La Presse Anarchiste

Circulaire du Conseil fédéral espagnol au sujet des intrigues de Paul Lafargue

[[Arti­cle pub­lié sans titre]]

[(Nous recevons la cir­cu­laire suiv­ante, adressée par le Con­seil fédéral espag­nol à toutes les Sec­tions de cette région:)]

Com­pagnons,

Dans notre cir­cu­laire du 7 juil­let nous vous indiquions l’in­flu­ence per­verse et les ten­dances éminem­ment nuis­i­bles de cer­tains hommes qui, ne pou­vant s’im­pos­er par la force, en appel­lent à l’in­trigue et à la calomnie.

La Eman­ci­pa­cion de Madrid, qui a le cynisme de s’ap­pel­er le défenseur de l’In­ter­na­tionale, tan­dis que le plus grand nom­bre de ses rédac­teurs ont été expul­sés de la Sec­tion des métiers divers de la Fédéra­tion de Madrid, comme traîtres au pro­gramme qu’ils avaient signé, et que les autres ne font pas par­tie de notre Asso­ci­a­tion ; ces hommes, dis­ons-nous, ont lancé dans leur numéro 59 tout le venin qu’il leur a été pos­si­ble, démon­trant une fois de plus quel est l’hon­or­able but qu’ils se pro­posent et qui n’est autre que la désor­gan­i­sa­tion de l’Internationale.

C’est avec répug­nance que nous nous voyons oblig­és de répon­dre aux graves accu­sa­tions que lance con­tre nous ce jour­nal, organe des ten­dances com­mu­nistes-autori­taires qui domi­nent dans ce Con­seil général qui, selon l’ex­pres­sion du bour­geois Lafar­gue, est mené par son beau-père Karl Marx.

Les rédac­teurs de la Eman­ci­pa­cion, dans leur colère, nous accusent d’in­jus­tice, et cela pré­cisé­ment parce que nous n’avons pas voulu vio­l­er l’ar­ti­cle 8 des Statuts de la Fédéra­tion régionale espag­nole, qui con­sacre l’au­tonomie des Fédéra­tions locales ; elle nous attaque parce que nous n’avons jamais con­sen­ti à ce que cer­taines indi­vid­u­al­ités s’im­posent à nous, en dépit de toutes leurs intrigues, lesquelles, à dire vrai, com­pagnons, mérit­eraient une qual­i­fi­ca­tion beau­coup plus dure.

Nous le déclarons aux rédac­teurs du jour­nal en ques­tion, aux mem­bres du Con­seil général, à tous ceux qui nous men­a­cent et nous injuri­ent, que le Con­seil fédéral de la région espag­nole ne se lais­sera domin­er par per­son­ne, et que ses mem­bres n’ap­par­ti­en­nent pas à cette caté­gorie d’in­di­vidus à qui il suf­fit d’un seul souper pour chang­er d’opin­ion. Nous avons trop la con­science de notre mis­sion et le sen­ti­ment de notre dig­nité ; et les délégués au Con­grès de Saragosse en ont déjà don­né la preuve à l’homme funeste qui trou­ble cette région, au dis­si­pa­teur des larmes et du sang des esclaves blancs et noirs, au bour­geois Paul Lafar­gue. Les délégués, en pas­sant par Madrid, furent invités à souper chez ce Mon­sieur ; là on cher­cha à séduire deux mem­bres de notre Con­seil, là on pro­posa de faire paraître la Eman­ci­pa­cion au lieu de la rési­dence du nou­veau Con­seil, qui aurait passé pour être en même temps le con­seil de rédac­tion de ce jour­nal, tan­dis qu’eux, Lafar­gue et ses amis, l’au­raient rédigé en réal­ité, c’est-à-dire nous auraient envoyé de Madrid les arti­cles tout faits, pen­dant que nous auri­ons joué le rôle d’édi­teurs respon­s­ables de leurs intrigues ; ils cher­chaient de cette manière à s’im­pos­er à tous, en un mot de faire de nous leurs dupes. Par tout ce qui fut dit là, et par les habiles manœu­vres qu’ils ont mis­es en pra­tique, nous nous sommes con­va­in­cus de ce qu’ils sont en réal­ité et de leurs funestes tendances.

