dépu­té pour que celui-ci agisse à sa place.

Sauve dit aussi :

« Le suf­frage uni­ver­sel vous est soi-disant don­né comme une arme. Une arme, allons donc ! Un hochet, un jou­jou de nou­vel an (l’a­mu­se­ment des tra­vailleurs et la tran­quilli­té des bour­geois, comme le disait si bien J. Guesde en 1888). Une arme, ce sabre de bois qui se brise entre vos mains quand vous vou­lez vous en ser­vir contre vos maîtres. »

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Deux extraits d’une lettre de Bue­nos-Ayres :

Com­ment se fait-il que les diplo­mates n’aient pas son­gé à sup­pri­mer l’u­nique moyen qui pour­ra être employé par un État pour ne pas se confor­mer à ses enga­ge­ments, c’est-à-dire la force armée ? Ce sont les armées qu’il faut sup­pri­mer, si l’on veut que la Ligue des Nations soit une garan­tie de paix.

Nous pour­rions enfer­mer ces grands per­son­nages dans ce dilemme :

« Si les hommes sont à même de sou­mettre leurs dif­fé­rends à un tri­bu­nal d’ar­bi­trage et de se confor­mer à ses déci­sions, les arme­ments deviennent inutiles ; si, au contraire, ils ne sont pas assez conscien­cieux pour se confor­mer à ses déci­sions, ils seront tout natu­rel­le­ment ten­tés d’a­voir recours aux armes, et il faut éga­le­ment les sup­pri­mer si nous vou­lons que la paix soit durable. »

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En mai, il y a eu à Bue­nos-Ayres un mou­ve­ment extra­or­di­naire. Le plus curieux c’est que le malaise éco­no­mique n’est pas plus grand qu’il y a un an, qu’il y a deux ans.

Néan­moins, le mou­ve­ment fut géné­ral : depuis les employés de maga­sins, d’é­pi­ce­ries, de banques jus­qu’à la domes­ti­ci­té, les gar­diens, les concierges, les chauf­feurs des par­ti­cu­liers, etc. Le pre­mier mai fut carac­té­ri­sé par un chô­mage tout à fait com­plet. C’est un fait unique dans la vie de Bue­nos-Ayres. Ce qu’il y eut de plus beau dans ce mou­ve­ment, c’est la soli­da­ri­té. Il y a eu très sou­vent dans les reven­di­ca­tions pré­sen­tées autre chose que des inté­rêts maté­riels, il y a eu de la digni­té, un but moral. Tout le monde ici fut stu­pé­fait, la classe ouvrière elle-même, je veux dire les militants.

Ce que je redoute de toute cette agi­ta­tion (la lettre est écrite en mai) et de cet état d’es­prit des masses, c’est qu’é­tant don­né la haine qui a été prê­chée depuis trente ans, si le pro­lé­ta­riat par un coup de force vient un jour (et la chose ne parait pas impos­sible) à domi­ner la situa­tion, nous ayons, après avoir subi la tyran­nie capi­ta­liste, à en subir une autre qui ne vau­drait guère mieux car dans bien des cas on les voit dépas­ser le but, de la meilleure foi du monde ; mais on ne peut leur deman­der davan­tage, et c’est bien là où est le danger.

Le gou­ver­ne­ment a fait un véri­table coup d’É­tat : par simple décret, il a inter­dit toute réunion qui aurait un carac­tère anar­chiste ; il a sup­pri­mé les deux quo­ti­diens anar­chistes ou consi­dé­rés comme tels, la Pro­tes­ta et la Ban­de­ra Roja, puis aus­si un jour­nal anti­clé­ri­cal, El Bujo. Mais je doute que ces mesures soient suf­fi­santes pour tuer un mou­ve­ment de cette envergure.

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