La Presse Anarchiste

Exigences sur Conseil Géénral de Londres envers la section espagnole

Le Conseil géné­ral de Londres a écrit au Conseil fédé­ral espa­gnol une lettre véri­ta­ble­ment inouïe. La Fede­ra­cion de Bar­ce­lone, qui la repro­duit ain­si que la réponse du Conseil fédé­ral espa­gnol, la fait pré­cé­der des réflexions suivantes :

« Nos lec­teurs ver­ront plus bas la com­mu­ni­ca­tion que le Conseil géné­ral de Londres a adres­sée à notre Conseil régio­nal, et la réponse digne que celui-ci a faite.

Le Conseil géné­ral donne, par cette com­mu­ni­ca­tion, une nou­velle preuve de l’es­prit auto­ri­taire qui le domine ; sor­tant entiè­re­ment des limites de ses attri­bu­tions, avec des menaces dépla­cées et mon­trant une fureur qu’il ne peut com­pri­mer, il demande au Conseil régio­nal espa­gnol ce que le pre­mier gou­ver­ne­ment venu pour­rait deman­der à ses sala­riés du minis­tère de la police.

De quel droit le Conseil géné­ral pour­rait-il décla­rer traître le Conseil régio­nal espa­gnol, qui rem­plit ses devoirs avec zèle, à la satis­fac­tion de ceux qu’il repré­sente et qui sont les seuls qui puissent lui deman­der compte de ses actes ? Qui lui don­ne­rait le pou­voir de décla­rer traîtres des frères que nous esti­mons et à qui nous avons confié la mis­sion de nous ser­vir d’in­ter­mé­diaires de cor­res­pon­dance, et cela pour cet énorme et unique délit de ne pas répondre par retour du courrier ?

Peut-on ima­gi­ner plus de fureur dictatoriale ?

Que nos frères lisent la lettre de Londres et la réponse qui lui a été faite, et qu’ils jugent. »

[|* * * *|]

[(Londres, 24 juillet 1872 

Au Conseil fédé­ral de la région espa­gnole, Valence.

Citoyens,

Nous avons en mains les preuves qu’il existe, dans le sein de l’In­ter­na­tio­nale, par­ti­cu­liè­re­ment en Espagne, une socié­té secrète qui s’ap­pelle l’Alliance de la démo­cra­tie socia­liste. Cette socié­té, dont le centre est en Suisse, se donne pour mis­sion spé­ciale d’im­pri­mer à notre grande Asso­cia­tion une direc­tion conforme à ses ten­dances par­ti­cu­lières, et de la conduire vers un but qui reste igno­ré par la grande masse des inter­na­tio­naux. Nous savons en outre, par la Razon de Séville, qu’au moins trois membres de votre Conseil appar­tiennent à l’Alliance.

Quand cette socié­té se for­ma, en 1868, comme socié­té publique, le Conseil géné­ral a dû refu­ser son admis­sion dans l’In­ter­na­tio­nale, à cause de sa pré­ten­tion de for­mer un second corps inter­na­tio­nal fonc­tion­nant en dedans et en dehors de l’As­so­cia­tion inter­na­tio­nale des tra­vailleurs, jus­qu’au moment où elle renon­ça à son carac­tère inter­na­tio­nal. Elle n’a pu entrer dans l’In­ter­na­tio­nale sans pro­mettre de se bor­ner à être une simple Sec­tion locale à Genève. (Voir les faits dans la Cir­cu­laire pri­vée du Conseil géné­ral sur les pré­ten­dues scis­sions, pages 7 à 9.)

Si le carac­tère et l’or­ga­ni­sa­tion de cette socié­té étaient déjà contraires à l’es­prit et à la lettre de nos Sta­tuts quand elle était tout à la fois publique et recon­nue, son exis­tence secrète, au mépris de la parole don­née, dans le sein de l’In­ter­na­tio­nale, consti­tue une véri­table tra­hi­son contre notre Asso­cia­tion. L’Internationale ne recon­naît qu’une seule espèce de membres, avec des droits et des devoirs égaux pour tous ; l’Al­liance les divise en deux classes, les ini­tiés et les pro­fanes, les der­niers des­ti­nés à être conduits par les pre­miers au moyen d’une orga­ni­sa­tion dont ils doivent igno­rer jus­qu’à l’exis­tence. L’In­ter­na­tio­nale demande à ses adhé­rents de recon­naître pour base de leur conduite la Véri­té, la Jus­tice et la Morale ; l’Al­liance impose à ses adeptes, comme pre­mier devoir, de trom­per les inter­na­tio­naux pro­fanes sur l’exis­tence de l’or­ga­ni­sa­tion secrète, sur les motifs et le but de leurs paroles et de leurs actes. Le Conseil géné­ral a déjà annon­cé dans sa cir­cu­laire qu’il récla­me­ra du pro­chain Congrès une enquête sur cette Alliance, véri­table conspi­ra­tion contre l’In­ter­na­tio­nale. Il connaît, en outre, les mesures que les hommes de l’Al­liance ont fait prendre au Conseil fédé­ral espa­gnol dans l’in­té­rêt de leur socié­té. Il est réso­lu de mettre fin à ces manœuvres occultes, et, à cet effet, il vous réclame pour le mémoire sur l’Al­liance, ce qu’il doit pré­sen­ter au Congrès de La Haye :