Com­pagnons de mis­ère et tra­vailleurs comme nous ! jusqu’i­ci nous avons observé à ce sujet une pru­dente réserve, et nous croyons avoir bien fait ; mais aujour­d’hui nous avons le devoir de vous révéler tout ce qui s’est passé, et de vous dire que dans ce mémorable souper nous avons pu nous con­va­in­cre d’une manière cer­taine que ce sont les hommes de la Eman­ci­pa­tion, et ceux-là seuls, qui voudraient porter atteinte aux principes anar­chiques et col­lec­tivistes proclamés dans nos Con­grès et dans la Con­férence de Valence ; et qu’ils sont capa­bles de tout, ayant vu que nous avons mis un frein à leur autori­tarisme et que nous avons méprisé les injures qu’ils ont adressées à des com­pagnons hon­or­ables et dignes, qu’ils con­tin­u­ent aujour­d’hui à atta­quer et à calom­nier d’une manière dégoûtante.

Nous le déclarons bien haut à M. Lafar­gue et à ses amis par­ti­c­uliers ; nous le déclarons à tous ceux qui con­spirent con­tre le pro­lé­tari­at, — que la Région espag­nole n’adopte pas les doc­trines de ces com­mu­nistes déguisés qui veu­lent la destruc­tion du régime cap­i­tal­iste par la con­quête du pou­voir poli­tique ; qu’elle ne veut pas de la cen­tral­i­sa­tion, prêchée d’une manière hyp­ocrite par la Eman­ci­pa­cion dans la série d’ar­ti­cles inti­t­ulés Organ­i­sa­tion du tra­vail, où on attaque la libre con­trac­ta­tion, c’est-à-dire la grande for­mule adop­tée par la Con­férence de Valence.

Et ensuite, ceux qui hier encore défendaient chaleureuse­ment les mêmes principes que nous, ont osé par­ler de trahi­son ! Ils ont osé nous accuser de nous être ven­dus à ces hommes qui reçoivent la con­signe du Comité établi en Suisse et qui lui obéis­sent aveuglé­ment ! Voilà ce qu’osent dire ces hommes qui savent mieux que nous lesquels obéis­sent à la con­signe, aux manœu­vres et aux intrigues qui s’éla­borent dans le cab­i­net roy­al de M. Marx, et qui sont l’u­nique passe-temps du grand pon­tife et de ses satel­lites, passe-temps plus agréable et plus digne à leurs yeux que la sit­u­a­tion dans laque­lle se trou­vent placés ceux qu’ils calomnient.

Accusez-nous donc, rédac­teurs de la Eman­ci­pa­cion, d’être des allian­cistes, vous qui jadis recom­mandiez l’or­gan­i­sa­tion de cette même Alliance ; vous qui, dans une cir­cu­laire envoyée seule­ment à ceux que vous en jugiez dignes, exaltiez l’ex­cel­lence de cette même Alliance que vous attaquez aujour­d’hui, vous efforçant de faire croire que vous aviez été trompés, et que c’est pour cela que vous avez ensuite ordon­né, par cir­cu­laire, la dis­so­lu­tion de l’Alliance. Dans cette même cir­cu­laire, vous lan­ciez déjà con­tre un de nos com­pagnons des calom­nies que le temps et les faits se sont chargés de démentir.

Non, nous n’ap­partenons à aucune autre organ­i­sa­tion qu’à celle adop­tée par la Fédéra­tion espag­nole ; nous pou­vons l’af­firmer haute­ment, et nous dis­ons plus : s’il existe un groupe qui porte atteinte à l’or­gan­i­sa­tion et aux principes de la Fédéra­tion espag­nole, c’est celui que forme le Con­seil de rédac­tion de la Eman­ci­pa­cion, dont les mem­bres, dans leur majorité, ont été pour leur per­ni­cieuse con­duite expul­sés de la fédéra­tion de Madrid.

Vous pré­ten­dez aus­si que le com­pagnon Loren­zo, secré­taire de notre Con­seil, ne pou­vant résis­ter aux intrigues et aux manœu­vres des alliés, s’est séparé de nous ; en réponse à cela, nous avons le devoir de déclar­er que, si quelque chose pou­vait avoir influé sur sa déter­mi­na­tion, ce serait assuré­ment votre con­duite doc­tri­naire ; car, en nous quit­tant pour ren­tr­er dans la vie privée, il a écrit un acte d’ad­hé­sion à la protes­ta­tion pub­liée par la Razon de Séville con­tre la let­tre de Lafar­gue, et une autre pièce dans laque­lle il déclare être oppose à la con­duite doc­tri­naire de la Eman­ci­pa­cion. C’est vous et non pas nous, vous le savez bien, qui êtes cause de sa retraite.

Enfin, nous avons le devoir d’ap­pel­er l’at­ten­tion de tous les fédérés de la Région espag­nole sur l’in­ten­tion qui a dic­té la propo­si­tion pub­liée dans la Eman­ci­pa­cion, deman­dant qu’il soit nom­mé un délégué par comar­ca [[Le Fédéra­tion espag­nole est divisée en cinq comar­cas ou ter­ri­toires : celle du Nord, de l’Ouest, du Sud, de l’Est et du Cen­tre.]] et que ces délégués se réu­nis­sent à Valence.

Tout ce que nous venons d’ex­pos­er, nous le soumet­tons au juge­ment de tous les inter­na­tionaux de la Région espag­nole, pour qu’ils sachent en réal­ité quels sont ceux qui minent l’In­ter­na­tionale et qui voudraient s’im­pos­er à nous.

Nous ne répon­drons pas en détail à bien d’autres calom­nies, parce que l’ac­com­plisse­ment de notre devoir nous en empêche, et en même temps parce que ce serait trop nous occu­per des intrigues d’un jour­nal bour­geois déguisé en inter­na­tion­al ; nos seuls actes suff­isent pour les démentir.

Com­pagnons, Nous ne pour­rions con­sen­tir à nous faire les instru­ments aveu­gles de gens qui n’ont d’in­ter­na­tion­al que le nom ; soyons unis, aujour­d’hui plus que jamais, pour nous délivr­er de nos enne­mis ; que tous les bons inter­na­tionaux défend­ent avec énergie les principes proclamés par notre Fédéra­tion régionale, et de cette manière nous réus­sirons à rejeter de notre sein la zizanie et les maux que voudraient y semer nos adversaires.

Com­pagnons. En présence des graves accu­sa­tions lancées con­tre nous et qui atteignaient en même temps notre Fédéra­tion régionale, nous avons été oblig­és de répon­dre. Pronon­cez main­tenant vous-mêmes si nous avons oui ou non accom­pli notre devoir, car votre silence sur une si grave ques­tion serait la source de mal­heurs impos­si­bles à réparer.

Vive l’As­so­ci­a­tion inter­na­tionale des travailleurs !

Vive l’a­n­ar­chie !

Vive le collectivisme !

Salut et liq­ui­da­tion sociale.

Valence, le 30 juil­let 1872.

Le Con­seil fédéral espag­nol : Le tré­sori­er, Vicente Rosell, tis­seur en soie. Le con­trôleur, Vicente Tor­res, libraire. Le secré­taire économique, Vicente Asen­si, ébéniste. Le secré­taire cor­re­spon­dant de la comar­ca du Nord, Pere­grin Mon­toro, tis­seur en soie. Le secré­taire cor­re­spon­dant de la comar­ca du Sud, Sev­eri­no Albar­racin, insti­tu­teur pri­maire. Le secré­taire général par intérim et cor­re­spon­dant de la comar­ca de l’Est, Fran­cis­co Tomàs, maçon. Le secré­taire cor­re­spon­dant de la comar­ca de l’Ouest, Cayetano Mar­ti, tailleur de pier­res. Le secré­taire cor­re­spon­dant de la comar­ca du Cen­tre, Fran­co Mar­tinez, teinturier. 


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