  1. Une liste de tous les membres de l’Al­liance en Espagne, avec la dési­gna­tion des fonc­tions qu’ils rem­plissent dans l’Internationale.
  2. Une enquête de votre part sur le carac­tère et l’ac­tion de l’Al­liance, ain­si que sur son orga­ni­sa­tion et sur ses rami­fi­ca­tions dans l’in­té­rieur de l’Espagne.
  3. Un exem­plaire de votre cir­cu­laire pri­vée du 7 juillet 1872.

Il vous réclame en outre :

  1. Une expli­ca­tion sur la manière dont vous conci­liez vos devoirs envers l’In­ter­na­tio­nale avec la pré­sence dans votre sein d’au moins trois membres notoires de l’Al­liance de la démo­cra­tie socialiste.

À moins de rece­voir une réponse caté­go­rique et satis­fai­sante par retour du cour­rier, le Conseil géné­ral se ver­ra dans la néces­si­té de vous dénon­cer publi­que­ment en Espagne et à l’é­tran­ger comme ayant vio­lé l’es­prit et la lettre des Sta­tuts géné­raux et comme ayant tra­hi l’In­ter­na­tio­nale dans l’in­té­rêt d’une socié­té secrète qui lui est, non seule­ment étran­gère, mais hostile.

Salut et égalité.

Par ordre et au nom du Conseil général

Le secré­taire pour l’Espagne,

Fré­dé­ric Engels.)]

L’es­pace nous manque pour don­ner en entier la réponse faite par le Conseil fédé­ral espa­gnol à cette épître dic­ta­to­riale ; en voi­ci seule­ment les prin­ci­paux passages :

«… Nous sommes tou­jours dis­po­sés à rendre compte de nos actes à ceux qui nous ont élus, mais à eux seuls, parce qu’eux seuls ont le droit de nous le deman­der, et parce que ce sont eux seuls qui peuvent juger si nous avons oui ou non rem­pli le man­dat qu’ils nous ont confié. Aus­si, votre menace de nous dénon­cer comme traîtres si nous ne vous répon­dons pas par le retour du cour­rier, ne nous inquiète en aucune façon. Nous avons la cer­ti­tude d’a­voir rem­pli notre devoir.

… Vous nous deman­dez par retour du cour­rier : « Une liste de tous les membres de l’Al­liance en Espagne, avec l’in­di­ca­tion des fonc­tions qu’ils rem­plissent dans l’In­ter­na­tio­nale. » Diverses rai­sons nous empêchent de satis­faire à cette exi­gence et auraient dû vous empê­cher de nous adres­ser une sem­blable demande. La pre­mière est une rai­son de digni­té : vous récla­mez de nous ni plus ni moins que l’of­fice qu’un chef d’É­tat deman­de­rait à son dépar­te­ment de la police.

En outre, nous ne pos­sé­dons pas les ren­sei­gne­ments que vous nous deman­dez, par la simple rai­son que notre Conseil n’est pas obli­gé de connaître le nombre et les noms de tous ceux qui, appar­te­nant à notre Asso­cia­tion, font en même temps par­tie d’autres socié­tés, ni les fonc­tions qu’ils rem­plissent dans la nôtre, fonc­tions qui, s’ils en sont revê­tus, sont le résul­tat de la confiance qu’ils ont méritée.

… Nous vous répé­te­rons ce que nous avons dit dans notre cir­cu­laire du 30 juillet : c’est qu’au­cun membre de notre Conseil n’ap­par­tient à une autre orga­ni­sa­tion qu’à celle adop­tée par la Fédé­ra­tion régio­nale espa­gnole, et nous avons le droit d’ap­pe­ler misé­rables calom­nia­teurs ceux qui sou­tien­draient le contraire. »

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